Dans une série d’entretiens accordés le 19 janvier 2017 à la Süddeutsche Zeitung et à l’Agence de presse allemande DPA, le ministre luxembourgeois des Affaires étrangères, Jean Asselborn, a pris position sur le Brexit, les déclarations de Donald Trump au sujet de l’UE et la montée des nationalismes d’extrême droite en Europe.
"La Grande-Bretagne a déjà dit au revoir à la politique étrangère commune européenne, c’est un fait", a déclaré le chef de la diplomatie luxembourgeoise à la rédaction du quotidien allemand. Il y fait notamment référence aux distances que la diplomatie britannique a prises par rapport à la conférence de Paris sur le Proche-Orient, en refusant de signer la déclaration de Paris, puis en opposant sa résistance à l’idée d’un soutien de l’UE à ce texte, sur lequel les ministres des Affaires étrangères, réunis à Bruxelles le 16 janvier dernier, n’ont finalement pas réussi à s’entendre. "La Première ministre Theresa May dit que la Grande-Bretagne quitte l’UE et non l’Europe", a relevé le ministre en référence au discours tenu par cette dernière le 17 janvier dernier, alors, "la Grande-Bretagne devrait aller dans le même sens que l’Europe", observe-t-il.
Jean Asselborn voit un lien entre cette prise de position et l’investiture très proche de Donald Trump, dont les positions sur le Proche-Orient sont en rupture avec celles défendues jusqu’ici par l’administration américaine. "Si nous nous laissons intimider maintenant par Donald Trump, l’UE renonce à faire de la politique étrangère", a mis en garde le ministre qui est d’avis qu’au sujet du Proche-Orient, il faut "s’en tenir aux principes sur lesquels nous nous sommes entendus il y a des années déjà". "La solution à deux Etats ne peut être remise en question", insiste Jean Asselborn.
Interrogé par la DPA sur les déclarations de Donald Trump qui avaient déjà fait réagir un certain nombre de ministres européens lors du CAE du 16 janvier dernier, Jean Asselborn a appelé le futur président américain à voir l’UE non comme un concurrent dans le commerce mondial, mais comme un partenaire politique. "Je ne peux pas imaginer qu’un président américain en exercice ne voit l’UE qu’à travers les yeux d’un homme d’affaires et se réjouisse à l’idée que l’Union européenne n’existe plus car cela accroîtrait le potentiel commercial de son pays", a déclaré le ministre luxembourgeois. Jean Asselborn n’a pas manqué de rappeler que l’UE n’a pas été créée en tant que concurrent commercial des Etats-Unis, ce qui serait une interprétation "historiquement fausse", mais en tant que "projet de paix".
Jean Asselborn a par ailleurs appelé à la résistance contre les populistes d’extrême droite en Europe, dans son entretien avec la DPA. "Nous n’avons pas le droit d’abandonner le destin de ce continent aux nationalistes", a déclaré le ministre qui appelle à "s’engager pour une Europe du 21e siècle et non pour une Europe du 19e siècle". Il a annoncé son intention de participer à la manifestation qui aura lieu à Coblence le 21 janvier prochain à l’occasion de la tenue de la rencontre organisée dans cette ville par la fraction ENL du Parlement européen, et à laquelle participeront notamment Frauke Petry, Marine Le Pen et Geert Wilders.
Jean Asselborn a notamment critiqué le fait qu’une partie des médias ait été exclue de cette rencontre. "Lorsque l’on restreint la presse, on est, qu’on le veuille ou non, dans une démocratie orientée", estime le ministre qui est d’avis que "lorsque les partis acceptent de l’argent public, on ne peut accepter qu’ils procèdent de manière sélective avec la presse". S’ils peuvent exister, c’est parce que l’opinion publique le permet, "ils doivent donc respecter les règles de la vie publique", estime le ministre.
Plus largement, l’enjeu est, selon le ministre, de se positionner "contre les destructeurs de l’UE" et de défendre une "Europe ouverte, une Europe dans laquelle tous ceux qui veulent participer à la démocratie ont leur place, et non ceux qui nourrissent le fanatisme, l’exclusion et la haine". Convaincu que ni Marine Le Pen, ni Geert Wilders ne seront amenés à gouverner à l’issue des élections qui se tiennent en France et aux Pays-Bas ce printemps, Jean Asselborn est d’avis que l’UE n’est pas menacée dans son existence par les partis d’extrême droite. Pour autant, il ne perd pas de vue que pour lutter contre cette extrême droite, "il faut une Union européenne qui fonctionne, et elle ne fonctionne que si le mot solidarité existe encore politiquement". Or, déplore-t-il, "la solidarité fait défaut par moments".