Le 20 octobre 2009, les ministres des finances de l’UE se sont rencontrés à l’occasion d’un Conseil Ecofin qui avait notamment pour objectif de préparer les conclusions du Conseil européen des 29 et 30 octobre 2009. Luc Frieden, ministre des Finances du Grand-Duché, a présenté à la presse, à l’issue de ce conseil des ministres, les principales discussions, qu’il a jugées à la fois "importantes et intéressantes pour l’Europe".
Sur la stratégie de sortie des déficits budgétaires dans la perspective d’une reprise, sujet qui a mobilisé tant les ministres de la zone Euro lors de la réunion de l’Eurogroupe qui s’était tenue la veille, que ceux de l’UE, Luc Frieden s’est réjoui des "très bonnes discussions" qui avaient eu lieu. Luc Frieden plaide pour une coordination européenne en vue de sortir de déficits budgétaires qui, à long terme, seraient "très mauvais pour la compétitivité de nos économies". Il estime que 2011 sera le bon moment pour commencer à réduire les déficits, car à ce moment-là, la reprise devrait se faire sentir. Des prévisions qui seront bien entendu à confirmer à la fin de l’année lorsque la Commission européenne présentera ses perspectives de croissance économiques pour 2010-2011. L’essentiel, pour le ministre luxembourgeois, est de sortir du déficit, et il table sur une réduction annuelle de la part du déficit dans le PIB de 0,5 à 1 %.
Pour ce qui est de la supervision des places financières, Luc Frieden a fait part du soutien accordé par le Luxembourg à l’ensemble des compromis présentés par la présidence suédoise sur la base de la proposition de la Commission européenne, qui va selon lui "dans la bonne direction". Le Luxembourg, en tant que place financière internationale, a en effet intérêt à ce que la supervision financière soit coordonnée au niveau européen. Cela explique son "soutien plein et entier" au sujet de la supervision macro-prudentielle, à savoir le Comité pour les risques systémiques. Sur le plan de la supervision micro-prudentielle, où il y a une combinaison entre autorités nationales et européennes, le ministre estime que les choses vont "dans la bonne direction". Les discussions vont désormais se poursuivre avec le Parlement européen.
La question du financement de la lutte contre le changement climatique a fait l’objet de discussions qui vont se poursuivre encore au sujet de la clé de répartition interne des contributions de la part de l’UE. Luc Frieden s’est cependant réjoui de l’accord trouvé quant à la nécessité de l’effort de l’UE. A ses yeux, bien qu’il eût préféré que des chiffres se trouvent déjà dans les conclusions de ce Conseil, l’essentiel est que l’Union européenne donne une réponse forte et fasse preuve de son rôle de leader dans la lutte contre le changement climatique.
Luc Frieden a ensuite expliqué pourquoi le Luxembourg, ainsi que l’Autriche, n’ont pas donné leur accord d’une part à un accord entre l’UE et le Liechtenstein visant à lutter contre la fraude fiscale et d’autre part au projet de donner mandat à la Commission européenne pour négocier des accords de lutte contre la fraude fiscale avec Andorre, Monaco et Saint-Marin, ainsi qu'un nouvel accord de lutte contre la fraude avec la Suisse.
Ces deux décisions relèvent du domaine de la fiscalité requéraient l’unanimité, ce qui donne à la position défendue par l’Autriche et le Luxembourg le poids d’un veto qui était largement prévisible.
Luc Frieden a tout d’abord tenu à rappeler que le Luxembourg partageait "pleinement les objectifs tant de l’UE que du G20 visant à lutter efficacement contre la fraude fiscale", tout en soulignant que ce sont les moyens mis en œuvre pour cette lutte qui doivent être discutés. Et il a par ailleurs rappelé avec vigueur l’ouverture du Grand-Duché à des discussions constructives quant à la renégociation de la directive sur la fiscalité de l’épargne.
Le premier argument présenté par Luc Frieden pour expliquer la position cet accord se base les décisions prises par le G20 et le Conseil européen qui, début 2009, ont invité à appliquer l’échange d’informations sur demande en se basant sur les règles fixées par la Convention de l’OCDE. Une décision à laquelle le Luxembourg s’était empressé de se conformer en s’engageant dans un processus rapide qui a abouti à la signature de 19 des accords de non double imposition requis, dont 13 avec des Etats membres de l’OCDE.
Un projet de loi visant à les ratifier est désormais déposé comme l’a rappelé le ministre. L’échange d’informations sur demande est aussi la règle en vigueur selon la directive sur la fiscalité de l’épargne négociée à Feira en 2000 et entrée en vigueur en 2005. Or, la négociation d’accords multilatéraux entre l’UE et les pays tiers concernés impliquerait pour l’Autriche, la Belgique et le Luxembourg, qui appliquent la retenue à la source, la fin du régime transitoire prévu par cette directive et le passage, "par la petite porte", à l’échange d’informations automatique. Ce qui nuirait selon Luc Frieden à la cohérence des décisions prises par le G20 et l’UE il y a seulement quelques mois.
Luc Frieden a ensuite insisté sur la nécessité de toujours veiller, et ce y compris dans le cadre de la lutte contre la fraude fiscale, au bon fonctionnement du marché intérieur et au respect de la liberté de mouvement des capitaux. Ainsi, il a une fois de plus souligné la nécessité de lutter contre la fraude fiscale et de réformer la directive sur la fiscalité de l’épargne.
Cette dernière est justement en cours de négociation et, pour Luc Frieden, il est donc nécessaire d’attendre la fin de ces négociations et donc d’en savoir plus sur le contenu de la future directive modifiée en termes de champ d’application, de taux applicable ou encore d’effets sur les pays tiers avant de pourvoir prendre une position sur des textes comme ceux proposés lors de ce Conseil. Ainsi par exemple, il conviendrait que le contenu de la future directive soit déterminé avant de pouvoir mandater la Commission européenne pour négocier avec des pays tiers.
Luc Frieden s’est donc opposé à ce qu’il qualifie de tactique de "saucissonnage" d’un paquet législatif qu’il convient selon lui d’appréhender dans sa globalité. Et sur ce point, Luc Frieden a redit encore une fois à quel point le Luxembourg était ouvert à une discussion constructive.
Enfin, Luc Frieden a expliqué qu’il faut se poser la question au niveau européen de savoir s’il serait "utile et positif" pour les places financières de l’UE d’appliquer hors de l’UE l’échange d’informations sur demande et au sein de l’UE l’échange d’informations automatique. Selon Luc Frieden, il faut veiller à ce que les règlementations mises en œuvre dans le cadre de la lutte anti-fraude ne se fassent pas au détriment des places financières de l’UE, ce qui était d’ailleurs le principe de Feira, selon lequel les mêmes règles doivent être appliquées dans l’ensemble des places financières.