Alors que le Bundestag devait consacrer le 26 août 2009 une session spéciale au projet de loi d’accompagnement du traité de Lisbonne qui doit être voté le 8 septembre prochain, le journal Die Welt publiait à la même date un entretien que Jean-Claude Juncker a accordé à la journaliste allemande Stefanie Bolzen. Le Premier ministre luxembourgeois s’y dit "très rassuré" quant à la tournure que prend la loi d’accompagnement. Un calme qui vient après des semaines de négociations houleuses en Allemagne qui n’avaient pas manqué de susciter l’inquiétude de Jean-Claude Juncker.
Le projet de loi d’accompagnement, qui fait suite à l'arrêt de la Cour constitutionnelle de Karlsruhe du 30 juin 2009 au sujet de la ratification du traité de Lisbonne, a fait l’objet de nombreuses discussions au cours de l’été en Allemagne. Jean-Claude Juncker avait fait part de son inquiétude aux journalistes Wolfgang Bergsdorf et Michael Rutz dans un entretien publié dans le Rheinischer Merkur daté du 13 août 2009.
Le Premier ministre luxembourgeois réagissait alors notamment au programme en 14 points que la CSU avait présenté en juillet dans le cadre des négociations au sujet de cette future loi d’accompagnement. Et il faisait preuve d’un certain pessimisme en déclarant qu’à la lecture de ce document, "on pourrait craindre que l’UE ne tombe dans un état de sclérose institutionnelle".
La crainte du Premier ministre luxembourgeois aurait été en effet que le gouvernement allemand ne soit plus en mesure de prendre des décisions lors des négociations qui se déroulent à la table du Conseil européen. "Un gouvernement qui doit déclarer sans arrêt que ceci et cela doit encore être discuté avec le parlement [serait] en Europe un canard boiteux et se [conduirait] avec un immobilisme inacceptable" déclarait en effet Jean-Claude Juncker. Comme il l’expliquait, "le Conseil européen est une conférence diplomatique d’envergure internationale" au sein de laquelle "qui n’a pas de compétence décisionnelle voit son influence affaiblie".
Par conséquent, Jean-Claude Juncker avait alors jugé le vote irlandais au référendum du 2 octobre 2009 comme "moins problématique que l’issue du débat intérieur allemand".
Entre temps, les partis politiques allemands sont arrivés à un accord le 18 août 2009. Il en ressort que l'obligation pour le gouvernement allemand de consulter son parlement lors de l'élaboration de la législation européenne, ainsi que celle de recourir à un référendum avant d'accepter de nouveaux membres dans l'UE, qui étaient avancées par la CSU, ont en fin de compte été rejetées.
Aussi, le ton du Premier ministre Jean-Claude Juncker est-il dans son entretien au Welt du 26 août 2009 autrement moins inquiet et le journal titre d’ailleurs que "l’Allemagne n’est plus le canard boiteux de l’Europe".
Le Premier ministre luxembourgeois se dit désormais "très rassuré", "les fractions du Bundestag ayant réussi à contourner l’écueil qui aurait été de mettre des chaînes au gouvernement allemand à Bruxelles". Ainsi, selon Jean-Claude Juncker, "Berlin n’est pas limité dans sa liberté de mouvements, ce qui fait aussi qu’il ne résulte de la loi d’accompagnement aucun risque pour la poursuite de l’intégration européenne".
Et si le Bundestag devait se prononcer en faveur de la loi d’accompagnement telle qu’elle se profilait à l’heure où il donnait son entretien, Jean-Claude Juncker considère que cela "aurait sans aucun doute un effet positif sur les Irlandais" et que cela "faciliterait le vote".
En ce qui concerne les parlements nationaux, Jean-Claude Juncker explique dans cet entretien qu’ils vont devoir plus s’occuper des affaires européennes avec l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne. Ainsi il rappelle qu’au Luxembourg, un accord a été passé avec la Chambre des Députés selon lequel le parlement doit voter dans tous les cas après (mais en aucun cas avant) une décision prise dans le cadre de l’application de la clause passerelle. Cette dernière permet notamment au Conseil européen de prendre à la majorité qualifiée des décisions dans des domaines où l’unanimité est en principe d’usage.
Quand la journaliste du Welt demande au Premier ministre si la décision des juges de Karlsruhe "a irrité au niveau des gouvernements européens", Jean-Claude Juncker rappelle dans un premier temps le respect accordé en Europe à la cour constitutionnelle allemande. Pourtant il concède que "certains passages de l’arrêt sont préoccupants", et notamment le passage dans lequel il est reproché au Parlement européen un "manque de légitimité démocratique".
Enfin, interrogé sur le rôle de la Cour de Justice des Communautés européennes (CJCE) en tant que dernière instance dans le domaine des litiges concernant les compétences, qui est "remis en question" par l’arrêt des juges de Karlsruhe, Jean-Claude Juncker fait part là encore de sa préoccupation à l’idée que "l’autorité de la CJCE soit sapée et que l’on donne à une juridiction nationale un rôle supérieur". Ce qui pourrait conduire selon lui à "une situation difficile" et il espère donc que "le tribunal de Karlsruhe n'entrera pas de façon exagérée en concurrence avec la CJCE".