Alors que les ministres en charge du Commerce extérieur sont invités à donner leur feu vert à la signature de l’accord de libre-échange entre l’UE et le Canada (CETA) lors d’un Conseil Affaires étrangères extraordinaire qui se tiendra à Luxembourg le 18 octobre prochain, la Chambre des salariés a publié le 13 octobre 2016 une analyse préliminaire de la déclaration interprétative conjointe de l’UE et du Canada dans le cadre du CETA. Cette déclaration, demandée notamment par cinq Etats membres, à savoir l’Allemagne, la France, les Pays-Bas, l’Autriche et le Luxembourg, ainsi que l’a expliqué Jean Asselborn après l’avoir présentée aux députés luxembourgeois le 10 octobre dernier, vise à offrir des garanties quant à l’interprétation qui sera faite du traité sur de nombreux points qui inquiètent un certain nombre d’organisations de la société civile. Or, la CSL, qui fait partie de la plateforme Stop TTIP, relève dans cette analyse la "valeur juridique très incertaine" de cette déclaration interprétative conjointe.
Selon la CSL, l’essentiel de ce document "correspond en réalité à un simple exercice de répétition des soi-disant "améliorations" et "avancées" prévues par CETA en tant qu’accord de nouvelle génération". "La déclaration interprétative répète souvent des affirmations déjà faites dans le cadre de CETA, mais qui ne donnent pas de garanties juridiques supplémentaires", observe la CSL qui considère qu’ il ne suffit pas d’affirmer que "le CETA n’abaissera pas nos standards de protection et réglementations respectifs relatifs à la sécurité alimentaire, la sécurité des produits, la protection des consommateurs, et la protection de la santé, de l’environnement et du travail" pour "que cela devienne vrai".
Certes, analyse la CSL, la déclaration contient aussi des engagements supplémentaires, mais sans donner pour autant plus de garanties par rapport à l’interprétation du texte actuel.
La CSL s’inquiète en effet de la valeur juridique de cette déclaration. Une déclaration interprétative a en effet vocation à donner des éléments de contexte dans l’interprétation du Traité, explique la CSL qui note qu’elle n’a "en aucun cas pour effet de remplacer ou de modifier ou de réserver l’application des dispositions contenues dans l’accord lui-même". La CSL cite le Manuel des Traités édité par le département des affaires juridiques de l’ONU qui indique que "les déclarations interprétatives, au contraire des réserves, n'ont pas pour objectif d'exclure ou de modifier les effets juridiques d'un traité" mais ont "pour objectif "d'éclaircir la signification de certaines dispositions ou du traité dans son ensemble".
"Dans tous les cas, les éléments de cette déclaration interprétative (simple ou conditionnelle) formulés en des termes généraux et déclaratoires (voire purement rhétoriques) ne devraient pas avoir une grande influence sur l’interprétation des arbitres, qui seront en fin de compte ceux à qui appartiendra la décision", conclut la CSL.
Les incertitudes quant à "l’effet juridique de la déclaration interprétative" ont aussi été relevées par les députés francophones de Belgique. Ainsi, le Parlement de la Communauté française de Belgique a adopté le 12 octobre 2016 une résolution demandant au chef du gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles de "maintenir son refus de délégation des pleins pouvoirs au gouvernement fédéral pour la signature de l'accord CETA entre l'UE et le Canada".
Une position défendue aussi le 14 octobre 2016 par leurs collègues du Parlement wallon qui ont adopté par 46 voix, 16 contre et une abstention une motion demandant dans des termes similaires au gouvernement wallon de "maintenir son refus de délégation des pleins pouvoirs au Gouvernement fédéral pour la signature de l’accord".
"Je ne donnerai pas les pleins pouvoirs au gouvernement fédéral et la Belgique ne signera pas le CETA le 18 octobre", a déclaré juste avant le vote le chef du gouvernement wallon, le socialiste Paul Magnette. "Je ne prends pas ceci comme un enterrement (du traité), mais comme une demande de rouvrir des négociations, en souhaitant qu'elle puisse être entendue par les dirigeants européens", a expliqué Paul Magnette. Il a dit ne pas réclamer une réouverture des négociations sur l'ensemble du traité mais que la récente "déclaration interprétative" qui l'accompagne soit dotée du même poids juridique que le CETA lui-même.
Une décision aussitôt saluée au Luxembourg par le parti de gauche radicale déi Lénk qui a émis l’espoir de voir "le gouvernement luxembourgeois, et notamment les ministres LSAP et déi Gréng, prendre enfin note des critiques exprimées par une large partie de la population et retirer également son soutien à cet accord qui met en péril les fondements démocratiques de notre société".