Le 15 juin 2016, un accord a été conclu en trilogue entre le Parlement européen, le Conseil de l'UE et la Commission européenne sur un futur règlement sur les minerais provenant de zones de conflit. Selon cet accord, les grandes entreprises de l'UE important de l'étain, du tantale, du tungstène, de l'or et leurs minerais devront dorénavant procéder à des contrôles de "diligence raisonnable" de leurs fournisseurs.
L'accord obtenu a été fortement critiqué par la société civile européenne, relayée au Luxembourg par Fairtrade Lëtzebuerg, le Cercle de Coopération, l'Action Solidarité Tiers Monde, Caritas Luxembourg et Bridderlech Deelen. Dans une question parlementaire posée le 30 juin 2016, le député Déi Lénk, David Wagner, s'est fait à son tour l'écho de ces critiques auprès du ministre des Affaires étrangères et européennes, Jean Asselborn, afin de connaître la position du Luxembourg dans ce dossier et le nombre d'entreprises qui seraient effectivement concernés.
"Ces organisations désapprouvent le caractère non-contraignant de l'accord pour les entreprises et le fait que seuls des importateurs de minerais sous forme brute soient ciblés et non les importateurs de produits contenant ces minerais", résumait le député, avant de citer le président de Fair Trade Lëtzebuerg, Jean-Louis Zeien, qui, dans un communiqué, déplorait que «l'objectif d'éliminer les minerais de conflit de nos chaînes d'approvisionnements, de réduire l'immense souffrance, les guerres interminables ainsi que les violations des droits de l'Homme qui découlent de l'extraction et du commerce de minerais ne pourra pas se réaliser à travers ce règlement européen" et que cette mesure n'est pas en adéquation avec les objectifs du développement durable.
Dans sa réponse datée du 26 juillet 2016, le ministre luxembourgeois des Affaires étrangères et européennes, Jean Asselborn, rappelle qu'au cours de sa présidence du Conseil de l'Union européenne du deuxième semestre 2015, le Luxembourg s'est "fortement engagé" afin de dégager une position commune sur la question des minerais de conflit et a donc "davantage assumé une position de médiateur" afin de parvenir à un accord entre les co-législateurs européens.
Le compromis du 15 juin "s'inscrit dans une lignée d'équilibre entre l'objectif poursuivi d'éradiquer les violations des droits fondamentaux dus à l'extraction et au commerce d'étain, de tantale, de tungstène et d'or, et celui d'instaurer un système efficace qui soumettra la très grande majorité des importations de ces produits au devoir de diligence, en excluant toutefois les importateurs à faible capacité", dit le ministre qui cite les dentistes pour exemples entrant dans cette dernière catégorie.
Les détails techniques et pratiques de la mise en œuvre du règlement sur les minerais devront encore être articulés au cours des prochains mois avec comme objectif de conclure les négociations en trilogue d'ici la fin de cette année. "Le Luxembourg s'est engagé et s'engage pour un règlement sérieux, efficace et équilibré qui soutienne l'éradication des violations des droits fondamentaux (…) et qui, en même temps, ne crée pas une situation où les entreprises européennes sont remplacées par d'autres acteurs moins scrupuleux, sans qu'il n'y ait de changements concrets au sein de ces régions", assure le ministre, selon des arguments déjà étayés lors de la présentation des priorités de la présidence luxembourgeois de l'UE le 14 juillet 2015, ou, plus récemment, à la sortie du Conseil CAE Commerce du 13 mai 2016.
Il faut à la fois garantir le développement durable de ces régions et le respect des conventions internationales sans pour autant pousser les acteurs économiques européens à déserter des régions qui dépendent pratiquement entièrement de ces exportations, précise Jean Asselborn, qui désigne l'acte Dodd-Frank adopté aux Etats-Unis comme l'exemple à ne pas suivre, car il a mené "à un abandon complet des activités des opérateurs américains concernés, avec des effets désastreux pour l'économie locale de la région des Grands Lacs".
"La proposition de règlement UE se veut certes obligatoire en amont, mais avec des périodes de transition et une clause de révision qui permettront de mieux accompagner les entreprises européennes actives dans les régions concernées afin d'éviter tout phénomène d'embargo suite à la mise en œuvre du règlement", fait remarquer Jean Asselborn.
Pour conclure, le ministre fait savoir qu'une trentaine d'entreprises au Luxembourg seront concernées, ce qui, selon lui, "démontre l'étendue de la mise en œuvre dudit règlement". Un règlement qui imposerait des mesures contraignantes, mais uniquement pour les entreprises cotées en bourse, comme c'est le cas aux États-Unis, "ne couvrirait qu'une partie infime des entreprises importatrices de ces minerais".