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Traités et Affaires institutionnelles
Juncker évoque devant la CSV le futur de l’UE : Eviter que le nouveau traité européen ne devienne la victime "d’un caprice du moment"
16-07-2007


C’est dans le cadre de la réunion par laquelle son parti, le CSV, fête la fin de l’année parlementaire que le Premier ministre luxembourgeois Jean-Claude Juncker a prononcé le 16 juillet 2007 à Hespérange un long discours sur le futur de l’Union européenne.

Devant une salle comble, sous une chaleur tropicale, tombant la veste, arborant ses nouvelles bretelles sur une chemise à manches courtes, la cravate légèrement dénouée, remis de sa maladie et visiblement ému de se retrouver parmi ses amis, Juncker, tantôt en verve, tantôt en pleurs, a raconté son historique des combats pour un nouveau traité européen.

La signification du résultat du référendum du 10 juillet

Il a raconté comment il avait jugé inutile un référendum sur le traité de Maastricht, tant parce que les gouvernements luxembourgeois n’avaient jamais ni gagné ni perdu un référendum – "le gouvernement luxembourgeois les a soit à moitié gagnés, soit à moitié perdus" - que parce qu’il pensait que les Luxembourgeois avaient assez l’habitude de vivre en union monétaire pour être questionnés là-dessus.

Il a raconté combien un référendum sur le traité de Nice – "les sables de Nice" - lui semblait superflu.

Il a aussi raconté qu’il ne voulait pas de référendum sur le traité constitutionnel, et qu’il allait démissionner en cas de non. Et qu’il était loin d’être sûr que l’issue du référendum allait être positive, qu’il savait que cela allait être difficile – "extrêmement difficile" - surtout après les référendums en France et aux Pays-Bas. De sorte que sa menace de démissionner était loin d’être basée sur l’assurance de le remporter, comme le faisaient penser de nombreux articles.

L’enjeu du référendum luxembourgeois : "Si le Luxembourg avait dit non au traité constitutionnel, sa substance n’aurait pas pu être préservée dans le traité modifié." Et de faire allusion à la "Welt am Sonntag" du 15 juillet 2007 qui a effectivement écrit dans un récit des événements au Conseil européen de Bruxelles : "Nach dem donnernden Nein der Franzosen und Niederländer war es dann das zaghafte Jo der Luxemburger, das im Juli 2005 den endgültigen Todesstoss für die Verfassung verhinderte."

A partir du moment où la machine du référendum était lancée, il importait avant tout que le Luxembourg lance un signe au reste de l’Europe, un signe venant d’un pays qui, comme la Pologne, avait terriblement souffert des désaccords entre les grands pays de l’Europe qui se terminaient régulièrement par des guerres meurtrières qui aspiraient le pays dans leur spirale destructrice. Les 56 % de Luxembourgeois qui ont voté oui au référendum ont dit "jamais plus" à cette Europe-là.

L’affirmation des pays du oui

Une seconde étape était pour Jean-Claude Juncker de manifester, de concert avec l’Espagne, les voix des 18 pays du oui au traité constitutionnel qui disparaissaient sous le bruit des non. Cette initiative n’a pas beaucoup plu selon Juncker aux pays du non, mais encore moins à ceux qui ne s’étaient pas prononcés après avoir signé le traité, "les jumeaux polonais, Tony Blair, les nouveaux Tchèques, et nos amis portugais, qui hésitaient".

Jean-Claude Juncker a ensuite entrepris d’expliquer à son public pourquoi le Luxembourg a dit oui au traité modifié dont les grands traits ont été définis au Conseil européen de Bruxelles, car il a fallu renoncer à certains éléments.

