Le 17 février 2009, la Présidence du Sommet de la Grande Région, assurée depuis le 1er février 2008 par le Luxembourg, a organisé, à Marnach, un séminaire transfrontalier intitulé "Les parcs naturels de la Grande Région : moteurs du développement régional des espaces ruraux". Cette manifestation, co-organisée avec les parcs naturels de l’Our et de la Haute-Sûre, avait pour objectif d’analyser le rôle que peuvent jouer les parcs naturels de la Grande Région dans le développement de ses espaces ruraux.
Ce fut l’occasion de présenter quatre projets transfrontaliers exemplaires réalisés par les parcs naturels de la Grande Région.
Jan Lembach, directeur du parc naturel de Nord-Eifel qui est situé à cheval sur la Rhénanie-Palatinat, la Rhénanie du Nord / Westphalie en Allemagne et l’Est de la Wallonie, a présenté un projet lancé en 2003 à l’occasion de l’Année européenne des personnes handicapées et qui s’intitule "Barrierefreiheit". L’objectif ? Offrir un accès au parc naturel pour que tout le monde en profite : tant les personnes souffrant de handicaps plus ou moins lourds et de toutes sortes, que tous les autres. Faisant référence à une étude du gouvernement allemand de 2003, Jan Lembach a expliqué que ce type de tourisme offre un grand potentiel.
Le parc naturel germano-belge a donc développé une offre touristique adaptée à ce public : des brochures présentant l’offre existante ont été éditées, un site internet spécifique a été mis en ligne et des sentiers de découverte accessibles à tous ont ensuite été créés. Equipés d’endroits où se reposer, de panneaux d’information adaptés tant aux fauteuils roulants qu’aux personnes non ou malvoyantes, ces chemins sont aussi ponctués de bornes d’appel d’urgence. Par ailleurs, un effort est fait en matière de sensibilisation des acteurs, ou encore de formation des employés des "Naturzentren" du parc, qui offrent eux aussi une grande accessibilité.
Le succès de ce projet est manifeste : la demande est importante, l’opinion publique est mieux sensibilisée et l’intérêt des entrepreneurs privés s’est lui aussi manifesté par diverses initiatives privées. Au vu du changement démographique que connaît l’Europe, il s’agit pour Jan Lembach d’un projet d’avenir qui a sa place dans une stratégie plus globale de développement régional : il accroît les compétences sociales, permet de toucher de nouveaux publics, et il a par conséquence une plus-value économique tout en étant un atout important en terme d’image.
Marie-Pierre Augustin a tout d’abord esquissé un rapide portrait du Parc naturel régional de Lorraine dont elle est directrice. Cette structure fête ses 35 ans cette année et son territoire de 220 000 hectares étalés sur 188 communes abrite une population de 72 000 habitants. Six grandes missions lui ont été attribuées en juin 2008, qui vont du maintien de la biodiversité à la mise en place d’un Plan climat territorial, en passant par l’accompagnement des grands pôles structurants dans les deux parties du parc, le développement de la vie du territoire et le renouvellement de sa charte. Sans oublier l’aménagement durable du territoire, car c’est dans ce cadre bien précis qu’intervient le parc en matière d’urbanisme.
Guy Georges, responsable de la mission culture et patrimoine au sein du parc naturel de Lorraine, a donc présenté cette activité qui a pour objectif de permettre un développement du territoire en respectant patrimoine et environnement. Le parc naturel a, dans un contexte d’étalement urbain qui ne concerne pas que les grandes villes et qui peut provoquer un "mitage du territoire", un rôle de conseil et d’appui aux collectivités. Celui-ci concerne tant les aspects réglementaires que la création d’outils pour les collectivités, ainsi qu’une assistance technique. Le Parc naturel intervient ainsi dans les différentes phases d’élaboration des documents d’urbanisme afin de veiller à leur conformité avec la charte du parc.
Il s’agit donc de veiller à ce que soit pris en compte le patrimoine naturel car, "les espaces naturels ne sont pas infinis et il faut préserver les terres agricoles pour des raisons économiques, puisqu’elles sont une garantie alimentaire mais aussi un cadre de vie". Dans le parc naturel régional de Lorraine, ce sont essentiellement les zones humides, dont dépendent la qualité des ressources en eau, qu’il s’agit de préserver. Mais les haies, bosquets et vergers, qui jouent un rôle fondamental pour l’environnement, l’agriculture et les paysages, font eux aussi l’objet d’une grande attention, ainsi que la biodiversité. Les outils en la matière : des inventaires et des mesures de gestion qui peuvent avoir une portée réglementaire.
Une autre règle en matière d’urbanisme dans le parc découle du fait que "toute nouvelle construction modifie le paysage et peut donc aussi le dénaturer" ; il faut donc, comme l’a expliqué Guy Georges, "gérer l’espace de manière économe". Pour ce faire on peut réutiliser l’existant, ce qui peut contribuer à la valorisation du patrimoine, ou bien construire dans les espaces libres, étendre le village le long des voies existantes ou encore étendre le village avec la création d’une voirie, chacune des solutions choisie ayant bien sûr ses avantages, - financiers, sociaux, paysagers, - et ses inconvénients.
