Le 21 septembre 2016, la Commission européenne a proposé la fin complète des frais d'itinérance à partir du 15 juin 2017. Les nouvelles règles permettront "à tous les voyageurs qui utilisent une carte SIM dans un Etat membre dans lequel ils résident ou avec lequel ils ont des liens stables d'utiliser leur téléphone mobile dans n'importe quel autre pays de l'UE, comme ils le feraient à la maison", précise la Commission dans son communiqué. Aucune limite de temps ou de volume ne devrait alors être imposée aux consommateurs lors de l'utilisation de leurs téléphones ou tablettes portables au sein de l'UE.
Son nouveau projet de règlement d'application qui doit fixer les règles encadrant l'abolition des frais d'itinérance remplace le texte controversé, présenté le 5 septembre 2016 et retiré trois jours plus tard, par lequel la Commission laissait la possibilité aux opérateurs de limiter cette mesure à 90 jours par an.
Dans son discours sur l'état de l'Union tenu le 14 septembre 2016, le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, avait fait savoir qu'"un nouveau projet, bien meilleur", serait présenté la semaine suivante pour remplacer un texte qui "ne correspondait pas aux promesses qui avaient été faites" par la Commission, le Parlement et le Conseil, en juin 2015, d'une abolition totale des frais d'itinérance à partir du 15 juin 2017.
Néanmoins, le nouveau projet prévoit, en lieu et place d'une période limitée à 90 jours, des garde-fous qui permettront aux opérateurs de lutter contre d'éventuels abus, principalement ceux qui verraient des usagers acheter un forfait à l'étranger pour téléphoner à moindre frais dans leur pays.
"Il n'y aura pas un contrôleur derrière chaque smartphone", a déclaré le commissaire européen à l'Economie numérique, Günther Oettinger. Les opérateurs pourraient donc disposer de nouveaux moyens de contrôle des usages des abonnés, selon plusieurs critères, par exemple en vérifiant que la consommation dans leur pays de résidence n'est pas "insignifiante" en comparaison avec la consommation à l'étranger, ou en constatant une longue période d'inactivité de la carte SIM associée à du roaming.
Au nom du principe d'"utilisation équitable", les "liens stables" et de résidence qu'un citoyen entretient avec un autre Etat membre pourront ainsi être vérifiés. Les "liens stables" sont définis comme ceux qu'entretiennent des travailleurs frontaliers, des expatriés souvent de retour ou des étudiants Erasmus avec un pays.
En cas d'abus supposé, les opérateurs devront d'abord alerter l'abonné. Ils pourront ensuite lui imposer des frais d'itinérance fixés à 4 centimes par minute de communication, un centime par SMS et 0,85 centime par mégabit de données. Ces prix sont aussi ceux qu'un opérateur pourra rétablir temporairement, selon une clause de sauvegarde, au cas où il est capable de démontrer, que la situation a provoqué une hausse des prix pour ses clients.
Le projet de règlement doit être adopté définitivement le 15 décembre 2016, après des consultations des autorités européennes de régulation, des Etats de l'UE et d'autres participants tels que les entreprises de télécommunication.
L'eurodéputée luxembourgeoise PPE, Viviane Reding, qui avait la veille à Luxembourg (LIEN) rappelé sa position pour une suppression totale des frais d'itinérance, a salué dans un communiqué "une promesse de longue haleine". “Après dix ans de combat sans relâche, les frais d'itinérance appartiennent officiellement au passé", a-t-elle déclaré avant de désigner la nouvelle bataille vers laquelle redéployer son énergie, à savoir "la lutte contre les frais abusifs pour les appels intra-européens depuis votre pays vers un autre".
Sa collègue PPE, Pilar del Castillo, a salué une proposition “pleinement respectueuse” de la décision approuvée par le Parlement, "d'une fin des frais d'itinérance en juin 2017". C'est "un pas important pour le marché unique numérique".
"La proposition d'aujourd'hui représente une amélioration spectaculaire; je me réjouis que la Commission ait écouté et compris que sa proposition initiale serait mal accueillie", a dit pour sa part l'eurodéputé Jens Rohde, porte-parole de l'ADLE sur le roaming, avant de prévenir : "Nous avons lutté pour nous débarrasser des frais d'itinérance, afin de donner aux gens la liberté de voyager en Europe, de faire des affaires en Europe et d'étudier en Europe sans avoir à craindre des factures de téléphone ridiculement élevées. Nous ne relâcherons pas nos efforts."
La veille de cette annonce, le groupe S&D avait, par la voix de l'eurodéputée, Miapetra Kumpula-Natri, attiré l'attention sur le fait qu'une telle abolition des frais d'itinérance ne pouvait avoir lieu que moyennant l'adoption d'une nouvelle règlementation des frais inter-opérateurs en la matière. Il réclamait une baisse des frais de gros sur les services d'itinérance fixés par la Commission à 0,04 euro/min pour les appels, 0,01 euro/SMS et 0,0085 euro/Mo (soit 8,7 €/Go), afin de "s'assurer que les clients ne paieront pas les bénéfices réalisés par les opérateurs". La question clé serait la définition d'un plafond tarifaire pour les données, alors que la consommation de données en Europe s'accroît rapidement et que cet accroissement "induira une baisse des coûts unitaires pour les opérateurs", dont les citoyens et les entreprises" devront aussi bénéficier".
Enfin, la directrice du Bureau Européen des Unions de Consommateurs (BEUC), Monique Goyens, a salué le nouveau texte de la Commission, soulignant toutefois qu'il était "vital" que ces mesures "ne conduisent pas à un contrôle systématique des usagers par les opérateurs téléphoniques". Elle a aussi désigné le prochain pas important à franchir comme étant "la réforme sensible du marché de gros des communications téléphoniques", qui passerait notamment par l'interdiction faite aux opérateurs d'imposer des frais onéreux à un autre opérateur quand un client fait de l'itinérance".