Bronislaw Geremek, député européen, grand spécialiste de l'histoire médiévale française et ancien ministre polonais des Affaires étrangères est décédé dimanche 13 juillet 2008 dans un accident de voiture à l'âge de 76 ans.
Avec lui, l’Europe perd l'un des principaux artisans des transformations démocratiques qui ont précipité la chute du communisme en Europe de l'Est.
Bronislaw Geremek avait été souvent au Luxembourg en tant qu'historien, ministre des Affaires étrangères ou député européen, où son décès a suscité de nombreuses réactions. La dernière fois, ce fut le 18 décembre 2007, comme invité de Nicolas Schmit, ministre délégué aux Affaires étrangères et de l’Immigration et d’Europaforum.lu. Hôte d’honneur pour la fête de bienvenue des nouveaux Etats membres dans l’espace Schengen, il avait été à cette occasion reçu par le Premier ministre Jean-Claude Juncker, avant de mener à bâtons rompus, avec cette franchise bienveillante qui lui était si particulière, un long déjeuner-débat avec des étudiants de l’Université de Luxembourg. Il prononça ensuite un discours sur le sentiment d’appartenir à part entière à l’Europe des citoyens de l’Europe centrale et orientale, dans lequel il déclara : "A travers la liberté de circulation s’affirme que ce qui nous unit est plus fort que ce qui nous sépare."
Une preuve de la popularité de Bronislaw Geremek au Luxembourg avait été livrée au printemps 2007, lorsque l’ancien dissident avait refusé de signer dans le cadre de la nouvelle loi sur la décommunisation, dite de "lustration", une nouvelle déclaration par laquelle il donnait acte qu’il n’avait pas collaboré ni avec le parti communiste ni avec les services de sécurité de l’ancien régime. Son refus avait conduit le gouvernement polonais à le déchoir de son mandat de député européen, jusqu’à ce qu’une partie de cette loi fût déclarée inconstitutionnelle le 11 mai 2007. Sa collègue Lydie Polfer l’avait soutenu, et à la demande du député libéral Charles Goerens, une heure d’actualité eut lieu le 22 mai 2007 à la Chambre des députés. Ce fut une chose tout à fait inédite qu’un parlement national débatte du cas particulier d’un député d’un autre pays, mais qui siégeait cependant dans un parlement européen commun à tous les autres Etats membres de l’Union européenne. C’est que Geremek était un des emblèmes de cette nouvelle Europe née en 1989.
Geremek avait été l'un des membres fondateurs du syndicat Solidarité et un proche conseiller de Lech Walesa, son chef historique. Il avait appartenu à un petit noyau d'intellectuels prônant, dès les années 1970, une opposition non-violente au régime totalitaire imposé à la Pologne par l'Union soviétique.
Né le 6 mars 1932 à Varsovie, il était diplômé d'histoire à l'Université de Varsovie en 1954, avant de continuer ses études à l'Ecole Pratique des Hautes Etudes à Paris. Il devint l'un des meilleurs spécialistes de l'histoire médiévale française. Les marginaux, les pauvres, les criminels du Moyen Age étaient ses grands sujets.
Geremek avait adhéré jeune au parti communiste polonais, mais il l’avait quitté après l'invasion de la Tchécoslovaquie par les troupes du pacte de Varsovie en 1968. Passé dans la dissidence, il coopéra avec le Comité de défense des ouvriers (KOR), embryon de l'opposition démocratique, fondé en 1976.
En été 1980, lorsque les ouvriers des chantiers navals se mettent en grève, il les aide à fonder Solidarité, le premier syndicat libre du bloc soviétique.
Après le coup de force du général Wojciech Jaruzelski contre le syndicat de Lech Walesa en décembre 1981, Bronislaw Geremek est emprisonné pour deux ans et demi, avec les autres principaux dirigeants du mouvement.
Quand le régime communiste fléchit au début de 1989, il est, du côté de Solidarité, l'un des principaux artisans d'une entente avec l'ancien régime, qui ouvre la voie à une passation pacifique du pouvoir.
Entre 1997 et 2000, Bronislaw Geremek dirige la diplomatie polonaise.
En 1998, la ville d’Aix-la-Chapelle lui décerne le prix Charlemagne
Après l'adhésion de la Pologne à l'UE en mai 2004, il se fait élire député au Parlement européen sur les listes d'un parti réformateur issu de Solidarité, mandat qu'il assumait toujours au moment de sa mort.