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Opinion
Eurobaromètre 70.1 de l’automne : le rapport national révèle le pessimisme des Luxembourgeois à l’égard de la situation économique
Pour Charles Margue, les Luxembourgeois ont plus à perdre que les autres habitants de l’UE et sont peu enclins à partager, ce qui se reflète dans leur traditionnel refus de l’élargissement.
27-01-2009


Charles MargueLe 27 janvier 2009, Charles Margue, directeur de recherches chez TNS ILReS, présentait à la Maison de l’Europe les résultats pour le Luxembourg de l’Eurobaromètre 70.1 de l’automne 2008. Cette enquête, réalisée chaque automne et chaque printemps, fait le point sur la vie des citoyens de l’Union européenne et la perception qu’ils en ont. L’image de l’UE et la confiance dans les institutions, tant nationales qu’européennes, ainsi que les priorités futures des actions de l’UE y sont aussi analysées.

Au Luxembourg, l’enquête a été réalisée entre le 6 octobre et le 6 novembre 2008 auprès d’un échantillon de 500 personnes, dont 73 % sont de nationalité luxembourgeoise et 27 % des ressortissants d’autres Etats membres de l’UE.

L'Eurobaromètre d'automne 2008 montre que les attitudes générales des citoyens à l'égard de l'Union européenne ont, dans l’ensemble, peu changé, mais que leur vision de la situation et des perspectives économiques a été considérablement altérée par la crise financière.

L'élément marquant de l'enquête est l'évaluation pessimiste de la situation économique actuelle et des perspectives dans ce domaine par les citoyens européens.

Pessimisme quant à la situation économique à venir

Plus de deux tiers des répondants (69 %, + 20 points de pourcentage depuis l'automne 2007) estiment que leur économie nationale est en mauvaise posture. En cela les habitants du Luxembourg se distinguent fondamentalement, puisqu’ils ne sont que 37 % (mais néanmoins 23 % de plus qu’il y a un an !) à penser que leur économie nationale va mal. Les Européens sont 58 % (+ 31), et les Luxembourgeois sont 59 % (+ 26) à penser la même chose de l'économie européenne.

Le jugement porté sur la situation économique actuelle dans le monde – une question introduite pour la première fois dans cette enquête – correspond à l'appréciation relative à l'économie nationale : 71 % des Européens la considèrent défavorable, et les Luxembourgeois sont même  82 % des Luxembourgeois.

Les habitants du Luxembourg sont à 90 % satisfaits de la vie qu’ils y mènent, ce qui est nettement au-dessus de la moyenne européenne (76 %), bien qu’on note, par rapport à l’enquête réalisée au printemps 2008, une baisse de 5 %. On relève qu’au Portugal, pays dont viennent de nombreux migrants vivant au Luxembourg, ce taux de satisfaction n’atteint que 46 %.

Les éléments qui tiennent le plus grand rôle dans ce haut niveau de qualité de vie, sont, chez les sondés luxembourgeois, l’endroit où ils habitent (88 %), les prestations de services de santé (82 %) et le système de retraite (69 %). Le coût du logement (qui n’est pas satisfaisant pour 85 % des répondants) et le coût de la vie (79 %) posent les plus de problèmes aux résidents luxembourgeois interrogés. Interrogés aussi sur leur perception de la situation du Luxembourg par rapport à celle de la moyenne des pays européens, les répondants du Grand-Duché estiment que la situation de l’économie (88 %), la qualité de vie (82 %) et la situation de l’emploi (80 %) sont meilleures au Luxembourg que dans le reste de l’UE.

Les attentes des citoyens européens à court terme sont cependant très pessimistes, tendance qui s’accentue depuis 2007. Plus de la moitié des personnes interrogées sont convaincues que la situation économique de leur pays va empirer au cours des douze prochains mois, tandis qu'elles sont respectivement 41 % (60 % au Luxembourg, + 13 %) et 49 % (67 % au Luxembourg) à être de cet avis pour ce qui est de la situation économique dans l'Union européenne et dans le monde. Pour ce qui est de leur vie en général, on note un pessimisme grandissant au Luxembourg, puisque 23 % (- 10)  des répondants estiment qu’elle va s’améliorer dans les 12 mois à venir.

Pour 60 % des sondés au Luxembourg (51 % dans l’UE), le pouvoir d’achat s’est dégradé par rapport à celui d’il y a cinq ans. Les trois pays voisins du Luxembourg – Allemagne, Belgique et France – font preuve d’une perception assez similaire puisque 65 % des sondés ont exprimé la même impression.

