Le 9 janvier 2009, Viviane Reding présentait à l’occasion d’une conférence de presse à la Maison de l’Europe, le bilan de son année à la Commission européenne, où elle est en charge de la société de l’information et des médias, et les perspectives pour 2009.
Jean-Claude Juncker avait annoncé deux jours auparavant qu’elle serait tête de liste pour les élections européennes pour le CSV. Dès le 10 janvier, un journaliste du Luxemburger Wort titrait un article "Viviane Reding veut rester commissaire européenne". La possibilité de ce troisième mandat suscite depuis lors la controverse à la veille de la campagne électorale.
En effet, si CSV , LSAP, DP et Gréng s’étaient mis d’accord en septembre 2008 pour présenter des listes séparées pour les élections nationales et européennes, la question de l’engagement des candidats à accepter leur mandat de parlementaire européen s’ils sont élus est un sujet qui s’annonce très vif. Le 14 janvier Gusty Graas, conseiller communal à Bettembourg et député libéral pendant la précédente législature, et Alex Bodry, président du LSAP, s’exprimaient à ce sujet dans les pages, respectivement, du Lëtzebuerger Journal et du Tageblatt.
Retour sur les différentes étapes qui ont vu naître le débat.
En réponse à une question d’un journaliste sur sa position au sujet du nombre de commissaires européens, Viviane Reding a affirmé qu’il "est nécessaire de garder un commissaire par pays, surtout pour les petits pays". Elle a expliqué qu'"en raison des propositions qui se font dans la Commission, il faut un commissaire qui pense à ce qui se passe dans son pays. Du fait que nombre de ses citoyens disposent de postes de direction à la Commission, la France peut plus facilement se passer d’un commissaire que le Luxembourg. Les petits pays sont perdus sans quelqu'un qui représente leur point de vue au sein de la Commission."
En faisant allusion au récent élargissement de l’UE à 27 États membres et, par conséquent, aussi à l’augmentation du nombre de commissaires, Viviane Reding s’est demandé "comment organiser une Commission avec 27 membres pour que les règles ne soient pas interprétées de 27 façons différentes, notamment en ce qui concerne le marché intérieur ?" Viviane Reding pense qu’il est élémentaire "d’organiser, dans ce cadre, une collaboration transfrontalière de l’industrie." Et de là, elle conclut : "J’aimerais bien y apporter ma contribution à l’avenir."
Le soir même, RTL Télé Lëtzebuerg a diffusé en direct une interview de Viviane Reding, qui a encouragé la spéculation autour d’un éventuel troisième mandat au sein de la Commission européenne. Lorsqu’on lui a demandé si elle accepterait éventuellement un tel mandat, elle a répondu qu’elle avait "décidé de faire de la politique européenne et d’y rester pour faire un bon travail pour l’Europe, ce qui est également un bon travail pour le Luxembourg. Le Luxembourg ne peut affirmer sa place que si l’Europe est forte." Viviane Reding a ajouté qu’elle avait fait "ce travail avec énergie et enthousiasme" et que "c’était une véritable vocation". Elle veut "expliquer ce travail pendant la campagne électorale" et en même temps "expliquer ce qui doit être fait pour que l’Europe soit renforcée". Et elle a souligné que : "Ce sont les électeurs qui vont décider. Sur la base de cette décision, j’aimerais bien continuer à travailler au sein de la Commission ou", le cas échéant, "au Parlement européen".
Le journaliste Jakub Adamowicz publiait alors le 10 janvier dans le Luxemburger Wort un article titré "Viviane Reding veut rester commissaire européenne. La représentante du Luxembourg au sein du collège bruxellois brigue un troisième mandat". Le journaliste, qui avait assisté à la conférence de presse à la Maison de l’Europe, cite de la sorte la commissaire : "J’aurais aussi beaucoup de joie à continuer à apporter ma contribution au travail d’unification européenne en tant que membre de la Commission européenne". Et il précise aussitôt que, le mercredi 7 janvier, "le Premier ministre Jean-Claude Juncker avait annoncé à l’occasion des vœux du CSV que Viviane Reding mènerait la liste du CSV pour les élections au Parlement européen".
