Les chefs d’Etat et de gouvernement de l’UE se sont réunis le 15 décembre 2016 pour un Conseil européen présidé par Herman Van Rompuy. Comme l’a fait remarquer le Premier ministre Xavier Bettel, qui représentait le Luxembourg, l’ordre du jour était chargé, l’ombre de la situation "dramatique" en Syrie, et en particulier à Alep, planant sur des discussions qui ont permis d’aborder tant les migrations, l’économie, les questions de sécurité et de défense que les grands sujets de politique extérieure.
Donald Tusk avait invité le maire d’Alep Est à venir rencontrer les dirigeants du sommet au cours d’une rencontre dont Xavier Bettel a relevé le haut degré d’émotion. Le président du Conseil européen a reconnu que "face à la brutalité du régime syrien et de ses soutiens, notamment la Russie et l’Iran, nous ne sommes pas aussi efficaces que nous souhaiterions l’être". Dans leurs conclusions, les chefs d’Etat et de gouvernement condamnent avec force la poursuite de l'offensive du régime syrien et de ses alliés, notamment la Russie et l'Iran, sur Alep, y compris les attaques visant délibérément des civils et des hôpitaux. Le Conseil européen y appelle aussi une fois de plus le régime syrien et la Russie à permettre aux Nations unies d'apporter une aide humanitaire et d'évacuer les malades et les blessés.
Le Conseil a appelé de ses vœux quatre mesures d’urgence, à savoir l'évacuation des habitants de la partie orientale d'Alep sous la surveillance et la coordination des Nations unies, vers la destination de leur choix, une aide et une protection immédiates et sans condition pour tous les habitants de la partie orientale d'Alep, sans discrimination et conformément au droit humanitaire international, ce qui passe par la garantie d’accès totale aux Nations unies et leurs partenaires sur le terrain dans toute la Syrie, une véritable protection pour l'ensemble des personnels et installations médicaux dans tout le pays, et enfin l’application du droit humanitaire international.
"La protection des civils est la priorité absolue", a souligné Xavier Bettel. "Il ne suffit pas de dire que l’on condamne" de tels crimes, a poursuivi le Premier ministre luxembourgeois en soulignant que l’UE allait poursuivre son travail diplomatique. "Les hostilités en Syrie doivent cesser immédiatement", poursuivent ainsi les chefs d’Etat et de gouvernement dans leurs conclusions en invitant la haute représentante à poursuivre le dialogue direct qu'elle mène actuellement avec l'ensemble des partenaires concernés. "Les responsables de violations du droit international, dont certaines pourraient constituer des crimes de guerre, doivent répondre de leurs actes", affirment enfin les dirigeants européens en laissant ouvertes les voies possibles pour y parvenir. "De tels crimes ne peuvent rester impunis", a insisté Xavier Bettel.
Les chefs d’Etat et de gouvernement ont par ailleurs fait le point sur les migrations, et notamment sur la mise en œuvre des différentes mesures prises au cours des derniers mois. S’ils ont pu constater des progrès, il n’en reste pas moins beaucoup à faire, et notamment en ce qui concerne la route de la Méditerranée centrale, dont la Lybie est un point central, et qui sera à l’ordre du jour du prochain sommet informel prévu en février 2017 à Malte.
Les discussions sur la réforme de Dublin et du régime d’asile européen se poursuivent, ont constaté les chefs d’Etat et de gouvernement qui appellent le Conseil à "poursuivre ce processus en vue de parvenir à un consensus sur la politique de l'UE en matière d'asile au cours de la future présidence".
"La solidarité ne peut être flexible", a rappelé sur ce point Xavier Bettel pour qui il est "plus que nécessaire" de s’entendre sur une politique commune en matière de migrations.
Les chefs d’Etat et de gouvernement ont eu une discussion sur les questions de sécurité et de défense et se sont entendus pour dire que “plus d’efforts sont nécessaires pour garantir la sécurité de l’UE, que ce soit au sein de l’UE ou dans le contexte de l’OTAN”, ainsi que l’a résumé Xavier Bettel devant la presse. Un des enjeux des discussions était de renforcer les synergies et les coopérations.
