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Frontières intelligentes – "Les premiers tests techniques ont été probants", selon le ministre luxembourgeois du Travail, Nicolas Schmit
01-07-2016


schmit-ict-expertsDans une interview parue le 1er juillet 2016 et accordée au magazine ICT Experts publié par Post Telecom, le ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Economie sociale et solidaire, Nicolas Schmit, revient sur les enjeux tant techniques que juridiques de la mise en œuvre du Paquet Frontières intelligentes.

Ce Paquet, présenté en février 2013 par la Commission européenne, doit permettre d’accélérer, simplifier et renforcer les procédures de vérification aux frontières pour les étrangers qui se rendent dans l’Union, étant le grand nombre actuel de passages aux frontières et de leur augmentation future. Ainsi, en 2015, plus de 50 millions de ressortissants de pays tiers se sont rendus dans l'UE. "D'ici 2030, le nombre de franchissements de frontières engendré par le seul trafic aérien pourra atteindre les 720 millions", explique Nicolas Schmit qui voit un "défi de taille" pour l'Union européenne et les États membres dans l’optimisation du système de gestion des frontières tout en assurant la sécurité à l'intérieur de l'Union.

La Commission avait dû modifier son projet après qu’en juillet 2013, le Contrôleur européen de la Protection des Données a considéré que le système Entrée/Sortie dans l’UE était "coûteux, insuffisamment justifié et intrusif". Ainsi, le 6 avril 2016, elle a retiré le règlement relatif à un programme européen d'enregistrement des voyageurs (RTP) initialement prévu et présenté une proposition révisée de règlement pour l’établissement d’un système d’entrées/sortie (EES), qui est le pilier du paquet.

Ce système d'entrée/sortie doit remplacer le système actuel d'apposition manuelle de cachets sur les passeports et permettre une gestion efficace des séjours autorisés pour une courte durée, une automatisation accrue des contrôles aux frontières et une meilleure détection de la fraude documentaire et de la fraude à l'identité. Initialement estimé à 1,1 milliard d'euros, le coût de sa mise en œuvre a été revu à la baisse, à 480 millions d’euros, dans le nouveau projet. Prenant en compte les critiques sur la rétention des données, le nouveau projet réduit leur nombre de 36 à 26. Par exemple, au lieu de dix empreintes digitales, la nouvelle proposition prévoit le relevé de quatre empreintes digitales et de l'image faciale comme identifiants biométriques.

Concilier l'exploitation des moyens technologiques et la protection de la vie privée

La mise en œuvre de ce Paquet pose des défis à la fois techniques et de protection de la vie privée, qui sont au cœur de l’interview de Nicolas Schmit, qui confie avoir été dès 2013, alors qu’il avait en charge le Travail, l’Emploi et l’Immigration, "convaincu que ce projet méritait d'être étudié". La Commission européenne a lancé en octobre 2014 une étude technique ainsi qu’un projet pilote mené dans douze Etats membres sous la férule de l'Agence européenne pour la gestion opérationnelle des systèmes d'informations à grande échelle (eu-LISA).

Différentes technologies sont impliquées dans le projet, que ce soit pour la reconnaissance de caractéristiques biométriques des voyageurs (empreintes digitales, image faciale, iris) ainsi que pour la base de données commune aux États membres. S’y ajoute le système ABC Gate (Automatic Border Control), qui permet la lecture automatisée d'un e -passeport contenant les informations biométriques et l'image faciale, explique Nicolas Schmit.

"Les premiers tests techniques ont été probants. L'étude pilote a démontré que les technologies nécessaires au déploiement du paquet "Frontières Intelligentes" sont déjà existantes et opérationnelles", fait savoir Nicolas Schmit avant de poursuivre : "Lors des projets pilotes, la reconnaissance des empreintes digitales par exemple a très bien fonctionné. Par ailleurs, la reconnaissance faciale est une technologie relativement mature, au même titre que le scan de l'iris, performant dans des conditions contrôlées."

Nicolas Schmit concède que certaines limites techniques "mineures" sont apparues durant la phase de tests. C’est notamment le cas de la durée de scan des dix empreintes digitales initialement prévu, "très chronophage" ou encore "les contrôles faciaux et de l'iris qui peuvent être erronés suivant les conditions de luminosité ou dans un train en mouvement par exemple". Mais, "les principales limites pour la suite du projet sont d'une toute autre nature", fait-il remarquer.

Pour Nicolas Schmit, le budget de 480 millions d’euros prévu est "une sous-estimation". Toutefois, "compte tenu des nouvelles menaces, il est important de pouvoir s'appuyer sur des systèmes opérationnels valables et performants", fait-il savoir. Au Luxembourg, la mise en place du système coûtera 20 millions d'euros, financés via l'internet Security Fund. Le Luxembourg dispose clairement des atouts nécessaires pour prendre part à la mise en œuvre du projet, avec une main-d’œuvre qualifiée dans le domaine de l’IT en augmentation de 4,5 % à 5,1 % de l'emploi total du Grand -Duché entre 2011 et 2014, déclare par ailleurs le ministre du Travail.

"Pour moi, l'exploitation des moyens technologiques à notre disposition dans une optique de renforcement de la sécurité est acceptable, voire évidente", poursuit Nicolas Schmit, tout en soulignant la nécessité de veiller à la protection des personnes et de leur vie privée. Il juge ainsi important que l'exploitation des données collectées reste "très ciblée", dans le cas de sérieuses présomptions d'activité criminelle par exemple. " La seule finalité des données recueillies doit être la lutte contre le crime. Il faut donc qu'elles soient protégées et inaccessibles." Il souligne le rôle important des juristes dans la mise en place de systèmes de protection des citoyens. "Il est important d'avoir, en amont, toutes les garanties juridiques, constitutionnelles et techniques, que les systèmes utilisés et données collectées sont protégés", juge-t-il.