Le 14 décembre 2016, le Parlement européen a adopté le 4e Paquet ferroviaire, qui ouvre la voie à une ouverture progressive du marché à la concurrence.
Bien qu’un accord politique avait été trouvé entre les négociateurs du Parlement et du Conseil (instance regroupant les Etats membres) le 19 avril 2016, l’adoption a semblé jusqu’au bout incertaine, en raison notamment de divisions au sein du groupe S&D. Plusieurs motions de rejets avaient par ailleurs été déposées séparément par les groupes Verts-ALE, GUE-NGL et ELDD.
Présenté en janvier 2013, ce paquet est composé de trois textes : un texte sur le règlement 1192/69 relatif à l’ouverture du marché des services nationaux de transport de voyageurs par chemin de fer, le règlement sur l’abrogation du règlement relatif à la normalisation des comptes des chemins de fer (règlement 1992/69) et un texte relatif à la directive sur la gouvernance de l'infrastructure ferroviaire.
D’après les nouvelles règles, les opérateurs pourront offrir leurs services sur les marchés ferroviaires nationaux dans l’UE de deux manières. Tout d’abord, dans le cas où les autorités nationales octroient des contrats de service public pour fournir des services ferroviaires aux passagers, les appels d’offres pour les contrats de service public, ouverts à tous les opérateurs de l’UE, devraient devenir la procédure standard à partir de décembre 2023 en ce qui concerne la sélection des fournisseurs de services.
Ces contrats, utilisés par les États membres pour assurer le transport public de voyageurs, représentent environ deux tiers des services ferroviaires aux passagers dans l’UE. "Inviter les entreprises à répondre à un appel d’offres devrait permettre de renforcer le service au consommateur et d’économiser des deniers publics", en déduit le communiqué de presse du Parlement européen.
Toutefois, les autorités nationales conserveront le droit d’octroyer certains contrats directement, sans appel d’offres, à la condition que ce soit "synonyme d’améliorations pour les passagers ou d’avantages en matière de coûts-efficacité". Les contrats octroyés devraient donc inclure des exigences en matière de performance (comme la ponctualité et la fréquence des services, la qualité du matériel roulant et la capacité de transport). Sont concernés les contrats de service public en-dessous d’une valeur annuelle moyenne ou pour la fourniture annuelle de services publics de transport de voyageurs par chemin de fer (7,5 millions d’euros ou 500 000 kilomètres).
Secondement, toute compagnie de chemin de fer pourra proposer des services commerciaux compétitifs sur les marchés ferroviaires européens de voyageurs à partir du 14 décembre 2020. Mais, pour garantir le maintien des services que les États membres souhaitent voir fournis au titre de contrats de service public, ces derniers pourraient limiter le droit d’un nouvel opérateur d’accéder à certaines lignes. Une analyse économique objective menée par l’autorité de régulation nationale serait nécessaire pour déterminer dans quels cas l'ouverture de l'accès peut être limitée.
Les opérateurs de service public devraient aussi respecter les obligations qui s’appliquent en matière de droit social et de droit du travail établies par le droit de l'Union, le droit national ou des conventions collectives, affirme le texte.
Le règlement relatif à l’ouverture du marché des services nationaux de transport de voyageurs par chemin de fer était au cœur des critiques parlementaires mais aussi de syndicats qui se sont réunis devant le Parlement avant le vote. Ils dénonçaient notamment le fait qu’il n'assure pas la reprise obligatoire du personnel lors d’un transfert entre opérateurs. Le groupe S&D avait décidé finalement de ne pas voter en faveur du texte, car le Conseil a ignoré la demande du Parlement européen d'assurer le transfert de personnel en cas de changement de fournisseur dans le secteur public, comme l'explique un communiqué de presse.
Le texte du PPE a été adopté ainsi sans majorité nette, l’amendement de rejet du texte ayant été rejeté avec une majorité de 354 voix contre 330 et 24 abstentions.
Le groupe PPE s’est montré satisfait du vote. Les usagers du rail vont bénéficier "de meilleurs services à des prix plus bas grâce à une concurrence accrue", a assuré le rapporteur PPE du texte controversé, Wim van de Camp, qui s’est dit "soulagé". "Nous repoussons la dépendance aux subsides étatiques en mettant en œuvre des règles de compensation, en demandant plus de transparence et incluant des critères objectifs par voyageur, tels que la ponctualité ou le confort du voyageur, dans les procédures d’adjudication publiques dans le secteur", a-t-il précisé dans un communiqué de presse.
Les eurodéputés PPE, Andor Deli et Markus Ferber, tous deux shadow rapporteurs, ont jugé que la prochaine décennie à venir sera cruciale pour le chemin de fer. "Malgré une concurrence croissance pour le fret en Europe, nous manquons encore de connexions transfrontalières entre les villes et régions. Si le rail veut concurrencer les lignes aériennes low-cost, il a besoin de faire un meilleur usage des investissements disponibles et limités, et mettre en œuvre ces nouvelles règles urgemment et avec ambition", ont-ils dit.
"Le choix, c'est bien. Plus de choix, c'est encore mieux. Un environnement plus compétitifi mènera à des services ferroviaires de meilleure qualité qui doit améliorer l'aspect environmental", s'est réjoui Roberts Zile pour le groupe ECR.
Le groupe Verts/ALE a estimé que le paquet "n’accomplit pas sa mission d’intérêt général". "Ce nouveau paquet n’offre aucune garantie d’amélioration des services pour les passagers. Une fois de plus, le scénario est celui d’une libéralisation sauvage. Il ne prévoit pas de règles contraignantes afin que soient respectées les normes environnementales et sociales ni de critères de qualité garantissant un service public digne de ce nom", a déclaré l’eurodéputée Karima Delli, membre Verts-ALE de la Commission des transports. "A la dégradation programmée de ce service public fondamental, y compris de la sécurité à bord, s’ajoute l’absence d’obligation pour les opérateurs de recourir à la tarification sociale qui a permis jusqu’ici aux étudiants, chômeurs ou retraités de bénéficier de tarifs plus avantageux", a-t-elle également dit, déplorant par ailleurs une "précarisation du travail (…) inacceptable".
Le groupe GUE/NGL avait fait savoir à la veille du vote le mal qu’il pensait d’un Paquet qui privatiserait les profits et socialiserait les pertes du secteur ferroviaire. Il en attendait "plus de pertes d’emplois, de réduction de la qualité et de pollution".
Toutefois, l’eurodéputée Merja Kyllönen (GUE/NGL), rapportrice du règlement sur l’abrogation du règlement relatif à la normalisation des comptes des chemins de fer, avait estimé qu’elle ne croyait pas que "l’insécurité quant au futur soit dans l’intérêt du service et des entreprises publics". Elle voyait l’intérêt de créer un environnement stable et un cadre législatif prévisible qui encourage les opérateurs ferroviaires à innover, évoluer et investir".