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Emploi et politique sociale
Conseil EPSCO – Avancées sur des dossiers techniques qui améliorent la protection des travailleurs et progrès hésitants sur le chemin vers une Union dotée d’une dimension sociale plus formelle et budgétisée
13-10-2016


Lschmit-nicolas-epsco-161013e Conseil "Emploi, politique sociale, santé et consommateurs" (EPSCO) qui s’est réuni le 13 octobre 2016 à Luxembourg est parvenu à un accord sur une directive révisée concernant la protection des travailleurs contre les risques liés à l'exposition à des agents cancérigènes ou mutagènes au travail. Il est également parvenu à un accord politique sur une directive relative à la convention de 2007 sur le travail dans la pêche de l'OIT, qui vise à offrir aux pêcheurs des conditions de travail et de vie décentes. Il a par ailleurs débattu sur une nouvelle stratégie pour les compétences en Europe, une initiative visant à faire en sorte que chacun dans l'UE ait accès à une formation, des compétences et un soutien de grande qualité. Concernant le socle européen des droits sociaux, le Conseil a approuvé l’avis commun du Comité de l’emploi et du Comité de la protection sociale. L’objectif du socle européen des droits sociaux est de remettre les questions de l’emploi et sociales au centre de l’agenda européen pour parvenir à une vraie union sociale. La Commission a finalement présenté son évaluation de la garantie pour la jeunesse et de l'initiative pour l'emploi des jeunes. Le ministre luxembourgeois du Travail et de l’Emploi, Nicolas Schmit, a commenté certains de ces points pour mettre en avant les contradictions de l’UE face à la question sociale et les risques que cela comporte.

Agents cancérigènes ou mutagènes au travail

En parvenant à un accord sur sa position concernant une directive qui permettra de protéger les travailleurs contre l’exposition à des agents cancérigènes ou mutagènes sur leur lieu de travail, le Conseil a ouvert la voie aux pourparlers entre le Conseil et le Parlement européen au sujet de ce texte qui pourrait, selon la Commission, contribuer à sauver 100 000 vies au cours des 50 prochaines années, sachant que le cancer est la première cause de mortalité liée au travail dans l’Union européenne. En effet, chaque année, 53 % des décès dus à des maladies professionnelles sont imputables au cancer, contre 28 % pour les maladies de l’appareil circulatoire et 6 % pour celles des voies respiratoires.

La directive a pour objet de fixer des limites d’exposition pour 11 nouveaux agents cancérigènes outre ceux visés par l'actuelle directive adoptée en 2004. La directive revoit également les valeurs limites concernant le chlorure de vinyle monomère et les poussières de bois durs à la lumière de nouvelles données scientifiques. De nouvelles exigences minimales seront fixées concernant l'élimination et la réduction de tous les agents cancérigènes et mutagènes. Les employeurs auront également l'obligation de recenser et d'évaluer les risques liés à l'exposition des travailleurs à des agents cancérigènes (ou mutagènes) et ils seront tenus de prévenir cette exposition si ces risques sont avérés. Lorsque la technique le permettra, il sera obligatoire de prévoir un processus ou un agent chimique de substitution inoffensif ou moins dangereux.

Suite aux remarques des ministres, la commissaire en charge du dossier, Marianne Thyssen, a indiqué que deux autres modifications de la directive 2004/37/CE sur les agents cancérogènes et mutagènes étaient en préparation, dont une qui serait présentée avant la fin de l’année.

De meilleures conditions de travail et un travail décent à bord des navires de pêche battant pavillon d'un État membre de l'UE

Le Conseil a approuvé une directive donnant un effet juridique à un accord entre les partenaires sociaux européens (Cogeca, ETF et Europêche) dans le secteur de la pêche maritime. Grâce à l'accord conclu entre les partenaires sociaux, la convention de l'OIT de 2007 sur le travail dans la pêche peut être appliquée au sein de l'UE. L'accord a pour objectif de permettre aux pêcheurs de bénéficier de meilleures conditions de travail et d'un travail décent à bord des navires de pêche battant pavillon d'un État membre de l'UE, y compris en dehors des eaux de l'UE. La directive porte sur les exigences minimales concernant les horaires de travail et les heures de repos pour les pêcheurs en mer, les conditions de service, la sécurité au travail, la protection en cas de maladie en lien avec le travail, les procédures en cas de blessure ou de décès, les soins médicaux à bord, la rémunération des pêcheurs, le logement et la nourriture. Cette directive fait concorder la législation existante de l'UE avec les nouvelles dispositions de la convention de l'OIT.

Nouvelle stratégie pour les compétences en Europe et Garantie Jeunesse

Lors de la discussion sur la nouvelle stratégie pour les compétences en Europe, tous les ministres étaient d’accord pour reconnaître l’importance de doter les jeunes des compétences adéquates. Seul bémol : l’intitulé de la garantie pour les compétences. Cette stratégie se compose d'une série de propositions horizontales portant sur des domaines tels que le développement des compétences, la reconnaissance mutuelle des qualifications, le soutien à l'enseignement et à la formation professionnelle ainsi qu'à l'enseignement supérieur.