L’inflation reste le principal problème national

37 % des citoyens européens (+17), 30 % des Luxembourgeois (+ 23) considèrent que la situation économique représente l'un des deux problèmes les plus importants auxquels leur pays est confronté aujourd'hui. Cette situation est devenue en Europe la première préoccupation nationale, souvent au même titre que l'inflation qui est cependant considérée au Luxembourg par 49 % (+ 6) des Luxembourgeois - en octobre-novembre 2008, alors que l’inflation commençait seulement à se calmer (n.d.l.r.)  - comme le premier problème. Suivent en Europe le chômage (26 %, + 2), l’insécurité (17 %, - 3) et le système de santé (16 %, - 3), et au Luxembourg le logement (27 %, - 10), le chômage (20 %, -4)  et le système éducatif (19 %, - 6).

Baisse de la confiance en l'Union européenne, mais taux de confiance élevé dans le Parlement européen

La confiance des habitants du Luxembourg dans les institutions nationales reste élevée, bien qu'on note une certaine baisse du taux de confiance depuis le printemps 2007. Le degré de confiance le plus important revient – "avec le retour du politique" (Charles Margue) - au Gouvernement (60 %, 55 % au printemps 2008; 66 % au printemps 2007). La Chambre des députés obtient un degré de confiance de 56 % (55 % au printemps 2008; 64 % au printemps 2007).

Quant à la confiance accordée à l'UE par les répondants du Grand-Duché, avec un taux de confiance à 47 %, on constate une baisse de 8 points par rapport au printemps 2008. La confiance dans les institutions européennes a également subi une baisse depuis 2007. Le Luxembourg se situe ainsi juste au même niveau que la moyenne de l’UE en ce qui concerne la confiance accordée en cette dernière.

Le Parlement européen et la Banque centrale européenne bénéficient cependant encore d'une confiance très élevée, respectivement 64 % et 60 %, (resp. 62 % en 2007) des sondés, suivis par la Commission européenne (57 %; 59 % en 2007) et le Conseil de l'Union européenne (49 %; 53 % en 2007).

Baisse du sentiment positif d’appartenance à l’UE au Luxembourg

Les trois principaux indicateurs des attitudes générales vis-à-vis de l'Union européenne – le soutien à l'appartenance à l'UE (53 %, + 1 des Européens, 71 %, -2 des Luxembourgeois), la perception des avantages de l'appartenance à l'UE (56 %, + 2 des Européens, 68 % des Luxembourgeois, sans changement) et l'image de l'UE (45 %, -3 des Européens, mais 46 %, -7 des Luxembourgeois) – sont restés stables ou ont légèrement fléchi depuis le printemps 2008. Pour les habitants du Luxembourg, la baisse du soutien à l’appartenance à l’UE atteint cependant 11 points si l’on compare avec les chiffres de l’automne 2007.

Au Luxembourg, l’Union européenne bénéficie d’une image positive auprès de 46 % (- 7 par rapport au printemps 2008) des habitants (pour l’UE 45 %, - 3), 17 % (+ 4) en ont une image négative (17 %, + 2 dans l’UE) et 35% (- 2) ne s’expriment pas.

Interrogés sur leur appréciation de la direction actuellement suivie par l’UE, 33 % (35 % dans l’UE) des répondants du Luxembourg considèrent qu’elle est bonne, contre 38 % (34 % dans l’UE) qui la jugent mauvaise et 19 % (19 % dans l’UE) qui disent : "ni l’une ni l’autre". Parmi les voisins du Grand-Duché, c’est en France que les sondés ont exprimé l’opinion la plus défavorable à cet égard, avec 51 % de personnes jugeant "mauvaise" la direction prise par l’Union européenne, et ce alors que la France assurait la Présidence de l’UE au moment de l’enquête.

Pour les Luxembourgeois, la libre circulation des personnes et la monnaie unique font l’UE

Pour les habitants du Luxembourg, l’Union européenne représente surtout la liberté de voyager, d'étudier et travailler dans l'UE (54 %; - 3 points par rapport au printemps 2008), la monnaie unique (46 %; + 2 points par rapport au printemps 2008) et la paix (37 %; - 6 points par rapport au printemps 2008), mais également plus de criminalité (29 %; - 5 points par rapport au printemps 2008) et pas assez de contrôles aux frontières extérieures (24 %; - 2 points par rapport au printemps 2008). Les trois premiers éléments cités à l’échelle de l’UE sont les mêmes, avec une adhésion cependant plus faible en moyenne : 44 % pour la liberté de voyager, d’étudier et de travailler dans l’UE, 34 % pour la monnaie unique et 27 % pour la paix. On peut noter que si, à l’échelle de l’UE, la bureaucratie représente l’UE pour 17 % des sondés, ils ne sont que 10 % à partager cet avis au Luxembourg.

