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Traités et Affaires institutionnelles
Traité de Lisbonne : Ratification polonaise et nouvelles incertitudes tchèques
10-10-2009


Le président polonais Lech Kaczynski a apposé, le samedi 10 octobre 2009, son paraphe sur l’acte de ratification du traité de Lisbonne dans son pays. Le président eurosceptique avait lié ce geste qui constituait l’ultime étape de la ratification du traité en Pologne aux résultats du référendum irlandais du 2 octobre 2009. Après un "oui" nettement majoritaire en Irlande et quelques tergiversations qui auront duré en fin de compte une petite semaine quant à la date de la signature, Lech Kaczynski s’en est tenu à sa promesse en présence du Premier ministre suédois, Fredrik Reinfeldt, qui exerce en ce moment la présidence de l’UE, de José Manuel Barroso, président de la Commission européenne, et de son compatriote Jerzy Buzek, président du Parlement européen.

La Pologne est le 26e Etat membre de l’UE à ratifier le traité de Lisbonne

Lech Kaczyński, Fredrik Reinfeldt, José Manuel Barroso et Jerzy Buzek (c) Minna Frydén Bonnier / Gouvernement suédois"Ce jour est enfin arrivé. C’est un jour important pour la Pologne, et un jour important pour les 27 pays de l’UE. Pendant des mois j’ai maintenu que je signerais le Traité de Lisbonne dès que le peuple irlandais aura dit oui lors d'un référendum. Il l’a maintenant fait et dans quelques minutes je vais signer la ratification polonaise", a ainsi déclaré le président polonais avant de parapher l’acte de ratification.

"En 1957, l’UE était composée de 6 pays membres, nous sommes maintenant 27, et je suis profondément convaincu que ce n’est pas la fin. La Croatie va probablement se joindre rapidement à la coopération européenne, et plusieurs pays suivront très certainement après. L’UE ne peut être fermée aux pays qui souhaitent en faire partie. Je pense aux pays des Balkans, à l’Ukraine et à la Géorgie, et à bien d'autres pays dans l'avenir. L’UE ne peut dire non à ces pays. Et nous avons vu que l’UE continuer de fonctionner malgré le grand élargissement à l’est il y a de cela cinq ans. Je suis convaincu que l’Union fonctionnera encore mieux après le Traité de Lisbonne", a expliqué Lech Kaczynski.

Soulignant l’importance de l’unanimité pour les "questions importantes", Lech Kaczynski a rappelé aussi son succès de 2007 quand lui et son frère jumeau Jaroslaw, alors Premier ministre polonais, avaient fait en sorte que la Charte des Droits fondamentaux n’ait pas de valeur contraignante en Pologne. Ce qui fait selon lui que "la Pologne reste ainsi pleinement souveraine".

Le geste du président polonais, qui ne s’est d’ailleurs pas laissé empêcher par une panne d’encre de dernière minute, a été salué par Fredrik Reinfeldt comme "nous rapprochant un peu plus du nouveau Traité".

Le président tchèque Vaclav Klaus, qui doit encore parapher l’acte de ratification du traité, demande une dérogation au sujet de la Charte des Droits fondamentaux

La Pologne est en effet le 26e Etat membre de l’UE à ratifier ce traité qui ne pourra entrer en vigueur que lorsque les 27 l’auront ratifié. La dernière étape du processus conduisant à cette entrée en vigueur que la Présidence suédoise espère voir d’ici la fin de l’année 2009 dépend désormais du président tchèque Vaclav Klaus.

Alors que la Cour constitutionnelle tchèque doit encore examiner une plainte déposée par un groupe de députés libéraux, le président Klaus a demandé le 9 octobre 2009  une dérogation pour son pays concernant la Charte des Droits fondamentaux, afin d’empêcher toute restitution des biens des Allemands des Sudètes confisqués après la guerre.

Pour le président tchèque, avec cette dérogation "une garantie nous sera ainsi donnée que le Traité de Lisbonne ne pourra pas conduire à l'abolition des décrets Benes". Les décrets signés en 1945-46 par le président tchécoslovaque d'alors, Edvard Benes, ont servi de base juridique à la confiscation des biens et l'expulsion de Tchécoslovaquie, après la Seconde Guerre mondiale, de trois millions d'Allemands des Sudètes, sous l'accusation collective de collaboration avec le régime nazi.

Selon Vaclav Klaus, le fait que la Cour de justice des communautés européennes (CJCE) peut examiner la conformité des lois et des règlements des pays membres de l'UE avec la Charte des Droits fondamentaux, permettrait de "contourner la justice tchèque". Les personnes expropriées au titre des décrets Benes pourraient ainsi adresser leurs revendications "directement auprès de la CJCE a-t-il affirmé.  "La Charte permet même le réexamen des décisions déjà rendues par la justice tchèque et entrées en vigueur", a insisté le président tchèque.

Ce fervent opposant au traité a estimé qu’il serait possible d'adopter "rapidement" cette dérogation, par l'emploi d'un "procédé peu habituel". Pourtant, comme le lui a expliqué le président du Parlement européen Jerzy Buzek, "le soutien et l'accord de tous les 26 autres Etats membres de l'UE seraient nécessaires pour l'adoption de ces conditions", ce qui n’empêche pas ce dernier de se déclarer "optimiste" quant à la suite du processus de ratification.

Les membres de l’actuel gouvernement tchèque ne semblent pas avoir été consultés au préalable au sujet de cette requête, ceci à leur grand regret. De plus, elle ne semble pas fondée aux yeux du Premier ministre Jan Fischer. Des experts en droit cités par l’agence de presse tchèque CTK abondent dans ce sens expliquant qu’en tant que traité de droit international, le traité de Lisbonne ne pourrait avoir d’effet rétroactif. L’eurodéputé allemand Bernd Posselt estime pour sa part que Vaclav Klaus sait pertinemment que la Charte des Droits fondamentaux n’a aucun effet juridique sur les questions de propriété. La question doit encore être discutée le lundi 12 octobre 2009 par le cabinet du Premier ministre Fischer.