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Politique étrangère et de défense
Conseil Affaires étrangères – "L’UE ne veut pas couper les ponts avec la Turquie, mais si elle rétablit la peine de mort elle s’écarte de facto elle-même de l’Europe", a souligné Jean Asselborn
14-11-2016


Les ministres des Affaires étrangères de l’UE se sont réunis le 14 novembre 2016 pour un Conseil Affaires étrangères qui s’est tenu au lendemain d’un dîner informel consacré aux relations UE-USA suite aux élections américaines du 8 novembre 2016 dont Donald Trump est sorti vainqueur.  Le ministre des Affaires étrangères et européennes du Luxembourg, Jean Asselborn, y représentait le Luxembourg.

Turquie

Les ministres se sont notamment penchés sur l’évolution de la situation en Turquie, exprimant une nouvelle fois leurs inquiétudes quant aux récents développements dans le pays.

Dans une déclaration datée du 8 novembre, la Haute Représentante de l'UE pour les Affaires étrangères et la Politique de sécurité, Federica Mogherini, avait demandé à la Turquie au nom des 28 Etats membres de l'Union européenne de "sauvegarder sa démocratie parlementaire, y compris le respect des droits de l'homme, l'état de droit, les libertés fondamentales et le droit de chacun à un procès équitable", rappelant à Ankara ses engagements en la matière "en tant que pays candidat" à l'adhésion à l'UE. Cette déclaration faisait référence à la réintroduction à nouveau envisagée de la peine de mort en Turquie, à la "poursuite des restrictions à la liberté d'expression, y compris les médias sociaux", à "la fermeture de médias et les mandats d'arrêt contre les journalistes" et "plus récemment, l'arrestation des coprésidents du deuxième parti d'opposition du pays, le HDP, ainsi que la détention de plusieurs de ses membres".

Au cours de leur discussion, les ministres ont notamment exprimé leur préoccupation au sujet des nouvelles annonces faites la Turquie en vue d’une réintroduction de la peine de mort. Les ministres n’ont pas manqué de souligner que la Turquie reste un partenaire clef de l’UE en matière d’économie, de sécurité, de migration et de politique étrangère,  et ils ont aussi rappelé leur condamnation de la tentative de coup d’Etat du 15 juillet. Mais s’ils disent "reconnaître la nécessité pour la Turquie d’agir de manière proportionnée", ils rappellent aussi qu’en tant que pays candidat à l’adhésion, la Turquie est censée respecter les plus hauts standards de démocratie, de respect des droits de l’homme, de l’Etat de droit, des libertés fondamentales et du droit de tous à un procès équitable.

Frank-Walter Steinmeier et Jean Asselborn au Conseil Affaires étrangères qui s'est tenu à Bruxelles le 14 novembre 2016Rappelant les grands espoirs qu’avaient suscités les engagements pris par la Turquie devant le Conseil de l’Europe en septembre dernier, Jean Asselborn a pour sa part dénoncé "une évolution très grave de la situation, que l’Union européenne ne peut tout simplement pas accepter" en notant avec grande inquiétude et déception les développements de ces derniers jours en Turquie, et notamment les arrestations aléatoires de journalistes, qui constituent une violation de la liberté d’expression, ou encore le projet de réintroduction de la peine de mort.

Les résultats du Conseil concluent le bref résumé de la discussion en soulignant que les ministres se sont entendus sur l’importance de poursuivre le dialogue politique avec la Turquie à tous les niveaux.

A l’issue de la réunion, Federica Mogherini a ainsi affirmé que les Européens voulaient surtout garder "ouverts tous les canaux avec les autorités turques, l’opposition et la société civile". Ces canaux "sont ouverts à tous les niveaux" pour qu'on soit sûr de pouvoir "communiquer les uns avec les autres", a-t-elle expliqué avant d’ajouter qu’il était important que ces canaux de communication restent ouverts entre un pays candidat et les vingt-huit États membres, alors que le président turc, Recep Tayyip Erdogan, vient d'annoncer qu’il pourrait organiser un référendum en 2017 sur le processus d’adhésion à l’UE. Un tel référendum sera organisé si aucune décision n'est prise par les Européens d’ici à la fin de l’année, a affirmé le président turc pendant que les ministres des Affaires étrangères de l’UE étaient réunis.

Au vu des déclarations faites par le ministre autrichien des Affaires étrangères, Sebastian Kurz, tenant d’une ligne dure à l’égard de la Turquie, les discussions ont dû toutefois être animées. "Je ne suis pas pour la poursuite des négociations d'adhésion et je suis convaincu que cette Turquie-là n'a pas sa place dans l'Union européenne", avait-il en effet déclaré à son arrivée au Conseil.

Jean Asselborn a pour sa part affirmé que "l’UE ne veut pas couper les ponts avec la Turquie, mais si elle rétablit la peine de mort elle s’écarte de facto elle-même de l’Europe" en expliquant que "ces développements vont à contre-sens du processus d’intégration avec l’Union européenne". "Le respect des critères de Copenhague, à savoir une pleine application de l’Etat de droit, ainsi que l’abolition de la peine de mort étaient des critères fondamentaux à l’origine de la décision d’ouvrir les négociations d’adhésion de la Turquie à l’Union européenne", a en effet rappelé le chef de la diplomatie luxembourgeoise, cité par un communiqué du ministère des Affaires étrangères et européennes. Mais, comme il l’avait fait lors d’une récente interview, le ministre a également souligné que "des millions de personnes en Turquie croient que le seul espoir de sortir de cette situation intenable est l’Union européenne".  

