Le Conseil Affaires étrangères était invité le 18 octobre 2016 à adopter un ensemble de décisions relatives à l'accord économique et commercial global avec le Canada (AECG ou CETA). Il s'agissait des décisions concernant la conclusion et la signature et l'application provisoire de l'accord et de l’adoption d’une déclaration interprétative commune. Cette déclaration, qui est un texte commun avec le Canada, fournira, conformément à la convention de Vienne sur le droit des traités, une interprétation contraignante de dispositions du CETA sur des questions spécifiques comme le droit de réguler des Etats, le principe de précaution, l’exemption des services publics de l’obligation d’être privatisés, le droit des parties d’organiser les services publics de la manière qu’ils estimeront appropriée et la création d’un système de protection des investissements qui exclut les arbitrages privés.
Le Conseil a ajourné sa décision qui devait être unanime après de longues heures de débat. Le ministre luxembourgeois des Affaires étrangères et européennes qui est aussi en charge du commerce extérieur, Jean Asselborn, a expliqué à la presse la situation.
27 des 28 Etats membres se sont déclarés prêts à signer le CETA et la déclaration conjointe. La Roumanie et la Bulgarie signeront si le Canada leur accorde la libéralisation de son régime de visa pour leurs citoyens.
La Belgique en revanche ne disposait pas de pleins pouvoirs pour signer le CETA, le Parlement de la région wallonne et le Parlement de la Communauté française de Belgique ayant refusé de les accorder au gouvernement fédéral. Jean Asselborn s’est refusé à commenter les dispositions constitutionnelles en vigueur en Belgique, mais a estimé que ce pays "a encore besoin de temps". La Commission, le Canada et le gouvernement fédéral étaient encore en train de négocier avec le gouvernement wallon. Le ministre s’est voulu rassurant, révélant que "le Premier ministre Justin Trudeau ne s’est pas encore décommandé" pour le sommet UE-Canada du 27 octobre, quand la signature entre les parties doit avoir lieu. La question devrait être tranchée par la Belgique à l’issue du Conseil européen qui se tiendra les 20 et 21 octobre 2016 à Bruxelles.
Jean Asselborn a par ailleurs expliqué que le Conseil avait adopté une déclaration qui dit que si, après l’application provisoire de la partie communautaire du CETA, qui aura lieu après sa signature et son adoption par le Parlement européen, un Etat membre devait notifier qu’il met fin au processus de ratification dans ses institutions nationales, le processus de ratification dans son ensemble sera arrêté, le CETA étant un accord mixte.
L’Allemagne, tenue par un arrêt de la Cour constitutionnelle fédérale de Karlsruhe du 13 octobre, dont les juges ont demandé que l’application provisoire du CETA, en attendant sa ratification par les 28 Etats membres de l’UE, ne porte bien que sur les domaines qui relèvent de la compétence "incontestable" de l’UE, a produit une déclaration unilatérale qui demande que le Joint Comittee, qui applique le CETA et qui peut faire des propositions, ne se saisisse pas pendant la période d’application provisoire de questions qui touchent aux compétences nationales des Etats membres, et s’il devait néanmoins le faire, uniquement à condition que tous les Etats membres soient d’accord pour le faire. Quant à la reconnaissance mutuelle des qualifications professionnelles, la déclaration met en avant que les aspects de cette reconnaissance qui tombent sous la compétence nationale devraient être réglés sur base des accords bilatéraux entre les Etats membres et le Canada.
Jean Asselborn, qui a présenté le CETA comme un accord de libre-échange qui devrait servir de modèle aux prochains traités de cette catégorie a fait état d’interrogations au sein des institutions européennes sur l’opportunité de conclure encore une fois des accords globaux qui, étant des accords mixtes, incluent à la fois des questions qui relèvent de la compétence de l’UE et de celle des Etats membres.
Répondant à des questions de journalistes sur la possibilité de rouvrir les négociations, Jean Asselborn a répondu par la négative pour ce qui concerne le texte même de l’accord. La déclaration interprétative contraignante en revanche, qui avait été demandée par cinq Etats membres – France, Allemagne, Luxembourg, Autriche, Pays-Bas – pourrait encore être rouverte jusqu’à sa signature, théoriquement du moins, et surtout au Parlement européen, qui statuera sur cette déclaration lors de sa session du 24 au 27 octobre.
Interrogé sur la crédibilité de l’UE au vu du résultat du Conseil, Jean Asselborn l’a jugée "peu reluisante", tout comme il a qualifié le 18 octobre de "mauvaise journée", l’UE n’étant pas arrivée à un accord sur "un point important, se disant "préoccupé par cette tendance à renationaliser des compétences jusque-là déléguées à l’UE".
Lors de sa conférence de presse, la commissaire européenne en charge du commerce extérieur, Cecilia Malmström, a abondé dans un sens analogue quand elle a mis en garde contre les conséquences que pourrait avoir un rejet de l'accord avec le Canada. "Si l'on n'arrive pas un accord avec le Canada, je ne suis pas sûre que nous arriverons à un accord avec le Royaume-Uni", a-t-elle lancé.