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Agriculture, Viticulture et Développement rural
Sous le signe de la crise, le Service d’Economie Rurale a dressé le bilan de 2008 pour le secteur agricole
03-12-2009


Service d'Economie RuraleLe 3 décembre 2009, le Service d’Economie Rurale (SER) avait invité les agriculteurs luxembourgeois à son 9e "Buchstellentag", pour dresser le bilan de 2008 et faire des pronostics des résultats pour 2009 dans le secteur agricole. En présence du ministre de l’Agriculture, Romain Schneider, la réunion s’est déroulée sous le signe de la crise financière et économique, mais aussi de celle du secteur agricole, et notamment du marché du lait. Principales conclusions de la réunion : les agriculteurs doivent veiller à la maîtrise de leurs coûts, investir d’une façon mesurée et réfléchie dans des projets durables, miser sur la formation continue, augmenter la rentabilité de leurs exploitations, et optimiser leur production.

Maitriser les coûts

Frank Schmit, le directeur du SER a abordé la chute des prix des produits agricoles en 2008 et les difficultés pour les agriculteurs liés à la mauvaise situation sur les marchés, notamment sur le marché du lait. Pour lui, la politique agricole a beaucoup changé pendant les quinze dernières années, de sorte qu’elle implique de nouvelles chances mais aussi de grands risques pour les agriculteurs. Les aides directes stabilisent les revenus mais, outre le développement récent des prix, les coûts fixes constituent un grave problème au Luxembourg. Ainsi, entre 2007 et 2009, le chiffre d’affaires dans la production du lait a chuté de 11 000 € par exploitation, tandis que les coûts fixes ont augmenté de 10 000 € pendant la même période.

Pour Frank Schmit, ce développement s’explique par la situation tendue sur le marché, mais aussi par "des décisions politiques sur lesquelles il est impossible de revenir". Pour lui, c’est le secteur public qui doit créer un cadre dans lequel les agriculteurs-entrepreneurs peuvent travailler, en leur offrant un réseau de sécurité et en soutenant leurs investissements. "Il revient d’ailleurs aussi au secteur public, mais également à l’Union européenne de contrer les fluctuations des prix, parce que les exploitations qui ont des coûts fixes importants, ont des difficultés à survivre face aux fluctuations des prix", a-t-il souligné.

Dans ce cadre, Frank Schmit a salué la création du groupe d’experts de haut niveau qui a été mis en place par la Commission européenne et qui devra prévoir des mesures pour le secteur du lait, et notamment analyser l’évolution des prix. Cependant, il a souligné qu’il revient aussi aux agriculteurs de s’intéresser au marché et d’anticiper les évènements.

2008 n’aurait pas été une mauvaise année s’il n’y avait pas eu le problème des prix

Gérard Conter du SER, qui a présenté les chiffres et les pronostics, a souligné que "2008 n’aurait pas été en soi une mauvaise année - les conditions météorologiques étaient bonnes et il y a eu des récoltes record - s’il n’y avait pas eu le problème des prix". Pour lui, les prix des produits agricoles, mais aussi de l’énergie étaient très élevés pendant la première moitié de 2008 à cause de la pénurie mondiale en produits alimentaires. La deuxième moitié de 2008 était marquée par la crise, d’une part la chute des prix de l’énergie et d’autre par celle des produits agricoles. "2007 et 2008 étaient des années extrêmes pour la production de lait – un litre de lait coûtait alors 42 cent contre 30 cent en 2009 – et il ne faut pas penser que cela reviendra bientôt", a-t-il souligné.

Partant du constat que le secteur agricole a fait un bénéfice de 31% en 2007 et une perte de 18 % en 2008, Gérard Conter a expliqué que le chiffre d’affaires pour 2009 diminuera également, et cela notamment à cause des prix bas du lait et des céréales. "Le nombre des exploitations agricoles au Luxembourg diminue constamment, tandis que leur taille ne cesse de s’agrandir", a-t-il souligné en ajoutant que le revenu dans le secteur agricole est en-dessous du revenu de référence, ce qui s’explique en partie par la hausse des investissements suite à l’abandon du plafond d’investissement prévu par la nouvelle loi agraire.

Investir d’une façon mesurée et réfléchie

Pour illustrer l’envergure des investissements très importants faits par les agriculteurs, Joseph Thill du SER a déclaré qu’en France, plus de 40 000 tracteurs ont été achetés en 2008 pour une valeur de plus de 4 milliards d’euros. Par ailleurs, sur 1000 heures de travail, ils ont seulement été utilisés à pleine puissance pendant 130 heures. Joseph Thill a donc tenu à faire passer le message aux agriculteurs qu’il est important d’agrandir les exploitations agricoles, mais aussi de le faire d’une façon mesurée et réfléchie. "Il ne faut pas trop investir, parce qu’une augmentation des coûts ne signifie pas automatiquement un meilleur résultat. La croissance doit aussi se faire en termes de qualité et il faut veiller à améliorer la rentabilité avant de construire de grandes étables", a-t-il expliqué.

Réaction rapide du gouvernement luxembourgeois face à la crise

Romain SchneiderRomain Schneider, ministre de l’Agriculture, a abordé la situation "sérieuse" du secteur agricole en 2009, en rappelant que le gouvernement luxembourgeois s’était montré tout à fait compréhensif à l’égard des mouvements de protestation des producteurs de lait. Soulignant que la suppression des quotas laitiers prévue pour 2015 ne peut être remise en question, il a déclaré que la mise en place du groupe d’experts de haut niveau est une bonne mesure pour réunir tous les acteurs autour d’une table afin de décider de prix justes et équitables des produits agricoles dans l’Union européenne. Pour lui, les agriculteurs ne pourront supporter à l’avenir des fluctuations des prix comme en 2009, et pour cette raison "il faut arriver à des prix sérieux".

Selon le ministre, le gouvernement luxembourgeois a d’ailleurs réagi très vite – "c’était le premier gouvernement en Europe à venir en aide aux agriculteurs" - aux problèmes de liquidité et à la situation difficile sur le marché. Prise en charge des cotisations de Sécurité sociale, prise en charge des frais occasionnés lors du contrôle du lait, augmentation du taux de remboursement de la TVA pour les agriculteurs, renforcement de la campagne « Sou schmaacht Lëtzebuerg", pourparlers avec les banques et l’Administration des contributions directes, telles étaient les mesures d’aide prises au niveau national portant sur un montant de 2,6 millions d’euros, a expliqué le ministre.

Concernant les mesures prises au niveau européen, à savoir l’avancement du paiement de la prime unique, de la prime pour l'entretien du paysage et de l'espace naturel, ainsi que de l’indemnité compensatoire, le ministre a estimé qu’elles ont beaucoup aidé les exploitations et qu’elles améliorent légèrement les chiffres de 2009, même si le résultat reste négatif. Enfin, Romain Schneider a souligné que les agriculteurs doivent prendre au sérieux les messages qui concernent la formation continue, la diminution des coûts, l’augmentation de la rentabilité, l’optimisation de la production, l’investissement dans des projets durables et réfléchis. Et de conclure que "nous avons besoin des agriculteurs pour l’entretien du paysage et pour la production de produits de qualité".

Johann Schmalhofer, agriculteur, analyste des finances et spécialiste de la bourse, a clos la réunion par un exposé sur le lien entre les marchés des matières premières et l’influence des spéculations sur les prix des produits agricoles.