Partenariat oriental

Le Conseil a ensuite débattu des relations bilatérales et multilatérales actuelles avec les six pays du Partenariat oriental - Arménie, Azerbaïdjan, Biélorussie, Géorgie, République de Moldavie et Ukraine.

Les ministres ont procédé à un échange de vues sur l'avenir du Partenariat et se sont fixé des objectifs à atteindre en 2017, en particulier dans la perspective du prochain sommet du Partenariat oriental. Les ministres ont abordé la situation actuelle en Ukraine, les élections qui ont eu lieu récemment en Géorgie, en République de Moldavie et en Biélorussie, ainsi que les négociations actuellement menées en vue de nouveaux accords avec l'Arménie et l'Azerbaïdjan.

Dans les conclusions qu’ils ont adoptées à ce sujet, les ministres ont pris acte des réformes réalisées, tout en soulignant qu’il importe de "rester déterminés à poursuivre le processus de réformes, notamment en ce qui concerne le système judiciaire, la lutte contre la corruption et l'administration publique". "La mise en œuvre de réformes est essentielle pour assurer le succès durable du Partenariat oriental", insistent-ils en effet.

Voisinage méridional

Au cours du déjeuner, les ministres ont fait le bilan des derniers événements intervenus en Syrie depuis le dernier échange de vues qu'ils ont eu à ce sujet lors de la session du Conseil  "Affaires étrangères" du 16 octobre 2016. La Haute représentante a communiqué des informations concernant les derniers efforts de sensibilisation qu'elle a déployés auprès des principaux acteurs. Les ministres ont également évoqué la situation dans d'autres pays du voisinage méridional, en particulier l'Irak et la Libye.

Le Conseil de l'UE a ajouté 17 ministres syriens et le gouverneur de la Banque centrale de Syrie, Duraid Durgham, à la liste des personnes ciblées par des mesures restrictives en lien avec la situation en Syrie. Ils sont en effet considérés comme "des personnes responsables de la répression violente exercée contre la population civile en Syrie, tirant profit du régime ou lui apportant leur soutien et/ou associées à de telles personnes". Cette décision fait suite aux conclusions du Conseil du 17 octobre 2016. Avec cet ajout, 234 personnes sont soumises à une interdiction de visas et un gel de leurs avoirs.

Les ministres ont aussi adopté, sans débat, des conclusions au sujet de l’Iran. Ils y affirment notamment leur attachement à l’accord trouvé en juillet dernier au sujet du nucléaire iranien. "Il est indispensable que toutes les parties respectent leurs engagements afin de continuer à rétablir la confiance", insistent les ministres alors que Donald Trump avait fustigé cet accord pendant la campagne qui l’a conduit à remporter les élections américaines. Les Etats membres de l'UE, favorables à une accession de l'Iran à l'OMC, appellent Téhéran à "continuer à coopérer pleinement".  Ils disent aussi leur préoccupation concernant "la situation en matière de droits de l'homme", déplorant "le recours fréquent à la peine de mort", et soulignent "la nécessité d'assurer l'égalité des droits des femmes, ainsi que des personnes appartenant à des minorités" en Iran.  L'UE appelle également Téhéran à prendre "des mesures concrètes" pour "contribuer à améliorer de manière effective la situation dans la région", l'invitant notamment "à user de son influence sur le régime syrien pour faire cesser les violences" contre les civils et le personnel humanitaire en Syrie. Elle s'inquiète par ailleurs du programme de missiles de l'Iran et l'invite à ne pas mener d'essais de missiles balistiques.

Défense

Les ministres des Affaires étrangères ont ensuite été rejoints par les ministres de la Défense pour un débat sur le plan de mise en œuvre portant sur la sécurité et la défense dans le cadre de la stratégie globale pour la politique étrangère et de sécurité de l'UE. Il est ressorti de ce débat qui a fait écho aux discussions qui avaient eu lieu la veille lors du dîner informel consacré aux relations UE-USA qu’il importait d’éviter les doublons avec l’OTAN.

Dans leurs conclusions, les ministres ont toutefois salué ce document qui expose le niveau d'ambition de l'UE en matière de sécurité et de défense, les implications opérationnelles de cette ambition et un certain nombre de propositions qui pourraient se traduire en actions.

Le niveau d'ambition s'articule autour de trois grandes priorités définies dans la stratégie globale de l'UE:  1) répondre aux crises et conflits extérieurs;  2) renforcer les capacités des partenaires et 3) protéger l'UE et ses citoyens.

En se fondant sur le niveau d'ambition fixé dans ces trois domaines, le plan de mise en œuvre définit les principes et les conditions de la mise en œuvre, y compris les types d'opérations civiles et militaires PSDC possibles.

Le plan présente un certain nombre de propositions pouvant se traduire en actions et visant à fixer des priorités relatives au développement des capacités, approfondir la coopération dans le domaine de la défense, adapter les structures institutionnelles, les outils et les instruments (financiers) de l'UE, y compris aux fins de l'analyse de la situation, de la planification et de la conduite de missions et opérations, ainsi que la boîte à outils pour une réponse rapide (y compris les groupements tactiques de l'UE), et accroître la solidarité financière et la flexibilité et enfin s'attacher à faire avancer les partenariats en matière de sécurité et de défense, y compris avec l'OTAN, les Nations unies, l'Union africaine, l'OSCE et des partenaires bilatéraux clés.

Le plan de mise en œuvre propose également de tirer pleinement parti du traité sur l'Union européenne, y inclus par la considération d'une coopération structurée permanente.  L’objectif d’une telle structure "permanente" serait de mieux planifier et réaliser les opérations civiles et militaires de l'UE.