Le 24 novembre 2016, les eurodéputés ont adopté, par 479 voix pour, 37 contre et 107 abstentions, une résolution commune des groupes politiques Verts/ALE, ADLE, GUE/NGL, CRE, PPE et S&D demandant le gel temporaire des négociations d'adhésion avec la Turquie, prévu à l'article 5 du cadre de négociation pour la Turquie. Ce vote intervenait deux jours après un débat au cours duquel les groupes politiques signataires de cette résolution non contraignante avaient tour à tour appelé à un tel gel, dont seul le Conseil, sur initiative de la Commission ou sur sa propre initiative, peut décider. Or, dans sa réunion du 14 novembre 2016, le Conseil Affaires étrangères avait souligné l'importance de poursuivre le dialogue politique avec la Turquie à tous les niveaux.
Dans leur résolution, les eurodéputés condamnent les "mesures répressives disproportionnées" appliquées en Turquie depuis la tentative manquée de coup d'État militaire en juillet 2016, lesquels "violent les droits fondamentaux et les libertés protégés par la Constitution turque", ainsi que le rapporte le communiqué de presse du Parlement européen. S'ils soulignent que "la Turquie est un partenaire important de l'Union européenne", ils estiment que "la volonté politique de coopérer doit venir des deux parties au partenariat". Or, la Turquie n'en fait pas montre, et "les mesures gouvernementales ne font qu'éloigner la Turquie de la voie européenne"
Dans la résolution, le Parlement reverra sa position "une fois que les mesures disproportionnées prises dans le cadre de l'état d'urgence en Turquie auront été levées". Le Parlement "examinera, à cet effet, si l'État de droit et les droits de l'homme ont été rétablis dans l'ensemble du pays". Par contre, ils préviennent qu'un rétablissement de la peine de mort par le gouvernement turc devrait entraîner "une suspension officielle" du processus d'adhésion.
Les eurodéputés disent par ailleurs que la Turquie ne remplit pas 7 des 72 critères fixés dans la feuille de route sur la libéralisation du régime des visas. "La suspension des travaux sur la modernisation de l'union douanière aurait de graves conséquences économiques" pour la Turquie, ajoute aussi le Parlement.
Des six eurodéputés luxembourgeois, seule l'eurodéputée S&D, Mady Delvaux, n'a pas voté en faveur de la résolution, préférant s'abstenir contrairement à la consigne de vote de son groupe politique. Selon le Tageblatt, dans son édition du 23 novembre 2016, l'eurodéputée doutait de la capacité d'une telle résolution à faire plier le président turc, Recep Tayyip Erdoğan. Pour l'eurodéputé libéral, Charles Goerens, le vote en faveur de la résolution était une question "de crédibilité". Le Parlement européen devait montrer qu'il est "sérieusement attaché aux valeurs européennes“, renchérissait l'eurodéputé PPE Georges Bach, tandis que son colistier, Fränk Engel, demandait pour sa part la fin de l'accord "inhumain" UE-Turquie du 18 mars 2016.
Peu de temps après le vote, le ministre turc des Affaires européennes, Ömer Çelik, a qualifié la résolution de "nulle et non avenue". Celle-ci "dénote un manque de vision et restera dans l'histoire comme très mauvaise", a-t-il expliqué devant la presse, ajoutant que cette résolution, non contraignante, "n'était pas à prendre au sérieux". Le lendemain, le président turc Erdogan a déclaré", alors que la Turquie compte 2,7 millions de réfugiés syriens sur son sol : "Si vous allez plus loin, ces frontières s'ouvriront, mettez-vous ça dans la tête."
Dans une prise de position recueillie par RTL Radio et similaire à celle exprimée lors du débat du 16 novembre 2016 à la Chambre des députés, le ministre luxembourgeois des Affaires étrangères, Jean Asselborn, a déclaré qu'il ne fallait pas tomber dans la provocation suite aux propos du président turc. "Ce ne serait pas à l'UE de couper le fil, sans quoi l'influence de l'UE serait encore plus réduite. Ce serait aussi important pour les millions de Turcs qui croient en la démocratie".
L'Allemagne, par la voix de la porte-parole de la chancelière Angela Merkel, a déclaré que "menacer n'avance à rien", et désigné l'accord entre la Turquie et l'Union européenne comme un succès commun, dont la poursuite serait "dans l'intérêt de tous les acteurs".
A la suite de ce vote du Parlement européen, le principal parti d'opposition au Luxembourg, le CSV, qui avait vu sa motion appelant à un gel des négociations rejetée par la Chambre des Députés le 16 novembre 2016, a décidé de déposer une nouvelle motion, calquée sur celle du Parlement européen, demandant de nouveau le gel des négociations "tout en renouvelant sa solidarité avec la nation et le peuple turcs", ainsi que le dit son communiqué de presse.