Le 17 décembre 2008, les députés du Parlement européen ont voté en plénière par une majorité qualifiée le rapport Cercas sur la révision de la directive "temps de travail". Les eurodéputés ont ainsi bloqué une position commune avec le Conseil de ministre qui aurait pu mener à l’adoption de la directive. Les députés se sont ainsi opposés à cette directive "temps de travail", qui prévoit notamment une augmentation du temps de travail, sous certaines conditions, à plus de 48 heures par semaine. Tous les eurodéputés luxembourgeois ont voté pour ce rapport Cercas. Trois d’entre eux, Lydie Polfer (ALDE), Astrid Lulling (PPE) et Robert Goebbels (PSE) ont justifié par écrit leur décision. Petit tour d’horizon.
Robert Goebbels et Lydie Polfer ont tous les deux considéré que le compromis actuel sur la directive temps de travail "détériorerait les conditions de travail pour les salariés" (Goebbels), et signifierait "un retour en arrière par rapport au droit actuel des travailleurs, ce qui serait indigne d’une Europe qui se veut à la fois compétitive et sociale" (Polfer). Astrid Lulling par contre dit avoir "hésité longtemps pour prendre une décision sur la position à adopter".
Lydie Polfer a soutenu le rapport qui préconise selon elle "une suppression progressive dans les 3 ans de toute possibilité de déroger à la durée légale maximale du temps de travail qui est de 48 heures de travail hebdomadaire pour les travailleurs individuels". Polfer a estimé que "le temps de garde, y compris la durée inactive, doit impérativement être considéré comme du temps de travail à part entière". "En votant pour le rapport Cercas, la Commission de l’emploi et des affaires sociales du PE a adopté une position équilibrée et protectrice pour les salariés européens, position que je partage."
Robert Goebbels a avancé que "le vote du Parlement est synonyme d'un grand pas vers une meilleure protection des droits des salariés". Le député socialiste a souligné "qu'à un moment où l'Europe se trouve en pleine crise économique et financière et où le chômage est reparti à la hausse, il est inacceptable de prôner un encadrement du temps du travail rappelant une exploitation d'un autre âge". Pour lui, une position commune entre Parlement et Conseil aurait constitué une régression "sans précédent de la politique sociale de l'Union européenne".
Le vote positif d’Astrid Lulling fut le résultat d’une réflexion plus pragmatique. D’après ses propres mots, la députée aurait mis "très longtemps à se décider sur la position qu’elle devrait adopter" au sujet de la directive "temps de travail". Dans un communiqué, elle a rapporté que "nous (les eurodéputés) avons été submergés par des prises de positions sur le compromis des gouvernements du 15 septembre 2008". Le Parlement européen aurait été sollicité par beaucoup de patrons et de secteurs économiques, qui ont fait un appel aux eurodéputés "d’accepter la solution pragmatique des ministres, et d’accepter les options d’opt-out, car ceux-ci correspondraient bien à leur activité particulière". "Puisque le fossé entre ceux qui voient le compromis du Conseil comme seule option possible et ceux qui diabolisent ce compromis, je vais voter pour le rapport Cercas, afin de provoquer la procédure de conciliation", a conclu la députée.
Afin de protester contre cette directive, la Confédération européenne des syndicats (CES) avait organisé une manifestation à Strasbourg le 16 décembre 2008. Des milliers de manifestants venus de toute l’Union européenne avaient défilé dans la capitale alsacienne, en brandissant des banderoles et en scandant des slogans contre la directive. Les syndicats luxembourgeois furent également représentés par le Secrétariat européen commun de la CGT-L (OGB-L/FNCTTTFEL) et du LCGB (SECEC).
Dans une interview avec le "Tageblatt" en date du 17 décembre 2008, Nico Clement, un des deux responsables du SECEC et membre du comité exécutif de l'OGB-L, a rapporté qu’environ "300 personnes ont participé au voyage à Strasbourg". Il s’est montré très satisfait du déroulement de la manifestation, et il a applaudi la présence d’une vingtaine de députés européens, dont notamment le socialiste Robert Goebbels. Aux yeux de Nico Clement, les syndicats ont ainsi su "envoyer un signal fort au Parlement européen".
Nico Clement a par ailleurs estimé que "si le compromis des ministres européens passait, alors la santé et la sécurité des salariés ne seraient plus assurées". L’opt-out doit selon lui être absolument aboli. Clement a cependant souligné que les syndicats européens ne s’opposent pas à la flexibilisation du temps de travail en elle-même, "si celle-ci a pour but de permettre aux salariés de mieux combiner vie privée et vie professionnelle".
Au moment du vote au Parlement européen, le Conseil "Emploi, politique sociale, santé et consommateurs" des ministres de l'Union européenne a siégé ce même 17 décembre 2008 à Bruxelles. Il a eu, comme on peut le lire dans un communiqué du ministre du Travail et de l’Emploi, François Biltgen, "un échange de vues soutenu " au sujet du rapport Cercas. Pour Biltgen, le Parlement auropéen, agissant en codécision avec le Conseil, a ainsi repoussé la position commune du Conseil des ministres du 9 juin 2008.
Le ministre du Travail et de l’Emploi rappelle dans son communiqué les trois raisons pourquoi le Luxembourg avait en juin 2008 approuvé le compromis désormais rejeté :
François Biltgen a donc plaidé pour une adoption telle quelle de la position du Parlement européen par le Conseil des ministres, qui aurait permis l'adoption d’une nouvelle directive propice à l’Europe sociale. Il a rappelé à cet égard que "la position de base du Luxembourg a toujours été similaire à celle du Parlement européen".
"Malheureusement" pour Biltgen, le Conseil des ministres n'a pas pu se mettre d'accord sur cette proposition. Dès lors, la procédure de conciliation entre le Conseil des ministres et le Parlement européen sera lancée. François Biltgen a souhaité que cette procédure aboutisse, pour éviter que la directive actuelle, et la formule actuelle de l'opt-out (semaine de travail de 78 heures) ne restent en vigueur de façon définitive.
La législation actuellement en vigueur en matière du temps de travail fixe des prescriptions minimales de sécurité et de santé (temps de repos quotidien minimal de onze heures, congé rémunéré de quatre semaines minimum, etc). Elle limite la durée de travail à 48 heures par semaine. En 1993, lorsque la directive avait été négociée, une clause de non-participation avait cependant été introduite pour le Royaume Uni. Un employeur et salarié pouvaient se mettre d'accord sur une durée de travail supérieure à 48 heures.
Depuis bientôt quatre ans, Commission, Conseil et Parlement européen ont essayé de trouver un consensus sur la réforme. Le compromis des ministres prévoit que la clause de non-participation, actuellement illimitée en termes d'heures de travail, sera plafonnée à 60 ou 65 heures par semaine.
L’autre sujet sensible auquel touche le compromis est celui de la révision du temps de garde, en particulier pour les professions médicales. La proposition des ministres de l’Emploi et du Travail prévoit de définir la notion de période "inactive" des temps de garde, qui ne pourra plus être comptabilisée comme des heures de travail effectives.