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Elections européennes - Economie, finances et monnaie - Emploi et politique sociale
Daniel Cohn-Bendit en visite au Luxembourg pour soutenir la campagne électorale de déi gréng pour les européennes
23-04-2009


Daniel Cohn-BenditLe 23 avril 2009, Daniel Cohn-Bendit, eurodéputé vert, co-président des Verts européens et ancien leader des mouvements de révolte de mai 1968 - surnommé Dany le rouge par la presse de l’époque -, était venu au Luxembourg pour soutenir la dernière phase de la campagne électorale de déi gréng pour les élections européennes du 7 juin 2009. Les Verts luxembourgeois envisagent en effet de récupérer le siège que le CSV va, selon eux, perdre lors des élections, pour ainsi devenir le parti luxembourgeois numéro deux au Parlement européen.

"Les Verts luxembourgeois sont champions d’Europe en matière de pourcentage des votes recueillis lors des dernières élections", a expliqué Daniel Cohn-Bendit devant une salle archicomble, "et ils comptent dans leurs rangs le député européen de l’année 2008, Claude Turmes".

"En matière sociale, l’Europe est encore loin du compte"

Se montrant très frappé par une rencontre avec les syndicats et les représentants des travailleurs de Villeroy&Boch, Daniel Cohn-Bendit a expliqué : "Tout le monde dit ‘on est en Europe’, mais tout à coup, on constate que l’Europe sociale n’existe pas". Ce qui a le plus marqué l’eurodéputé vert, c’est que 56,7 % des salariés de Villeroy&Boch sont des frontaliers français, qui cotisent pendant des années au Luxembourg mais par après, le Luxembourg paie leur indemnité de chômage que pendant trois mois et puis, c’est le système français qui doit les indemniser, mais avec des montants français, qui sont beaucoup plus bas. "C’est un vrai problème européen qui montre bien qu’en matière sociale, l’Europe est encore loin du compte", a-t-il souligné en ajoutant que le mot "frontalier" est une contradiction en soi parce qu’on se trouve en Europe et que nous sommes tous Européens.

Pour Daniel Cohn-Bendit, les propos de Franz Müntefering sont "d’une grossièreté incroyable"

Pour Daniel Cohn-Bendit, "ces exemples montrent que quelque chose ne fonctionne pas dans le rêve européen", et il faut essayer de comprendre pourquoi beaucoup de citoyens ont des difficultés à s’accrocher à l’Union européenne. En expliquant que le rapport des citoyens avec l’histoire a toujours été difficile, il a abordé les propos de Franz Müntefering, qu’il a qualifiés d’"une grossièreté incroyable face aux Luxembourgeois mais aussi face à l’idéal européen" et lui a recommandé "d’aller voir son psy pour évaluer la portée de ses propos". Et d’ajouter qu’"on a construit l’Europe pour ne plus envoyer les soldats".

Né en avril 1945, "enfant du débarquement et de la liberté", le co-président des Verts européens "aime l’Europe parce que, avec tous ses défauts, c’est quand-même quelque chose d’extraordinaire, de fantastique et d’inimaginable il y 60 ans". Cet espace européen "avait été l’espace le plus guerrier et avait produit les deux totalitarismes les plus effroyables que le monde ait connu - nazisme et le communisme - avant que l’Europe ne se soit construite sur les cendres de ces guerres, ce qui fut un véritable progrès de la civilisation".

Une Europe de paix et de démocratie grâce à la réalisation des rêves du Rhin et de l’Oder

Daniel Cohn-Bendit a abordé les deux grands rêves européens qui ont été réalisés depuis la Deuxième guerreDaniel Cohn-Bendit mondiale : le premier en est celui qui a fait que le Rhin n’est plus une frontière mais un fleuve conjoint. Le deuxième a fait que "la ligne de démarcation entre liberté et communisme qu’était l’Oder", n’est plus un fleuve de séparation et qu’"on peut passer d’Allemagne en Pologne comme on passe de Luxembourg à Esch-sur-Alzette". Pour Daniel Cohn-Bendit, la réalisation de ces deux rêves - de paix et de démocratie -, a permis aux citoyens de conquérir l’espace européen. Un troisième rêve "à conquérir ou à refuser" est, selon lui, celui du Bosphore, entre l’Europe et l’Asie, "cauchemar pour les uns, rêve pour les autres".

Le "New green deal" comme réponse à la crise

Mais dans ce moment incroyable de rêves, l’Europe a été frappée par la crise financière que Daniel Cohn-Bendit appelle le "11 septembre financier". Cette crise, accompagnée par la crise environnementale en enrobée de la crise de mondialisation peut créer, selon lui, également une crise de légitimation démocratique. En faisant référence aux conséquences de la crise de 1929, il estime qu’il faut dans les mois à venir une bonne proposition, sinon nos "démocraties risquent beaucoup".

Selon les Verts européens, on ne peut pas répondre à ces crises d’une manière séparée. "Mais le drame d’aujourd’hui, c’est que la majorité des gouvernements pensent le contraire et ont mis en œuvre des plans de relance nationaux, ce qui a fait émerger un certain ‘souverainisme économique’ en Europe", a-t-il expliqué. Selon Daniel Cohn-Bendit, ce "chacun pour soi" ne peut pas être la solution.