Si l’idée de créer un "Fonds européen pour la défense" est mentionnée dans les conclusions, c’est pour inviter la Commission à présenter des propositions au cours du premier semestre 2017. "Nous n’avons pas de préjugé négatif", a déclaré à ce sujet Xavier Bettel en précisant qu’il conviendrait d’avoir plus de détails avant de pouvoir prendre position sur le sujet. Le Premier ministre a toutefois indiqué, comme l’avait fait le ministre de la Défense, Etienne Schneider, à la Chambre quelques jours auparavant, qu’il serait "inopportun de neutraliser les dépenses militaires dans le cadre des critères de Maastricht". Plus largement, Xavier Bettel a souligné que "la prévention des conflits reste la meilleure arme" et qu’il convenait donc de miser surtout sur la politique de coopération.
Le Conseil européen a par ailleurs trouvé un accord qui devrait permettre aux Pays-Bas de ratifier l’accord d’association entre l’UE et l’Ukraine, qui a déjà été signé par les 27 autres Etats membres, ainsi que par le Parlement européen. A la suite du référendum d’avril dernier, au cours duquel les électeurs néerlandais se sont prononcés majoritairement contre cet accord, le gouvernement néerlandais avait demandé des garanties juridiquement contraignantes concernant les questions de défense et d’adhésion.
Les chefs d’Etat et de gouvernement ont finalement adopté une décision qui donne, ainsi que l’a expliqué Xavier Bettel, "une interprétation stricte" de l’accord d’association, sans pour autant "le dénaturer". Cette décision, qui entrera en vigueur avec une valeur juridiquement contraignante une fois que les Pays-Bas auront ratifié l’accord, précise par exemple que " l'accord ne confère pas à l'Ukraine le statut de pays candidat à l'adhésion à l'Union, pas plus qu'il ne constitue un engagement à conférer un tel statut à l'Ukraine à l'avenir". Le texte adopté par les chefs d’Etat et de gouvernement indique aussi que l’accord "ne comporte pas d'obligation pour l'Union ou ses États membres de fournir des garanties de sécurité collective ou toute autre aide ou assistance militaire à l'Ukraine". "L'accord n'accorde pas aux ressortissants ukrainiens ou aux citoyens de l'Union le droit de séjourner et de travailler librement sur le territoire des États membres ou de l'Ukraine, respectivement", précise encore ce texte qui mentionne aussi le fait que l’accord "n'impose pas aux États membres de fournir un soutien financier supplémentaire à l'Ukraine".
En matière de politique étrangère, les chefs d’Etat et de gouvernement ont par ailleurs décidé de prolonger de six mois les sanctions contre la Russie. Xavier Bettel a expliqué à ce sujet que, la situation au regard des accords de Minsk n’ayant pas évolué, il convenait de maintenir les sanctions en l’état.
Les chefs d’Etat et de gouvernement ont enfin abordé rapidement la question du Brexit à l’occasion d’un dîner qui s’est tenu en l’absence de la Première ministre britannique. Dans une déclaration qu’ils ont adoptée, les 27 ont réaffirmé leur position, à savoir que les négociations ne débuteraient pas avant le déclenchement de l’article 50 par le Royaume-Uni. La déclaration précise la procédure qui sera suivie pour le lancement de ces négociations.
Le principal enjeu de ces discussions était de savoir quelle place serait donnée au Parlement européen dans ces discussions. Le président du Parlement européen, Martin Schulz, s’en était inquiété à la veille du Conseil dans un courrier adressé à Donald Tusk. Finalement, la déclaration adoptée prévoit que les représentants du Parlement européen seront invités aux réunions préparatoires des sherpas et représentants permanents qui aborderont la question. Il est aussi prévu que le négociateur de l'Union sera invité à tenir le Parlement européen régulièrement et étroitement informé tout au long des négociations, tandis que la présidence du Conseil se tiendra "prête à informer le Parlement européen et à procéder à un échange de vues avec celui-ci avant et après chaque session du Conseil des affaires générales".
Xavier Bettel s’est félicité de cette implication du Parlement européen. "On ne peut pas se permettre des problèmes institutionnels" sur un sujet de cette importance, a souligné le Premier ministre luxembourgeois qui estime que le Parlement européen a toute sa légitimité sur des discussions qui nous concernent tous. Il a aussi insisté pour que le processus de négociations soit aussi transparent et inclusif que possible.