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Justice, liberté, sécurité et immigration
Le Parlement européen réuni en plénière a adopté la nouvelle actualisation de la directive sur les armes à feu
14-03-2017


Le Parlement européen réuni en plénière à Strasbourg en février 2017 © European Union 2017 - Source : EP / Photo Fred MarvauxLe 14 mars 2017, le Parlement européen réuni en plénière a adopté par 491 voix pour, 178 voix contre et 28 abstentions l’accord provisoire qui avait été conclu en décembre dernier entre les négociateurs du Parlement et du Conseil sur la directive européenne relative aux armes à feu.

La directive européenne de 1991 sur les armes à feu, actualisée pour la dernière fois en 2008, fixe les conditions dans lesquelles les particuliers peuvent légalement acquérir et posséder des armes ou les transférer vers un autre pays de l’UE. Dans le programme européen en matière de sécurité pour la période 2015–2020, la Commission européenne a affirmé qu’elle réviserait la législation existante sur les armes à feu en 2016, afin d’améliorer le partage d’informations, de renforcer la traçabilité, de standardiser le marquage, et d’établir des normes communes pour la neutralisation des armes.

L’accord trouvé sur la réactualisation de cette directive prévoit notamment des contrôles plus stricts sur les armes tirant à blanc et les armes mal neutralisées, comme celles qui ont été utilisées lors des attentats à Paris, ainsi que l’obligation pour les États membres de l’UE de mettre en place un système de contrôle pour la délivrance ou le renouvellement des autorisations et pour l’échange d’informations.

Le projet législatif doit encore être adopté formellement par le Conseil des ministres de l’UE, également co-législateur. Les États membres disposeront de 15 mois à partir de la date d’entrée en vigueur de la directive pour transposer les nouvelles règles en droit national et de 30 mois pour introduire les nouveaux systèmes de partage d’informations afin de tracer et d’identifier les armes à feu.

Éviter que les armes ne tombent entre de mauvaises mains

Les pays de l’UE devront mettre en place des contrôles plus stricts sur les armes dites "acoustiques", qui peuvent facilement être converties pour tirer à balles réelles. Ce type d’armes a été utilisé lors des attentats terroristes à Charlie Hebdo en 2015.

Aujourd’hui, ces armes acoustiques peuvent être vendues sans autorisation dans certains pays de l’Union. Cependant, conformément à la directive actualisée, elles devront faire l’objet d’une autorisation selon les mêmes règles que leur version tirant à balles réelles.

Neutralisation irréversible

Par ailleurs, la directive révisée renforce les dispositions relatives au marquage des armes à feu et clarifie le statut d’armes "neutralisées" (les armes neutralisées récemment devront être déclarées aux autorités nationales). Suite à la pression exercée par le Parlement, la Commission européenne s’est engagée à adopter, d’ici fin mai et en collaboration avec les experts nationaux, des normes et techniques révisées sur la neutralisation afin d’assurer que les armes neutralisées deviennent inutilisables de façon irréversible.

De nouveaux contrôles plus stricts seront appliqués pour certaines armes semi-automatiques lorsqu’elles sont équipées de chargeurs à grande capacité (à savoir plus de 20 cartouches pour les armes semi-automatiques courtes et plus de 10 pour les longues) et pour les armes à feu automatiques converties en semi-automatiques. Cependant, les particuliers qui possèdent légalement ce type d’armes aujourd’hui pourront les conserver sous réserve de l’accord de leur État membre.

Les États membres pourront accorder des autorisations de catégorie A à certains types de particuliers, par exemple les tireurs sportifs et les réservistes, ainsi qu’à des musées reconnus et, dans des cas exceptionnels et dûment motivés, aux collectionneurs, selon des mesures de sécurité rigoureuses.

Les nouvelles règles exigent également que toutes les informations nécessaires pour tracer et identifier des armes à feu soient enregistrées dans des systèmes de données nationaux et que des dispositions soient conclues pour améliorer l’échange d’informations entre États membres.

Un texte salué comme "équilibré" mais qui aura fait débat tout au long du processus législatif

Si l’eurodéputée Vicky Ford (ECR), rapporteur, s’est félicitée à l’idée que ce texte "apporte d’importantes améliorations qui combleront les failles et contribueront de façon significative à notre sécurité tout en respectant les droits des propriétaires légaux", le débat en plénière a témoigné des vifs débats que le texte aura continué de susciter jusqu’au bout du processus législatif.

Les eurodéputés du groupe PPE ont salué un "accord équilibré", Corazza Bildt, qui était rapporteur fictif sur le dossier, se félicitant notamment d’avoir pu supprimer les règles restrictives prévues dans la proposition initiale pour les chasseurs et les tireurs sportifs.

Les eurodéputés du groupe S&D ont adopté un ton similaire, saluant eux aussi un "accord équilibré" trouvé "après une discussion longue et ardue". «En effet, la nouvelle directive renforce les règles et comble les lacunes du régime actuel. En particulier, elle garantit une meilleure traçabilité, renforce les échanges d’information entre autorités, resserre les règles concernant la désactivation, limite l’utilisation des armes à feu semi-automatiques de haute capacité et instaure des systèmes de surveillance de l’état de santé des utilisateurs. Nous avons obtenu ces résultats sans criminaliser l'utilisateur normal et tout en préservant les droits des possesseurs légaux actuels", a expliqué Sergio Cofferati, qui était rapporteur fictif sur le dossier.

Ce sont les eurodéputés du groupe ALDE qui ont mené la plus lourde charge contre le texte adopté en plénière. Refusant le consensus qui était soumis au vote, ils ont tenté jusqu’à la dernière minute d’amender le texte de l’accord. Pour Dita Charanzová, porte-parole de l'ADLE sur le marché intérieur, "le Parlement européen a abandonné sa position trop facilement" et "la directive manque maintenant son objectif principal, qui est de soutenir la lutte contre le terrorisme en Europe et n'apporte pas de nouveaux instruments pour le faire efficacement, tels que des régimes clairs et harmonisés pour les armes à feu désactivées". "Au lieu de limiter le commerce illicite d’armes à feu, elle limite le droit des propriétaires légitimes", déplore l’eurodéputée. Son collègue Gérard Deprez estime pour sa part que pour "vraiment lutter contre le trafic illégal d'armes en Europe, il est non seulement naïf de permettre la vente en ligne, sans restriction, d’armes à feu directement aux consommateurs, c'est tout simplement irresponsable". "C'est pourquoi, nous visons à limiter les ventes en ligne aux transactions entre entreprises, comme initialement proposé par la Commission", avait-il expliqué en amont du vote.

L’eurodéputé Charles Goerens, qui fait partie du groupe ALDE, est d’ailleurs le seul des six eurodéputés luxembourgeois à avoir voté contre ce texte. Les cinq autres, Georges Bach (PPE), Mady Delvaux (S&D), Frank Engel, Viviane Reding (PPE) et Claude Turmes (Verts/ALE) ayant voté pour, à l’instar de la majorité de leurs groupes politiques respectifs.