Qu’il ait fallu renoncer à l’attribut "constitutionnel" du traité ne lui semble pas si regrettable, dans la mesure où cet attribut revêt une dimension nationale et étatique qui ne revient pas à l’Union européenne et crée le risque que l’Union soit perçue comme étant sur le chemin de l’étatisation. "Or je suis allergique aux Etats-Unis d’Europe. Je ne veux ni de suppression de mon pays ni de son identité. Je suis d’abord Luxembourgeois. Mais un Luxembourgeois dans une Europe qui a une autre histoire depuis 1945. Il n’y pas d’opposition à être Luxembourgeois et Européen."

Le Premier ministre a également regretté que l’hymne et le drapeau européen n’aient pas été inscrits dans le nouveau traité européen. "Pourtant", a-t-il constaté, "alors que la France a rejeté hymne et drapeau européens comme signes d’étatisation, c’était le drapeau européen qui était porté en tête de la parade du 14 juillet." Pour Jean-Claude Juncker, "les gens se lèvent à l’hymne de la joie, peu importe qu’il soit ou non inscrit dans le traité." Et il ajouta : "Les citoyens écrivent leurs propres lois quand les politiques n’y arrivent pas."

Pourquoi le oui luxembourgeois au traité modifié

Juncker a ensuite entrepris de dresser l’inventaire des éléments positifs :

L’euro est un objectif de l’Union, qui de surcroît donne au Luxembourg, qui est "copropriétaire de l’euro", une voix monétaire dont il ne disposait pas tant qu’il était en union monétaire avec la Belgique. L’euro de Juncker est un euro fort, qui renforce le pouvoir d’achat des Européens, qui freine l’inflation, qui permet des importations à meilleur marché, et qui a réduit chômage et pauvreté en Europe. L’euro est pour lui "l’invention la plus vertueuse depuis le lancement du projet d’intégration européenne."

Avec des appareils judiciaires dont l’action dépasse enfin les frontières nationales, l’Europe devient un instrument de plus en plus efficace contre le crime organisé international.

Avec sa clause sociale, le traité modifié fera faire à l’Europe sociale un pas en avant, sans quoi le Luxembourg n’aurait pas acquiescé au nouveau texte.

La Charte des droits fondamentaux fait que l’Europe se donne enfin à elle-même les normes qu’elle prêche aux pays qui font appel à elle pour régler leurs conflits ou entamer des coopérations. De ce fait, l’Europe ne se limite pas à être une machine qui produit du succès économique. Et Juncker de se référer aux racines d’un parti chrétien-social qui "croit en une instance qui fait la part du bien et du mal dans le monde, qui juge sans punir", et qui pousse donc "à ne pas relâcher l’effort dans la lutte contre la pauvreté tant que chaque jour, 25 000 enfants meurent de faim dans le monde."

L’Union européenne, facteur de paix

Juncker a terminé son discours par l’évocation de "l’histoire dramatique de l’Europe, faite d’amitiés passagères et d’inimitiés féroces qui ont touché jusqu’aux derniers recoins du monde", faisant part de sa peur que les leçons tirées de ce passé puissent être oubliées. Oubliées, s’il devait arriver que le nouveau traité européen soit de nouveau rejeté par la faute "d’un caprice du moment". Et si cette Europe unie devait se défaire à cause des "caprices du moment", cela voudrait dire que les raisons de sa création seraient oubliées dans une quarantaine d’années, "puisque notre génération est la dernière à avoir entendu de vive voix les témoignages des grands désastres. La guerre, "qui est une constante de l’Europe", pourrait alors refaire surface, comme elle a refait surface il y a une dizaine d’années en Bosnie, en Croatie ou au Kosovo.

"Un petit pays qui n’est pas un acteur de l’Europe doit savoir qu’il souffrira toujours de l’absence de ce type d’Europe." C’est pourquoi un petit pays doit toujours être à l’écoute des autres, aider par exemple à ce que la Pologne comprenne aujourd’hui qu’elle ne peut exister contre l’Union européenne comme il a fallu faire comprendre, à force de patience et de fermeté, aux Allemands, qu’ils ne pouvaient exister sans l’Europe, au point de devenir les meilleurs voisins de leurs voisins.