Si la plupart des États membres ont mis l’accent sur les initiatives mises en place sur leur territoire pour s’attaquer au chômage des jeunes, la France et le Luxembourg ont critiqué le manque de moyens de cette stratégie. Nicolas Schmit a déclaré que "le problème de cette stratégie n’est pas son contenu, puisqu’on veut tenir compte des changements numériques, mais le manque de moyens budgétaires". Il a également mis en garde contre la tentation de profiter de ces changements pour réduire encore les salaires, affaiblir encore la protection sociale et flexibiliser encore plus le droit du travail. Pour lui, il faut investir dans la formation, car le fossé entre la demande de main d’œuvre qualifiée et la disponibilité de personnes qualifiées pour des emplois exigeant un certain type de compétences numériques est en train de se creuser. Ce qui a conduit la Commission à envisager la publication rapide de son outil de profilage des compétences des ressortissants de pays tiers. Pour Nicolas Schmit, cette situation constitue un grand défi aux systèmes d’éducation publics, notamment des pays gravement touchés par la crise comme l’Espagne, le Portugal ou la Grèce, qui font face à un manque de moyens budgétaires et à une fuite des cerveaux. Le manque de moyens n’est donc pas fait pour pallier cette évolution.

Le même problème de financement se pose selon le ministre du Travail pour la Garantie Jeunesse jusqu’en 2020, qui a été selon tous les intervenants un succès, tant dans les Etats membres qui ont reçu des fonds européens que dans ceux qui ont, comme le Luxembourg, adopté cette approche sans faire partir des pays dont le chômage des jeunes dépassait les 20 %.

Socle des droits sociaux et situation en Grèce

Le Conseil a approuvé l'avis commun du Comité de l'emploi et du Comité de la protection sociale sur le socle européen des droits sociaux. Au cours des derniers mois, ces deux comités ont discuté de l'éventuelle orientation de ce socle. Le résultat de cet examen est exposé dans cet avis commun. En mars 2016, la Commission a lancé une consultation sur un socle européen des droits sociaux qui se poursuivra jusqu'à la fin de 2016. "L'objectif de ce socle est de mettre davantage l'accent sur l'emploi et les aspects sociaux et de faire en sorte que le modèle social européen soit à la hauteur des défis du XXIe siècle", dit le Conseil. Pour le gouvernement luxembourgeois, comme en témoigne son communiqué sur la réunion, l’objectif est plus explicite : "L’objectif du socle européen des droits sociaux est de remettre les questions de l’emploi et sociales au centre de l’agenda européen pour parvenir à une vraie union sociale."

Nicolas Schmit a insisté à l’issue de la réunion sur l’écart entre d’un côté l’effort pour faire évoluer l’UE vers le Tripe A social prôné par le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, et la manière dont la Grèce est mise sous pression par la Commission, le FMI et la BCE pour démanteler son système de conventions collectives.

En effet, comme l’avait expliqué Thorsten Schulten, chercheur auprès du Wirtschafts-und Sozialwissenschaftliches Institut (WSI) de la Fondation Hans Böckler, lors d’une conférence donnée le 19 avril 2016 à Luxembourg, la Troïka a imposé l’abrogation du principe le plus favorable et du caractère contraignant des conventions collectives. Des représentations du personnel non-syndicales ont été autorisées tout comme des conventions par entreprise. Le salaire minimum a été réduit, et est passé du statut de salaire minimum tarifaire à salaire minimum légal. A partir de 2011, les conventions sectorielles ont chuté et le nombre des conventions par entreprise a littéralement explosé. Les syndicats ne sont plus des parties que pour 30 % des conventions signées. 75 % de ces conventions ont sanctionné des réductions de salaires, dont 88,6 % sans la participation des syndicats. La situation a empiré selon Nicolas Schmit de façon telle que la baisse de 25 % du salaire minimum a entraîné une réaction du Conseil de l’Europe qui a invoqué une violation de la Charte sociale.

Pour Nicolas Schmit, une telle contradiction entame gravement la crédibilité du pilier social de l’UE qui est censé être mis en place à l’issue du débat sur le socle de droits sociaux. "S’il n’y a pas à terme une dimension sociale crédible dans l’UE, les tendances populistes vont se renforcer et les gens se détourneront toujours plus de l’Union, ce qui constitue un grand péril pour ce projet", a-t-il lancé. "D’autre part, si cette dimension ne devient pas juridiquement contraignante, elle ne vaudra pas le papier sur lequel elle sera imprimée."

Le ministre a ensuite critiqué le fait que "les recettes prescrites à la Grèce" aient conduit à une récession, à une hausse du chômage et à une émigration massive. "Quand une recette ne prend pas, on la change", a-t-il estimé. Il a rappelé ses efforts pour établir au sein du Conseil un meilleur équilibre entre ses formations ECOFIN et EPSCO, comme lors de la première réunion informelle des ministres de l’Emploi de la zone euro qu’il avait organisée le 5 octobre 2015 et qui avait discuté du renforcement de la dimension sociale dans l’UEM.