Priorités et actions futures de l’UE : marché intérieur, immigration, énergie et environnement

Au Luxembourg, les sondés estiment que les actions futures de l'UE devraient être intensifiées dans les domaines suivants : le marché intérieur (28 %; UE :18 %), l'immigration (28 %; UE : 29 %), les questions énergétiques, et les questions environnementales (27 %: UE : respectivement 30 % et 27 %), la politique étrangère européenne (27 %; UE : 16 %), la lutte contre l'insécurité (25 %; UE : 29 %), ainsi que les questions sociales (21 %; UE : 27 %).

Si les questions d’immigration, les questions environnementales et les questions énergétiques se retrouvent parmi les domaines les plus cités par les sondés du Luxembourg et dans la moyenne UE, il n’en est pas de même pour le marché intérieur qui connaît une différence de 10 points entre le taux de sondés l’ayant cité au niveau du Luxembourg (28 %) et dans la moyenne européenne (18 %), ainsi que la politique étrangère européenne dont la différence des taux est de 11 points entre le taux luxembourgeois (27 %) et la moyenne UE (16 %).

Utilisation du budget de l'Union européenne : Frais administratifs et de personnels, de bâtiments surestimés

Concernant l'utilisation du budget de l'Union européenne, les sondés du Luxembourg, comme ceux de la moyenne UE, surestiment de loin la part des dépenses administratives et de personnels, de bâtiments, qu'ils indiquent en premier lieu parmi les dépenses de l'UE (LU : 18 %; UE : 13 %) alors qu'elles ne représentent en réalité que moins de 6% des dépenses. Puis viennent les dépenses servant la croissance économique (LU : 17 %; EU : 11 %) ainsi que l'agriculture et le développement rural (LU : 11 %; EU : 11 %).

Les Luxembourgeois, l’UE et l’élargissement

En résumé, Charles Margue a déclaré que sur le long terme, les habitants du Luxembourg avaient une attitude positive à l’égard de l’Union européenne.

Dans le sondage d’opinion de l’automne 2008, ils indiquent de plusieurs manières qu’ils vont mieux que les habitants des autres Etats membres et, par leur optimisme relatif, que le pays va mieux s’en sortir malgré la crise.

Les habitants du Luxembourg sont par contre peu satisfaits du développement de l’Union européenne et seraient plus satisfaits si l’Union européenne se stabilisait. "Le fait que l’immigration figure en tête des préoccupations des habitants du Luxembourg est une réaction viscérale qui exprime à la fois une préoccupation identitaire, la peur d’être submergés, de perdre la place privilégiée que le Luxembourg et les Luxembourgeois prennent actuellement dans l’Union et surtout le rejet d’une Union européenne dont le contrôle leur échapperait."

Pour Charles Margue, il existe une autre tendance à long terme : les Luxembourgeois ont plus à perdre que les autres habitants de l’Union européenne et sont d’un autre côté peu enclins à partager, ce qui se reflète dans leur traditionnel refus de l’élargissement.

Même si Charles Margue n’a pas évoqué le volet de l’élargissement lors de la conférence de presse du 27 janvier 2009, les premiers résultats de l’Eurobaromètre publiés en décembre 2008 - analysés par Europaforum.lu dans un article du 18 décembre 2008 - ainsi qu'un chapitre manquant dans le rapport national qui a été communiqué après la conférence de presse, confirment l’hypothèse de Charles Margue :

  • Près de la moitié des Européens (48 %), mais seulement 34 % des Luxembourgeois, estiment que l'élargissement a renforcé l'Union.
  • 36 % des Européens, mais 54 % des Luxembourgeois estiment que l’élargissement a au contraire affaibli l’Union européenne.
  • Environ deux tiers des Européens (65 %), mais seulement 53 % des Luxembourgeois considèrent que la chute du Mur de Berlin a été profitable à l’UE.
  • Les Luxembourgeois sont même 59 % à penser que la chute du mur de Berlin n’a pas bénéficié à leur pays, contre 34 % des Européens.

Avec ces positions négatives à l’égard de l’élargissement et des effets à long terme de la chute du Mur de Berlin, les Luxembourgeois se situent en tête des statistiques.