Il pense par ailleurs que les gouvernements, aussi sympas qu’ils soient, "et le Premier ministre luxembourgeois est sûrement un des plus sympas", ne sont pas à la hauteur du défi que représente la crise et des logiques destructrices qu’elle cache. "La logique du toujours plus et du toujours plus rapidement nous a mené contre le mur et la crise produit aujourd’hui de la souffrance énorme et de l’anxiété, mais elle représente aussi une chance", a-t-il ajouté, "parce qu’on peut parler de façon beaucoup plus calme de quelque chose d’absolument nécessaire, qui est la transformation écologique et sociale de nos modes de production".

Le "New green deal" des Verts propose de faire un emprunt européen de 1000 milliards d’Euros sur cinq ans, soit 200 milliards par an, garantis par la Banque centrale européenne (BCE) et par la Banque européenne d’investissement (BEI), qui permet de transformer l’économie. Dans ce contexte, Daniel Cohn-Bendit a expliqué "qu’on ne peut pas sauver toute l’automobile européenne" mais qu’il faudra, par contre, "la transformer, c’est-à-dire produire moins de voitures et des voitures totalement différentes qui sont éco-écologico compatibles". Parallèlement, à titre de réponse immédiate à la crise, 10 % de l’investissement doivent aller, selon les Verts européens, dans ce qu’ils appellent "un bouclier social" pour financer la formation des salariés et pour leur aider à trouver un autre travail.

logo Verts-ALE"Un changement doit également se faire dans la consommation d’énergie, qui constitue un des plus grands problèmes de la dégradation climatique", a souligné Daniel Cohn-Bendit. Pour lui, la transformation de l’habitat à l’aide d’un prêt à taux zéro pour réduire la consommation d’énergie, l’utilisation de voitures écologiquement soutenables à émission réduite de CO2 et l’introduction d’une taxe écologique sur la consommation d’énergie, sont quelques exemples de ce changement. Et d’ajouter que "l’idée de la transformation écologique et sociale du capitalisme est à l’ordre du jour, et après le rêve de la paix et de la démocratie, nous mettons au centre du débat européen l’égalité sociale et la responsabilité écologique".

"Stop Barroso" ou encore "Poul Nyrup Rasmussen for president"

Daniel Cohn-Bendit a ensuite tenu à souligner que les Verts européens se sont positionnés contre la réinvestiture de José Manuel Barroso comme président de la Commission européenne, parce qu’il "est en partie responsable des erreurs de dérégulation et de lutte trop tard contre la dégradation climatique (…). Par ailleurs, il est l’instigateur du rassemblement en Europe de ceux qui ont soutenu l’intervention en Irak et il a ainsi soutenu les politiques contre les droits de l’homme".

Les Verts européens mènent la campagne "Stop Barroso" pour essayer de mobiliser une majorité au Parlement européen contre la réinvestiture de José Manuel Barroso, ce qui permettrait à une autre personnalité d’émerger. "A ceux qui rêvent pour dire que ce sera Daniel Cohn-Bendit, je dis qu’il n’est pas interdit de rêver", a-t-il blagué en expliquant qu’il a autant de chances d’être président de la Commission européenne que président français, soit aucune, parce qu’il n’est pas Français. Il pense cependant que Poul Nyrup Rasmussen, chef de délégation du Parti socialiste européen (PSE) et ancien Premier ministre du Danemark, serait un "bon président de la Commission européenne".

"Une constitution européenne est indispensable"

La troisième dimension de la stratégie du "New green deal" est de reprendre le débat sur la constitution européenne, même si le traité de Lisbonne entre en vigueur. Selon Daniel Cohn-Bendit, on ne peut pas "répondre de manière intelligente à la demande d’intégration de la Turquie ou de l’Ukraine à l’Union européenne, si on n’a pas réglé le problème de la constitution européenne". Pour lui, une constitution européenne stipulant pourquoi on veut vivre ensemble, quelles sont les valeurs fondamentales et comment doit fonctionner l’Europe et ses institutions pour qu’il y ait un socle démocratique, est indispensable.

La solution de la problématique que proposent les Verts serait un référendum européen avec double majorité, dans lequel une majorité des citoyens par Etat membre et une majorité d’au moins 60 % des Etats membres devraient se prononcer sur la constitution européenne. Les pays qui ont voté "non" doivent ensuite se prononcer s’ils veulent rester dans l’Union européenne avec la constitution ou s’ils veulent sortir. "Cela donne aux Anglais la possibilité de réfléchir une fois pour toutes à leur problème fondamental : est-ce qu’ils veulent être le 51e pays des Etats-Unis ou le 27e de l’Union européenne", a-t-il déclaré devant un public bien amusé.

"Il faut laisser la porte ouverte à la Turquie"

Quant à l’adhésion de la Turquie à l’Union européenne, Daniel Cohn-Bendit a tenu à souligner que "les futures générations ne pourront décider que si la Turquie continue sa transformation" et que "si le fonctionnement des institutions européennes est réglé de telle manière qu’on puisse intégrer 85 millions de Turcs. Les limites de l’Europe sont donc aussi les limites du fonctionnement de ses institutions." D’un autre côté, pour éviter le piège de la guerre des civilisations, il pense qu’il faut démontrer aux musulmans que la lutte contre le nouveau totalitarisme très dangereux de l’intégrisme musulman n’est pas une lutte contre les musulmans. Et d’ajouter qu’il ne faut pas dire "non" à la Turquie parce que cela pourra être interprété comme un "non" à un pays musulman. Selon lui, nous avons besoin d’une politique d’intégration et d’un islam européen. A la question si la Turquie va un jour faire partie de l’Union européenne, Daniel Cohn-Bendit a cependant répondu qu’il "n’en sait rien", mais qu’il savait "qu’il faut laisser la porte ouverte, continuer à négocier et à aider la Turquie à se réformer et à se transformer".