Rappelant la décision du Conseil européen de décembre de maintenir à l’avenir un représentant par pays au sein de la Commission, le journaliste du Wort insiste sur l’importance de cette institution et souligne qu’il est, "pour les petits pays en particulier, d’une grande importance de disposer d’un commissaire". Jakub Adamowicz dresse un historique rapide des "représentants du Luxembourg à la Commission", évoquant la présidence de Jacques Santer de 1995 jusqu’à 1999, puis le premier mandat de Viviane Reding qui était, de 1999 à 2004, responsable de l’éducation et de la culture dans la Commission présidée par Romano Prodi. Dans le domaine de compétences de l’actuelle commissaire en charge de la société de l’information et des médias, Jakub Adamowicz indique que Viviane Reding "a œuvré pour la fixation de plafonds pour les frais d’itinérance, mais aussi pour des progrès dans la création du marché intérieur, qui sont importants pour l’industrie satellite et ses opérateurs luxembourgeois". Selon le journaliste du Wort, Viviane Reding pourrait ainsi, dans le cas d’un troisième mandat à la Commission, "disposer d’une position influente".
Alex Bodry, député et président du LSAP, a accordé un entretien au journaliste René Hoffmann. Publié dans le Tageblatt du 14 janvier 2009, il a pour titre "Nous abordons cette campagne électorale avec sérénité". Interrogé sur les élections européennes, le président du LSAP rappelle que la liste de son parti "sera finalisée dans les prochains jours" et que Robert Goebbels, actuel député européen, va se représenter. Se réjouissant qu’il n’y ait "plus de doubles candidatures", Alex Bodry aborde lui aussi la question, trouvant "scandaleux que le CSV spécule sur un troisième mandat de Viviane Reding en tant que commissaire européenne". Il rappelle en effet qu’elle est "candidate sur une liste européenne" et, selon lui, "si elle est élue, elle doit accepter son mandat".
Gusty Graas, conseiller communal à Bettembourg et député libéral pendant la précédente législature, relève pour sa part, dans un article du Lëtzebuerger Journal daté 14 janvier 2009 et titré "La campagne électorale est en route", que, bien qu’elle soit tête de liste CSV pour les élections européennes, Viviane Reding "ne manque pas une occasion de faire savoir aux citoyens qu’elle brigue une nouvelle prolongation de son mandat à la Commission". Pour l’ancien député, "un scénario comme celui de 2004 va se rejouer". Il revient alors sur les faits. Arrivée en quatrième position sur la liste européenne du CSV aux élections européennes de 2004, Viviane Reding avait, et ce malgré le retrait des trois premiers élus de la liste, "donné la priorité à la fonction de commissaire" et avait donc refusé le poste de parlementaire européenne.
Pour Gusty Graas, en cas de reconduite du CSV au gouvernement aux élections du 7 juin 2009, "rien ne devrait faire obstacle à un troisième mandat de commissaire européenne pour Viviane Reding". Mais le conseiller communal de Bettembourg fait appel à "plus de transparence" de la part du CSV au sujet de la "séparation des listes entre élections nationales et européennes". Gusty Graas s'inquiète : "Qu’en est-il de cette sublime intention de susciter la confiance chez l’électeur si même la tête de liste ne peut garantir à 100 % qu’elle acceptera et assumera jusqu’au bout son mandat ?" En effet, pour lui, "quand on est candidat à une fonction politique, on doit dans tous les cas avoir la décence de parler sans fard à l’électeur avant les élections". Et de conclure : "Le CSV devrait donc se garder au cours de l’imminente campagne électorale de donner des leçons aux autres partis en matière de respect des électeurs".