Quand les extensions urbaines sont inévitables, il faut donc prévoir de les faire "en harmonie avec le paysage et le village", et elles doivent tenir compte du socle géographique, de la géologie, de la végétation spontanée, mais aussi du socle humain et de l’identité et de la structure traditionnelle du village.
Guy Georges a enfin insisté sur la nécessité d’inscrire tout projet d’urbanisme dans un projet global, ce qui implique qu’il faut mettre en place une politique d’aménagement avec l’aide de professionnels, qu’ils soient publics ou privés.
Donatien Liesse, directeur du Parc naturel de la Haute-Sûre et de la Forêt d’Anlier, a présenté le Circuit des légendes, outil de promotion du territoire et de valorisation touristique qui est le fruit d’un projet transfrontalier mené avec le Parc naturel de la Haute-Sûre au Luxembourg et qui a bénéficié d’un soutien financier dans le cadre du programme de coopération transfrontalière INTERREG III.
Les deux partenaires du projet, qui ont des missions et des actions similaires, partagent un territoire homogène et sont partis du constat qu’ils avaient aussi en commun un grand nombre de légendes. Ils ont donc décidé de les valoriser pour un faire un produit d’appel touristique. 19 villages ou lieux dits auxquels étaient attachés une légende ont donc été identifiés et ponctuent un circuit transfrontalier de 200 kilomètres de long.
Dès sa conception, les acteurs du territoire ont été impliqués dans le projet, que ce soient les habitants, les communes, ou encore les opérateurs touristiques locaux publics et privés. Le choix des lieux et des légendes a été fait de façon à proposer "une carte d’identité du territoire la plus exhaustive et la plus large possible" : traditions locales, activités humaines traditionnelles, patrimoine architectural, naturel, mais aussi historique sont ainsi donnés à la découverte.
Donatien Liesse a présenté les différents outils de communication développés dans le cadre du projet : un guide exhaustif rédigé en plusieurs langues, la signalétique originale du circuit - qui est à chaque fois intégrée à une sculpture représentant le personnage principal de la légende du lieu -, un CD sur lequel sont racontées les 19 légendes ainsi qu’un dépliant.
Ce projet s’est déroulé sur une période de deux ans et demi entre 2003 et 2005 et il a permis la création de deux emplois à mi-temps. Aujourd’hui, la coopération entre les deux parcs continue avec la proposition de produits touristiques communs (packages pour le week-end, menus à thèmes) tandis que la Maison des Légendes d’Ardenne, inaugurée en mai 2008 à Bastogne, permet de promouvoir de façon permanente ce patrimoine immatériel commun.
Petra Kneesch, du Parc naturel de l’Our, a pour sa part présenté un projet financé lui aussi dans le cadre du programme de coopération transfrontalière Interreg III A et réalisé en partenariat avec le Parc naturel Süd-Eifel en Allemagne. Ces deux parcs naturels partagent un paysage marqué par la vallée de l’Our qui est à la fois un cadre de vie, un paysage culturel, un espace de développement économique, un espace de frontière et de transit mais aussi une zone écologique dans laquelle de nombreuses espèces rares trouvent refuge. Ils contribuent à la mise en œuvre de la directive cadre dans le domaine de l’eau tout en participant à la valorisation touristique de la région transfrontalière et ils jouent un rôle important en matière d’aménagement et de gestion de l’eau.
Le projet Nat’our, qui s’est déroulé de 2003 à 2007, avait donc pour objectifs la renaturation de l’Our, l’amélioration des conditions de vie de l’ensemble des espèces ainsi que la valorisation de cet immense potentiel écologique par le tourisme durable. Des mesures en matière de développement du cours d’eau ont donc été réalisées : des barrages de moulins ont été reconstruits ou bien enlevés, des canalisations ont été réaménagées, des résineux ont été coupés et les rivages ont été réaménagés. En termes de tourisme et d’éducation à l’environnement, un important travail de communication et de sensibilisation a été réalisé avec la réalisation d’un site internet, la production d’un film et la promotion et l’aménagement de chemins transfrontaliers préexistant sous la forme de "Nat’Our routes".
Petra Kneesch a surtout insisté sur l’approche à la fois pluridisciplinaire et coopérative choisie par les deux porteurs de projet. Elle a aussi évoqué les défis propres à la coopération transfrontalière. En effet celle-ci implique un surcroît de coût en raison de processus de décision plus complexes et de la nécessité de compenser les différences de structures et d’organisation. De plus elle exige une capacité de compromis, d’ouverture et de communication car il faut palier les différences entre les attentes, les niveaux de connaissances ou encore clarifier les compétences. Jusqu’à ce que la confiance règne. Mais la coopération transfrontalière offre aussi l’opportunité de mettre en place des mesures dans les parcs naturels qui, pour des raisons financières, seraient impossibles à réaliser à l’échelle nationale. Les projets sont qui plus est développés selon une approche intégrative. La créativité et l’innovation sont stimulées par l’échange de connaissances et de compétences et, enfin, des réseaux peuvent naître qui rendront possibles d’autres projets.