Le 24 janvier 2017, par 25 voix pour, 15 contre et une abstention, la commission Commerce international du Parlement européen s'est prononcéé en faveur du projet de recommandation préparé par l'eurodéputé du groupe PPE, Artis Pabriks, en vue de la ratification et de la mise en œuvre provisoire de l'accord de libre-échange UE/Canada (CETA), signé le 30 novembre 2016. Le Parlement européen, réuni en plénière, se prononcera le 15 février 2017. En cas de vote favorable, la partie relevant des compétences de l'UE de cet accord mixte s'appliquera provisoirement, en attendant que l'ensemble des parlements nationaux et régionaux de l'UE ne valide l'accord pour les compétences partagées entre Etats membres et l'UE.
Lors du débat organisé à la veille du vote, la Commissaire européenne en charge du commerce international, Cecilia Malmström, avait estimé qu'avec l'arrivée au pouvoir du nouveau président des Etats-Unis, Donald Trump, qui a entamé un virage protectionniste, "il est plus important que jamais que ceux d'entre nous qui croient que le commerce peut être important (...) restent solidaires". "Quel meilleur partenaire que le Canada" pour "montrer que ces accords commerciaux fonctionnent réellement" ?, avait-elle demandé aux détracteurs de l'accord. "Nous ne pactisons pas avec le diable, nous ne sapons pas la démocratie, (…) nous parlons du Canada, l'un des pays les plus démocratiques du monde!", a-t-elle affirmé en qualifiant le CETA d'"accord commercial le plus progressiste jamais conclu dans l'histoire". Alors que le Parlement canadien se prononcera à la fin du mois de février, "si tout va bien, [le CETA] entrera en vigueur en mars", s'est-elle réjouie à l'issue du vote.
"Durant les années de négociation du CETA, nous avons répondu à toutes les préoccupations de nos citoyens, des hautes standards de qualité alimentaire, de protection des consommateurs, de souveraineté des Etats, aux services publics et à bien d'autres sujets. Ce ne fut possible que parce que les Européens et Canadiens partagent les mêmes valeurs et entretiennent une confiance mutuelle. Le plus tôt nous ratifions, le plus tôt nos consommateurs, petites et moyennes entreprises et investisseurs, en bénéficieront", s'est félicité pour sa part le rapporteur de la recommandation, Artis Pabriks (PPE). "Alors que d'importants partenaires mondiaux se tournent vers le protectionnisme, en tant qu'Européens, nous devrions en tirer avantage et montrer que nous sommes ouverts et pensons "global"", a-t-il aussi lancé.
"Cet accord permettra aux entreprises européennes d'accéder à davantage de marchés publics et de protéger plus de 150 indications géographiques au Canada. En parallèle, le CETA ne remet pas en cause nos services publics ni les normes européennes et préserve nos choix de société", ont commenté les eurodéputés du groupe PPE, Tokia Saïfi et Franck Proust, appelant toutefois à surveiller de près sa mise en œuvre pour pallier tout "dysfonctionnement".
Avec cet accord commercial, "le plus progressiste de l'histoire", "nous rejetons la mondialisation débridée et nous posons les premières pierres d'une nouvelle ère de commerce régulé, qui distribue plus largement les bénéfices et qui préserve nos normes en matière d'environnement et de travail", s'est félicité David Martin, au nom du groupe S&D, dont certains membres ont voté contre le texte. "Si la tendance mondiale actuelle prône le repli sur soi, l'UE et le Canada ouvrent la voie à un système commercial mondial ouvert aux entreprises mais qui ne compromet pas nos valeurs ni notre mode de vie." "Cet accord AECG permet de reconquérir un peu du terrain perdu sur les multinationales dans les premiers stades de la mondialisation rampante. Il protège le droit à la règlementation et assure l'équité des règles de jeu pour les PME", a estimé Sorin Moisa.
"Le CETA est un point de repère pour le libre-échange. L'approbation de l'accord permet de rétablir la réputation de l'UE en tant que partenaire commercial fiable après que le processus de signature du CETA a été arrêté par les politiciens socialistes de la Région wallonne en Belgique. C'est un des accords de la plus haute qualité jamais négociés et il met clairement en évidence les avantages du libre-échange", s'est, de son côté, félicitée Emma McClarkin, au nom du groupe ECR.
"A la lumière des nombreux commentaires du président Donald Trump sur la politique commerciale et de son annulation du Partenariat transpacifique (PTP) hier, il est maintenant plus important que jamais qu'il n'y ait plus aucun retard dans l'approbation du CETA", a commenté le président du groupe ADLE, Guy Verhofstatdt. "Nous devons établir des alliances avec le Canada et d'autres partenaires dans le monde. L'UE et le Canada doivent travailler ensemble pour renforcer le système multilatéral ". L'eurodépuée ALDE, Marielle de Sarnez, qui s'est abstenue, a pour sa part jugé l'accord "pas très équilibré". "Il y a des points d'interrogation", a-t-elle dit, soutenant "la nécessité pour l'Europe d'avoir une vraie politique, plus proactive que simplement faire des échanges commerciaux".
Le groupe Verts-ALE s'est montré au contraire très critique. "Les conservateurs, les libéraux démocrates et la moitié des socialistes ont validé un projet scandaleux de transfert de notre souveraineté démocratique et juridique vers quelques multinationales. Fossoyeurs d'un projet européen durable, ils n'ont tiré aucune leçon du Brexit et de la victoire de Trump pour continuer à dérouler le tapis rouge aux extrêmes droites et nationalismes moisis", a déploré l'eurodéputé Yannick Jadot, vice-président de la commission. Les aménagements adoptés à la suite du refus wallon de valider le CETA "ne changent en rien les dangers pour l'emploi, l'environnement, la santé et les services publics", a-t-il ajouté en en prenant pour preuves "le scandale persistant sur les perturbateurs endocriniens et l'importation de carburants issus des sables bitumineux".
Pour le groupe GUE-NGL, qui s'est exprimé par communiqué, Anne-Marie Mineur a notamment exprimé, à côté de craintes pour l'emploi, son inquiétude quant au flou qui entoure des éléments encore à définir, exprimant notamment de "sérieux doutes sur le système d'arbitrage ICS et le comité conjoint". "Le manque d'implication démocratique et la transparence minimale pose un précédent alarmant pour les accords commerciaux à venir", a-t-elle dit. "Il est inquiétant que seul un populiste manipulateur comme Donald Trump, qui base ses vues économiques sur le chauvinisme plutôt que sur une approche rationnelle de la durabilité et de la loyauté, ait pris en compte les demandes de la résistance populaire à ce genre d'accords, tandis que nos élites ont jusqu'ici ignoré la volonté du peuple." "La résistance à cet accord ne va pas s'arrêter là. Plus de 2000 villes, municipalités et régions dans les Etats membres de l'UE se sont déjà déclarées zones sans TTIP ni CETA", a pour sa part prévenu Helmut Schol.