Le 28 avril 2015, quelques mois après les attentats terroristes qui ont touché Paris et Copenhague, la Commission européenne a présenté, devant le Parlement européen réuni en session plénière à Strasbourg, son programme européen en matière de sécurité pour la période 2015-2020, stratégie censée "aider les États membres à coopérer contre les menaces qui pèsent sur la sécurité et donner plus de poids à notre action commune contre le terrorisme, la criminalité organisée et la cybercriminalité", selon un communiqué publié par la Commission.
Avec la présentation de ce nouvel agenda, la Commission réalise l’un des points inscrits dans son programme de travail pour 2015. Il s’agit également d’un sujet qui figurait parmi les orientations politiques de la Commission Juncker présentée en décembre 2014.
En juin 2014, le Conseil européen avait en effet demandé à la Commission de réexaminer sa stratégie de sécurité intérieure de l’Union Européenne (UE) adoptée en 2010. Le Conseil JAI de décembre 2014 avait alors exposé ses priorités pour le renouvellement de la stratégie.
Si la sécurité intérieure reste une compétence des Etats membres, la lutte contre la criminalité transfrontière "nécessite une intervention de l’UE pour renforcer la confiance et faciliter la coopération, l’échange d’informations et l’action conjointe", note la Commission dans son communiqué.
Frans Timmermans, premier vice-président de la Commission ajoute que "ce programme commun pour l’UE a pour but d'instaurer une meilleure coopération entre les autorités nationales, dans un esprit de confiance mutuelle".
Pour Dimitris Avramopoulos, commissaire en charge de la migration, des affaires intérieures et de la citoyenneté, "ce programme n’est pas une simple réaction aux récents événements tragiques. Il renouvelle notre stratégie de sécurité commune en la dotant d'un nouvel environnement politique et juridique où nous nous engageons à nous faire mutuellement confiance, afin de nous coordonner et d'échanger des informations face à des menaces de nature changeante".
Mais, selon l’agence Europe, la plupart des actions proposées par la Commission "avaient déjà été annoncées dans la foulée des attentats [dans une déclaration conjointe de douze ministres de l’Intérieur de l’UE faite le 11 janvier 2015 et une déclaration commune des dirigeants européens réunis en Conseil informel le 12 février 2015, ndlr] et ne constituent donc pas une nouveauté". Un certain nombre d’éléments avaient aussi été au cœur des discussions des ministres de l’Intérieur lors du Conseil JAI de mars 2015.
Concrètement, le programme de la Commission se concentre sur trois actions principales : la lutte contre le terrorisme et la prévention de la radicalisation, la lutte contre la criminalité organisée et la lutte contre la cybercriminalité. Pour chaque priorité, la Commission expose des mesures et des outils concrets.
Ainsi, en matière de lutte contre le terrorisme et de prévention de la radicalisation, la Commission entend :
En ce qui concerne la lutte contre la criminalité organisée, l’agenda de la Commission prévoit les actions suivantes :
Enfin, pour mener à bien sa lutte contre la cybercriminalité, la Commission va :
Enfin, la Commission souligne également, dans son communiqué, qu’ "une grande attention sera portée à l'aboutissement des propositions en cours d'examen, telles que la directive sur le système européen de dossiers passagers (PNR), et la réforme de la protection des données".
Au sujet du PNR, la Commission précise qu’elle "envisage également d'élaborer une approche horizontale de la coopération avec les pays tiers en ce qui concerne l’utilisation des données" et "attend que la Cour de justice de l'Union européenne rende son avis sur le projet d'accord PNR révisé avec le Canada, notamment quant à sa conformité aux traités de l’Union".
Il revient maintenant au Parlement européen et au Conseil d’approuver ce programme à titre de stratégie de sécurité intérieure renouvelée, dans la perspective de la réunion du Conseil européen de juin 2015.
Aussitôt après la présentation en plénière, certains groupes politiques au Parlement européen ont réagi.
Pour le groupe S&D, qui a présenté en avril 2015 sa propre stratégie pour contrer le terrorisme en Europe, les actions présentées par le nouvel agenda de la Commission "ne sont pas assez profondes" et ne "s’attaquent pas aux causes du terrorisme". La vice-présidente du groupe, Tanja Fajon, indique, dans un communiqué, “craindre que les mesures de sécurité ne l’emportent sur les droits fondamentaux”. L’eurodéputé Knut Fleckenstein pointe quant à lui le fait que la stratégie de la Commission ne reflète pas le "besoin d’un effort international". Il dénonce également le fait que l’engagement pris par la Commission pour lutter contre le financement du terrorisme est "trop vague". Selon lui, l’UE devrait également coopérer avec l’Arabie-Saoudite et le Qatar.
L'Alliance des démocrates et des libéraux pour l'Europe (ADLE) appelle elle aussi à veiller au "renforcement positif de la protection des droits de l'homme" dans le cadre de cette stratégie. "La Commission doit clarifier d'urgence comment le contrôle démocratique sera assuré", ajoute Sophie In 't Veld, vice-présidente de l'ADLE, qui qualifie également le système d’"hybride étrange entre les pouvoirs nationaux et européens". "Tous les nouveaux pouvoirs et structures doivent être fermement ancrés dans un cadre juridique clair et solide", a-t-elle encore ajouté.
Pour les Verts/ALE, la Commission propose, avec sa stratégie, une "surveillance insensée et trop peu de coopération". Judith Sargentini est d’avis que "l’intensification de la surveillance de masse et la création d’un vaste filet de données va impliquer des coûts financiers énormes". De plus, "collecter davantage de données ne servira à rien, les responsables de attentats de Paris et Copenhague étaient déjà connus des systèmes de police", a-t-elle ajouté.