Le 5 octobre 2009, les ministres de l’Agriculture de l’UE se sont réunis à l’occasion d’un déjeuner informel afin de faire le point sur la situation du marché du lait. Une réunion qui fait suite au Conseil Agriculture du 7 septembre 2009 et qui devait permettre de préparer le prochain Conseil qui aura lieu les 19 et 20 octobre à Luxembourg. C’est en effet à cette date-là que la Commission européenne présentera une nouvelle analyse de marché et de nouvelles propositions.
Lors de cette réunion informelle, qui avait pour objectif de procéder à un échange de vues, les ministres européens de l'Agriculture se sont accordés à lancer une réflexion à long terme sur la crise du secteur laitier, sans mesure d'aide immédiate.
En même temps, les ministres de l'Agriculture de vingt pays européens, dont le Luxembourg, ont de nouveau réclamé la mise en place d'une "nouvelle régulation" du marché du lait. Réunis à l'initiative de la France et de l’Allemagne, et représentant une majorité qualifiée de pays de l’UE, ils souhaitent que les relations entre producteurs et industriels soient plus équilibrées.
Selon Romain Schneider, ministre luxembourgeois de l’Agriculture, les revendications des vingt Etats portent entre autres sur un renforcement de la position des producteurs primaires afin qu’ils aient de meilleures conditions contractuelles par rapport aux laiteries. En parallèle, ils demandent qu’une sorte de monitoring soit mise en place en vue de créer davantage de transparence et une meilleure analyse de l’évolution des prix.
En réponse à une des questions soulevées dans le document soutenu par les vingt Etats membres, Mariann Fischer Boel, membre de la Commission européenne en charge de l’Agriculture, a notamment annoncé qu’un groupe d’experts de haut niveau commencerait à travailler dès le 13 octobre 2009 afin de prévoir des mesures à moyen et long terme pour le secteur du lait.
La mission de ce groupe d’experts, qui sera présidé par le Directeur général pour l’Agriculture et le Développement rural de la Commission européenne, Jean-Luc Demarty, et qui sera constitué de représentants des Etats membres, sera d’étudier quelles mesures pourraient être mises en place pour contribuer à stabiliser le marché et les revenus des producteurs de lait, pour réduire la volatilité des prix et renforcer la transparence du marché.
Mariann Fischer Boel a aussi présenté le dernier paquet de propositions que la Commission est en train de préparer pour soutenir le marché du lait, et qu’elle avait présenté devant le Parlement européen le 17 septembre 2009. Elle a ainsi annoncé que la Commission européenne autoriserait dans les prochains jours les Etats membres à verser des aides nationales aux agriculteurs pouvant atteindre 15 000 euros, une telle autorisation ne signifiant en rien qu’une telle somme sera versée aux producteurs dans des pays qui sont soit en état de crise budgétaire soit structurellement pas en mesure d’assumer de telles charges.
La commissaire européenne a par ailleurs fait un point sur la situation du marché du lait qui montre que les prix des produits laitiers sont en train de se rétablir.
Mariann Fischer Boel a enfin souligné que pour dégager des fonds nouveaux, "il faudrait soit demander aux Etats membres de l'UE de payer plus", soit réduire les subventions versées à tous les agriculteurs pour aider spécifiquement le secteur laitier. Mais la commissaire en charge de l’Agriculture ne voit pas comment une de ces deux options pourrait fonctionner.
Environ 2 400 agriculteurs ont manifesté leur colère tout au long de la journée devant le bâtiment où étaient réunis les ministres, en plein quartier européen de Bruxelles. La Fédération des organisations agricoles européennes, Copa-Cogeca, représentant notamment les intérêts des grandes exploitations, s'est dite déçue que la Commission européenne ait "échoué" dans la prise de mesures pour régler la crise.
Pour les producteurs de lait du LDB, les mesures décidées ne sont pas satisfaisantes dans la mesure où elles "ne vont pas assez loin". Selon Fredy de Martines, les producteurs de lait européens vont continuer à faire pression par des entrevues politiques et par des actions jusqu’au prochain Conseil Agriculture. A ce moment-là, les producteurs de lait envisagent une manifestation de grande ampleur "comme le Luxembourg n’en a jamais vue" et ils revendiquent que des décisions y soient prises. Et d’ajouter que "le soutien des vingt Etats-membres de l’UE est déjà très positif", c’est déjà un pas dans la bonne direction, mais il reste encore à voir beaucoup de choses.
A l’issue de la réunion des ministres de l’Agriculture, Romain Schneider a déclaré sur les ondes de RTL Radio Lëtzebuerg que le Luxembourg a fait un premier pas au niveau national pour apporter des fonds à ses producteurs de lait. Pour le ministre, les déclarations de Mariann Fischer Boel ont d’ailleurs été un peu précipitées et ont été faites un peu trop facilement. Il pense que la pression exercée par les vingt pays en faveur d’un soutien des agriculteurs, est si forte que la Commission va présenter ses propositions au Conseil Agriculture les 19 et 20 octobre 2009 à Luxembourg.
Parallèlement aux mesures européennes, le gouvernement luxembourgeois a décidé, dans le cadre de l’élaboration du projet de budget pour l’année 2010, de mettre en œuvre un catalogue de mesures pour faire face à la crise du lait. Elles seront appliquées, dans la mesure du possible, encore en 2009, et s’ajoutent à celles proposées par la Commission européenne et celles que le Luxembourg a déjà décidé de mettre en œuvre.
Les mesures prises ont été définies en tenant compte de la situation économique des entreprises en 2009 pour faire face aux problèmes à court et moyen terme. Le gouvernement continuera à suivre de près l’évolution future sur les marchés agricoles et proposera, le cas échéant, des mesures supplémentaires en 2010 pour les secteurs agricoles en difficulté.
Les mesures nationales retenues actuellement sont :
L’impact de ces mesures, dont une partie est applicable à tout le secteur agricole, est estimé à plus de 2,5 millions d’euros.
Les mesures communautaires mises en œuvre sont :
Par ailleurs, des pourparlers avec les banques de la place financière ont eu lieu pour accorder, en cas de besoin, un délai de paiement aux producteurs pour le remboursement des prêts contractés.
Finalement, l’Administration des contributions directes a été avisée pour accorder un délai de paiement, également en cas de besoin aux producteurs pour le versement des impôts dus et des avances d’impôt.
L’eurodéputé vert Claude Turmes, s’est exprimé à son tour sur les ondes de RTL Radio Lëtzebuerg au sujet de la crise du lait. Pour lui, il est évident que la crise actuelle du secteur du lait est "le fiasco de 35 années de production de masse à bon marché", dans laquelle la qualité des produits alimentaires n’était pas mise au premier plan mais seulement la quantité, "ce avec quoi nous n’avons pas aidé le citoyen mais nous avons ruiné le secteur agricole". Pour Claude Turmes "tous ces rafistolages, - ici une prime, là un dépôt de beurre -, ne servent à rien. La seule chose dont nous avons besoin, c’est un nouveau pacte entre les consommateurs et l’agriculture en Europe dans lequel la qualité prime". Et d’ajouter : "A qualité juste, prix juste ! C’est ainsi que les agriculteurs pourront vivre de leur travail."