Le 19 avril 2016, le Conseil de l’UE, sous la présidence des Pays-Bas, a trouvé un accord informel avec le Parlement européen concernant le volet "marché" du 4e paquet ferroviaire, qui a pour but d’ouvrir les marchés nationaux de transport de voyageurs par chemin de fer à la concurrence, d’introduire l'obligation de mise en concurrence des contrats de service public de transport ferroviaire et de renforcer la gouvernance des gestionnaires de l'infrastructure. Cette adoption ouvre la voie à une adoption imminente de l’ensemble du 4e paquet ferroviaire proposée par la Commission en janvier 2013, dont il formait la partie la plus controversée.
Les négociateurs ont ainsi trouvé un accord sur les trois propositions qui composaient le volet "marché" : un règlement révisé sur les contrats de service public, une directive révisée sur l’établissement d’une zone ferroviaire européenne unique et un règlement abrogeant le règlement sur la normalisation des comptes des entreprises de chemin de fer. Les deux premières propositions avaient fait l’objet d’un accord du Conseil le 8 octobre 2015, tandis que la troisième avait déjà fait l’objet d’un accord de principe dès le 3 décembre 2014.
Le volet "marché", ainsi que le pilier technique adopté en trilogue en juin 2015, "forment un pas important vers l’achèvement de la zone ferroviaire européenne unique", a déclaré la secrétaire d’Etat hollandaise à l’infrastructure et l’environnement, Sharon Dijksma, dont le pays assure la présidence du Conseil de l’UE. "Grâce à la coopération et à la flexibilité de toutes les parties impliquées, nous avons atteint un accord provisoire ambitieux", a-t-elle ajouté.
Par un communiqué de presse, la commissaire européenne chargée des transports, Violeta Bulc, a salué un accord qui ouvre "un nouveau chapitre de l'histoire des chemins de fer européens". Elle fait savoir que si le secteur ferroviaire a vu sa part de marché diminuer constamment, c’est parce qu’il "n'a pas vraiment été incité à répondre à la demande des consommateurs". Désormais, alors que n'importe quelle entreprise ferroviaire de l'UE sera en mesure d'offrir ses services dans toute l'Union, les chemins de fer devraient devenir "plus réactifs aux besoins du marché et des consommateurs" puisque l'ouverture favorisera l'émergence de nouveaux modèles économiques et élargira le choix des consommateurs.
La pression concurrentielle exercée par les nouveaux arrivants obligera aussi les sociétés historiques à s'adapter et à se concentrer davantage sur le consommateur. "Les États membres ayant déjà ouvert leur marché national suggèrent un accroissement des fréquences de desserte, une amélioration des services et une baisse des tarifs", souligne-t-elle.
En ce qui concerne les services "commerciaux", les nouveaux opérateurs ferroviaires pourront exercer leur activité à partir de 2020. Les Etats membres devront appliquer le nouveau cadre réglementaire reposant sur le principe de l’attribution concurrentielle des marchés de service public pour les services ferroviaires à partir de 2023, précise la fiche d’information publiée par la Commission. "La concurrence n'est cependant pas une fin en soi", précise toutefois cette dernière européenne qui souligne que les États membres pourront toujours accorder directement des contrats de service public, pour autant que les objectifs de performance (qualité, ponctualité, etc.) soient atteints. Lors du Conseil Transports du 8 octobre 2015, une disposition spéciale a été ajoutée afin de préciser que les pays dont les marchés ferroviaires sont de très petite taille, notamment le Luxembourg, peuvent attribuer des contrats directement s'ils s'engagent à améliorer les services publics ferroviaires.
En plus d’améliorer les performances des services ferroviaires, le texte qui fait l’objet de l’accord devrait offrir de nouvelles possibilités d'investissement et favoriser la création d'emplois dans le secteur, ajoute la Commission dans son communiqué. "Enfin, il devrait encourager les Européens à recourir davantage au rail et contribuer ainsi à la réalisation de nos objectifs de décarbonisation. Si les chemins de fer deviennent plus attrayants, tout le monde y gagnera", conclut Violetta Bulc.
La Commission Juncker avait souligné l'importance du quatrième paquet ferroviaire pour atteindre ses objectifs de réalisation d’un marché intérieur plus approfondi et plus équitable, mais aussi ses objectifs de décarbonisation du rail par un transfert du trafic d'autres modes de transport plus polluants vers le rail, jugé "de loin le moyen de transport le plus durable".
L'accord doit être entériné dans les prochains jours par les Etats Membres, lors du COREPER du 27 avril 2016, et le Parlement européen. Le paquet ferroviaire sera ensuite formellement adopté par le Parlement européen et le Conseil de l'UE, ce qui devrait avoir lieu d'ici à l'automne 2016.
Parmi les groupes politiques, le PPE a été le premier à réagir par un communiqué de presse. Le rapporteur fictif pour la directive sur l’établissement d’une zone ferroviaire européenne unique, Andor Deli, a déclaré : "Nous avons adopté un texte équilibré qui renforce la gouvernance des infrastructures ferroviaires, protège des conflits d’intérêts et augmente la transparence entre les gestionnaires d’infrastructures et les opérateurs ferroviaires. Les passages en gagneront en sécurité et en meilleure qualité de service pour un meilleur prix."
"Du point de vue luxembourgeois, on ne peut pas être mécontent", a commenté l’eurodéputé luxembourgeois PPE, membre de la commission Transports, Georges Bach, dans les colonnes du Tageblatt daté du 21 avril 2016. Très présent sur ce dossier, dans lequel il est intervenu aussi bien au Parlement européen, dans la rue que dans la presse, l’ancien chef d’un syndicat de cheminots fait remarquer que "le bon travail de la présidence luxembourgeoise du Conseil de l’UE n’a pas été remis en cause". Avec ce paquet, le maximum de libéralisation est atteint et cette branche du secteur des transports devrait être tranquille pour les dix prochaines années, estime-t-il.
Georges Bach pense que la compagnie nationale des Chemins de fer luxembourgeois (CFL) saura s’accommoder de ce 4e paquet ferroviaire. Sa structure ne changera pas, puisque la Commission n’a pas réussi à imposer la séparation nette entre les gestionnaires de l’infrastructure et les entreprises ferroviaires qu’elle espérait. De plus, le marché sera certes à terme ouvert mais, se réjouit-il, pendant "bon nombre d’années", à savoir durant les dix ans qui suivront l'entrée en vigueur du règlement, ce sera la règle d’exception qui permet d’accorder directement l’exploitation des chemins de fer à une société qui comptera. En cas de changement d’opérateur, le personnel devra être repris, comme c’est le cas dans les secteurs de l’aviation et des banques.
Même les sociétés française SNCF et allemande Deutsche Bahn, pourront conserver leur structure actuelle, ce qui n’a pas plu à des eurodéputés libéraux tels que Gesine Meißner, qui a déclaré que la nouvelle directive "ne déboucherait pas sur une meilleure séparation entre réseau et exploitant, notamment pour ce qui est de la transparence financière", rapporte le Tageblatt. Georges Bach constate, au contraire, que les financements transversaux ne seront plus possibles, dans la mesure où les bénéfices du gestionnaire de l’infrastructure ne pourront plus être investis au bénéfice de l’exploitant.