Le Conseil "Emploi, politique sociale, santé et consommateurs" (EPSCO) s'est réuni le 8 décembre 2016 à Bruxelles. Les Vingt-huit s'y sont notamment exprimés sur trois dossiers très importants, à savoir le socle européen des droits sociaux, la révision de la directive sur le détachement des travailleurs et la dimension sociale dans le Semestre européen. Ce fut l'occasion pour les ministres luxembourgeois du Travail, de l'Emploi et de l'Économie sociale et solidaire, Nicolas Schmit, et le ministre de la Sécurité sociale, Romain Schneider, de "défendre une Union européenne plus sociale", comme l'indique leur communiqué de presse commun.
Les ministres ont un échange de vues sur le socle européen des droits sociaux, au sujet desquels, la Commission a lancé une consultation publique le 8 mars 2016. Le socle européen des droits sociaux vise à donner à la dimension sociale et l'emploi une place plus prédominante dans la gouvernance de l'Union européenne, et à faire un état des lieux de l'acquis communautaire en la matière, à la lumière des changements technologiques et sociétaux. La Commission devrait présenter en mars 2017 les initiatives qu'elle envisage pour mettre en œuvre ce socle participant à l'approfondissement de l'Union économique et monétaire. "Durant le débat, les ministres ont souligné le besoin de renforcer le modèle social européen pour achever la convergence sociale et un meilleur équilibre entre la croissance économique et l'Europe sociale", lit-on dans les conclusions du Conseil.
"En cette période d'incertitude politique, le projet du socle européen des droits sociaux doit permettre de renouer avec la convergence sociale ascendante et d'améliorer la perception que les citoyens européens ont actuellement de l'Union européenne. Le pilier se doit d'être en phase avec les changements sociétaux et les défis tels que le chômage des jeunes et les adaptations technologiques", a déclaré Nicolas Schmit lors du débat.
"La grande promesse de l'Europe, c'est la convergence économique, et la convergence sociale", a rappelé par ailleurs Nicolas Schmit, en soulignant le lien étroit qu'entretenaient l'économique et le social. Pour conclure, il a souligné la nécessité que le socle européen de droits sociaux ait un "réel contenu", un "caractère opérationnel" et qu'il ait une valeur juridique au moins comparable au moins à celle d'instruments utilisés le contexte économique et budgétaire.
Dans le contexte du semestre européen, les ministres ont discuté les priorités énoncées par la Commission européenne dans son examen annuel de croissance du 13 novembre 2016. Tout en soulignant le maintien des priorités de relance de l'investissement, de poursuite des réformes structurelles et de gérer les finances publiques de manière responsable, la Commission avait mis "un accent particulier" sur l'équité sociale à travers ces trois priorités.
Le ministre luxembourgeois de la Santé, Romain Schneider a rappelé les niveaux préoccupants de pauvreté, de précarité qui indiquent que l'effet de certaines politiques est loin d'être "équitable pour tous nos concitoyens". Il a plaidé pour qu'un lien soit établi entre le souci d'équité sociale dans le cadre du Semestre européen et la vocation primaire du socle européen des droits sociaux, à savoir une convergence sociale ascendante parmi les Etats membres. "L'équité sociale doit signifier l'évaluation systématique de l'impact social ex ante et de l'effet redistributif des reformes structurelles préconisées dans le cadre du semestre européen", a déclaré Romain Schneider.
Le Conseil a ensuite évoqué la révision de la directive sur le détachement des travailleurs, mise sur la table par la Commission européenne le 8 mars 2016, avec l'objectif de mettre en œuvre le principe "à travail égal, salaire égal sur le même lieu de travail". Vingt-et-une délégations ont saisi l'occasion de l'approbation du rapport de progrès préparé par la Présidence slovaque du Conseil pour prendre la parole en session publique.
