Après l’épandage de 50 000 litres de lait le 15 septembre 2009 dans un champ près d’Erpeldange, les producteurs de lait affiliés au LDB ont récidivé le vendredi 18 septembre. Cette-fois-ci, ce devaient être 150 000 litres, et ils avaient jeté leur dévolu sur un champ situé en bordure de ville à Kockelscheuer. En fin de matinée, une bonne trentaine de tracteurs se sont regroupés sur l’aire du "Verband" à Gasperich, vers laquelle ils étaient guidés par la police qui les encadrait pour éviter toute forme de chaos dans le trafic.
Les tracteurs étaient ornés de calicots ou de panneaux sur lesquels l’ont pouvait lire : "Il y a du café fair-trade, il y a des bananes fair-trade. Qu’en est-il du lait fair-trade ?", "Juncker, les fermes brûlent, et toi, tu dors", "Qui va traire nos vaches quand nous aurons fait faillite ?", "L’UE s’entête, les paysans se soulèvent", "L’UE nous casse". Des mots durs qui reflètent la situation désastreuse de nombreux producteurs de lait. Pourtant l’atmosphère dans le cortège de tracteurs était plutôt bon enfant, avec les klaxons beuglant comme les vaches, les pétards émaillant le trajet de Gasperich vers Kockelscheuer, sans oublier l’indécrottable statue en résine de la vache tricolore qui est devenue une sorte de mascotte du LDB accroché sur la carlingue d’un des véhicules. La police restait en retrait, sans aucun dispositif anti-émeute.
A Kockelscheuer, les tracteurs sont entrés dans un pré de plusieurs hectares, une sorte de cuvette qui s’étend jusqu’au bord d’un ruisseau, et selon une mise en scène très calculée sous la baguette de Fredy de Martines, qui dirigeait les opérations mégaphone au bras, ils se sont disposés pour les uns le long de la clôture jusqu’au fond du vallon, et pour les autres, qui tiraient les réservoirs de lait, en haut de la pente où ils se sont rangés en véritable ordre de bataille. Sous les calandres des tracteurs-épandeurs alignés, Fredy de Martines a appelé presse et producteurs de lait qui l’entourèrent en demi-cercle. Il leur expliqua le pourquoi de l’action d’épandage : "La situation qui me pousse à épandre 150 000 litres de lait ne me plaît pas. Mais nous ne pouvons agir autrement. Le lait que nous jetons ici est un lait issu de la surproduction et de ces systèmes de subventions qui nuisent aux producteurs des pays du tiers monde. Le lait que nous jetons ici est du lait de trop. Nous démarrerons maintenant tous ensemble, et à 3 km/h, nous coulerons le lait dans ce champ. Mais nous nous arrêterons à 80 mètres du ruisseau, pour qu’il ne soit pas pollué." La cohorte se mit en marche, dévala le champ, et une masse blanche à l’odeur violente sortit en éventail derrière les tracteurs des réservoirs tirés. En moins de trois minutes, la chose était faite.
Les producteurs de lait se sont ensuite rendus au Service de l’Economie rurale, puis en ville.
Pendant ce temps, les représentants de la centrale paysanne, de la Bauerenzentral et du Fräie Lëtzebuerger Bauereverband ont rencontré le Premier ministre Jean-Claude Juncker, le ministre de l’Agriculture Romain Schneider , et le ministre du Budget Luc Frieden.
Pour venir en aide aux agriculteurs en difficultés, Romain Schneider a proposé un paquet de mesures d’aides qui comporte plusieurs volets. Cette année encore, une grande partie des cotisations aux caisses de maladie et de pension devraient être remboursées (1,3 millions €), le remboursement de la TVA pour les agriculteurs va augmenter de 9 % à 10 % (680 000 €) et le remboursement dans le cadre de la convention du contrôle du lait va également augmenter de 50 % à 70 % (300 000 €). En parallèle, la campagne de promotion "Sou schmaacht Lëtzebuerg" va être renforcée. Ces mesures, qui devraient être mises en place rapidement – l’argent devrait être disponible pour le 16 octobre – ont rencontré les faveurs des représentants des 3 syndicats.
Les membres du LDB se sont pour leur part rendus place Guillaume et place Clairefontaine après leur action d’épandage. Après avoir rempli de lait un bassin et distribué gratuitement du lait aux passants, une délégation du LDB a rencontré le Premier ministre Jean-Claude Juncker et le ministre de l’Agriculture Romain Schneider.
A l’issue de la rencontre avec le LDB, Romain Schneider a expliqué que les discussions ont porté sur les mesures nationales et sur la nécessité d’agir au niveau européen. En vue de trouver une solution dans l’Union européenne, le ministre de l’Agriculture et le Premier ministre veulent soumettre les revendications des producteurs de lait à la Commission européenne. Romain Schneider et Jean-Claude Juncker ont cependant du mal à comprendre que les agriculteurs ont déversé des centaines de milliers de litres de lait et ils ont demandé aux producteurs de lait d’arrêter de gaspiller un produit alimentaire d’une haute qualité. Et de conclure que le gouvernement luxembourgeois soutient les producteurs de lait, notamment par des mesures directes d’aide financière et par son intervention en faveur d’une politique agricole européenne qui permet une meilleure gestion des prix.
Fredy de Martines s’est montré d’accord avec des mesures financières proposées par le gouvernement luxembourgeois. "Mais les discussions n’ont pas seulement porté sur le volet financier", a-t-il expliqué. En effet, les producteurs et les ministres se sont aussi entretenus du fonctionnement du marché. Selon Fredy de Martines, le Premier ministre qui "est bien au courant", a souligné "qu’un marché ultralibéral ne peut pas fonctionner". "C’est exactement ce que nous voulons entendre, parce que nous sommes du même avis", a-t-il déclaré en ajoutant que les producteurs de lait revendiquent un changement de cap au niveau de la politique européenne. "Nous attendons des concessions de Bruxelles et nous sommes conscients que le Luxembourg seul ne peut rien changer, mais nous voulons quand-même que notre gouvernement intervienne en notre faveur". En guise de conclusion, Fredy de Martines a expliqué que le LDB ne va pas arrêter ses actions, parce que "c’est une action européenne, et nous restons solidaires jusqu’à ce que la Commission européenne nous accorde son soutien."