Pour l'heure, un compromis a été atteint pour deux des cinq plus importantes questions, à savoir sur le fait que la rémunération devrait être déterminée en fonction des conventions collectives d'application générale dans tous les secteurs économiques et que les mêmes règles s'appliqueraient aux entreprises transfrontières de travail intérimaire. Par contre, le Conseil doit encore progresser sur la définition précise du concept de "rémunération", la détermination de la durée maximale d'un détachement et la question des contrats de sous-traitance.
La principale proposition de la présidence slovaque du Conseil était le recours à un système dual, par lequel un travailleur détaché pour une période courte resterait soumis à l'ancienne directive. Une fois cette période passée, il serait soumis au droit du travail de l'Etat hôte. Mais les pays favorables à l'approche de la Commission, à savoir l'Allemagne, la France, la Belgique, l'Autriche et le Luxembourg ont semblé s'y opposer en demandant à ce que le nouveau concept de "rémunération", soit appliqué à partir du premier jour de détachement.
Dans son intervention, le ministre luxembourgeois du Travail, Nicolas Schmit, a ainsi souligné le fait que le principe d'un même salaire pour un même travail au même endroit était un principe fondamental relié à un autre principe fondateur de notre Union qui est le principe de non-discrimination.
Nicolas Schmit a parlé d'un "dossier extrêmement difficile et délicat mais aussi au cœur même de l'actualité, de la crise que traverse actuellement l'Europe". Il a souligné l'attachement du Luxembourg aux principes de libre prestation et de libre circulation, tout en rappelant qu'ils doivent être "équilibrés par des droits sociaux".
Il a demandé à ce que la directive soit claire, de manière à ne "pas construire une directive qui par la fin sera interprétée d'une manière ou d'une autre par la Cour européenne de justice". Enfin, il a estimé qu'il fallait mettre fin aux pratiques des boites à lettre "qui n'ont plus rien à voir avec les principes de libre circulation et libre prestation". Pour conclure, Nicolas Schmit a exhorté le Conseil à prendre la voie du dialogue, "à ne pas se séparer en un groupe contre l'autre" car "il en va de l'avenir de l'Europe".
A noter que la Pologne, la Hongrie et la Lettonie, rejointes par la République tchèque, ont manifesté le refus absolu d'une quelconque révision de la directive.
Le Conseil a aussi arrêté une orientation générale sur les nouveaux règlements de 3 agences européennes: la Fondation européenne pour l'amélioration des conditions de vie et de travail (Eurofound), l'Agence européenne pour la sécurité et la santé au travail (EU-OSHA) et le Centre européen pour le développement de la formation professionnelle (Cedefop).
Les ministres de la Santé ont discuté des aspects de la santé publique dans l'Examen annuel de croissance, dont ils ont salué la bonne contribution à la réflexion sur l'augmentation de l'efficacité des coûts et la qualité des soins de santé. Ils partagent particulièrement l'avis de la Commission que les systèmes de santé devraient être plus durables, mais avaient des vues divergentes sur la pertinence de tenir chaque année un débat sur les aspects de la santé publique dans l'Examen annuel de croissance.
Les ministres ont aussi fait le point sur certains dossiers législatifs en cours, dont notamment les propositions de directives relatives aux exigences d'accessibilité applicables aux produits et services et à l'extension de la mise en œuvre du principe d'égalité de traitement entre les personnes sans distinction de religion ou de convictions, de handicap, d'âge ou d'orientation sexuelle, en dehors du domaine de l'emploi, à savoir dans les domaines suivants : protection sociale, éducation, accès aux biens et services (dont le logement).
Le Conseil a adopté également des conclusions sur l'accélération de l'intégration des Roms, qui continuent à être "les citoyens les désavantagés dans l'Union européenne". A cette occasion, le Conseil a reconnu pour la première fois le génocide rom durant la seconde guerre mondiale te invite les Etats membres à reconnaître et commémorer les victimes. Il a adopté des conclusions sur la pauvreté et les femmes, lesquelles y sont plus exposées que les hommes, ainsi que sur la Garantie pour la jeunesse en réponse au rapport de la Commission européenne du 6 octobre 2016.