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Institutions européennes - Justice, liberté, sécurité et immigration
Viviane Reding auditionnée par le Parlement européen
12-01-2010


Viviane Reding lors de son audition au Parlement européen Le 12 janvier 2010, le Parlement européen, a, par le biais des commissions parlementaires compétentes, à savoir la commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures (LIBE), la commission des affaires juridiques (JURI), ainsi que la commission des droits de la femme et de l'égalité des genres (FEMM), auditionné Viviane Reding, membre de la Commission européenne désignée à la Justice, aux droits fondamentaux et à la citoyenneté, pour évaluer son niveau de compétence dans le portefeuille qui lui a été proposé, ainsi que son engagement européen et son indépendance personnelle.

Viviane Reding, qui aura sous sa responsabilité le droit civil, le droit pénal, la lutte contre les discriminations, certaines activités en matière de protection des consommateurs, ainsi qu’un certain nombre d’agences européennes, comme Eurojust, l’Agence européenne pour les Droits fondamentaux (FRA), l’Institut européen pour l’Egalité des Genres ou encore l’Office des Publications, a également été choisie par José Manuel Barroso pour être sa représentante dans l’UE.

En décembre 2009 déjà, les commissions parlementaires avaient adressé un questionnaire à Viviane Reding auquel elle avait dû répondre par écrit.

Les grandes lignes du programme de Viviane Reding

Lors de son audition par les trois commissions, Viviane Reding, qui s’est exprimée en anglais, a tenu à insister sur la "réorientation politique" dans les domaines de la justice, de la citoyenneté et des droits fondamentaux suite à l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne le 1er décembre 2009. "Il n’y a pas de liberté sans sécurité, et il n’y a pas de sécurité sans justice", a-t-elle déclaré en soulignant que le traité de Lisbonne établit un équilibre entre tous ces éléments. Et d’ajouter qu’elle veut "s’engager pour que cette réorientation soit dans l’intérêt de la justice et des droits des citoyens".

Viviane Reding lors de son audition au Parlement européenLa commissaire désignée a l’intention de présenter rapidement, en coopération étroite avec le commissaire aux Affaires intérieures, un plan d’action pour la mise en œuvre du programme de Stockholm , qui comportera une vue d’ensemble des futures actions concrètes de l’UE en vue de développer et de renforcer l’espace européen de liberté, de sécurité et de justice au service du citoyen. Selon elle, le programme de Stockholm, qui compte environ 170 initiatives, est un programme législatif dont la mise en œuvre effective nécessite des orientations ciblées et des priorités.

Par ailleurs, Viviane Reding veut s’engager pour la protection de la vie privée des citoyens et des données personnelles, ainsi que pour la libre circulation dans l’UE, et le renforcement des droits des victimes et des inculpés.

Concernant les droits des citoyens, elle a l’intention de prendre des mesures visant à corriger les lacunes de la justice civile, notamment en rédigeant un livre vert sur la libre circulation des documents civils en vue d’abolir les obstacles qui par exemple peuvent surgir quand des papiers qui ne sont pas requis dans un Etat membre le sont dans l’autre et rendent difficiles des actes aussi communs que le mariage entre des ressortissants de deux Etats membres. Dans l’esprit d’une Europe des citoyens, elle entend aussi utiliser, en coopération avec les autres commissaires, les nouvelles possibilités qu’offre le traité de Lisbonne pour rendre plus effectifs les droits des citoyens à la protection diplomatique et consulaire.

Viviane Reding a l’intention de faire respecter le droit européen, car "nous sommes une communauté de droit", et elle n’hésitera "pas à adopter une approche énergique face à des infractions de la part des Etats membres à la législation européenne en matière de droits des citoyens, en accordant une attention particulière à la mise en œuvre effective de la directive sur la libre circulation dans l’ensemble des vingt-sept États membres".

"J’entends continuer à travailler en partenariat avec le Parlement européen et avec ses commissions, et lui rendrai régulièrement compte et échangerai des informations avec lui", a souligné Viviane Reding, qui a été elle-même eurodéputée pendant 10 ans et qui a fait à plusieurs reprises l'éloge de l’expertise, notamment juridique, des parlementaires.

Les droits fondamentaux

Les eurodéputés auditionnant Viviane RedingConcernant le respect des droits fondamentaux par les différents Etats membres, elle a souligné que la Cour de Justice des communautés européennes pourra dorénavant analyser la conformité de toutes les décisions prises au sein de l’UE avec la Charte des droits fondamentaux, qui est contraignante depuis l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne. Dans ce contexte, la commissaire désignée veut appliquer une politique de tolérance zéro. Elle envisage également de rédiger un rapport annuel sur l’application de la Charte, les questions parlementaires y relatives, les plaintes, etc.

Viviane Reding veut présenter le plus rapidement possible une proposition en vue de l’adhésion de l’UE à la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH), comme le prévoit le traité de Lisbonne. Et il s’agira d’arriver à ce que les travaux de la Cour de Justice des Communautés européennes à Luxembourg et de la Cour européenne des Droits de l’Homme à Strasbourg soient complémentaires. Le tout fera l’objet d’un accord international et des négociations seront nécessaires.

En ce qui concerne la protection des droits fondamentaux au niveau national, Viviane Reding prévoit de suivre de près les développements constitutionnels et la jurisprudence des cours constitutionnelles nationales et d’encourager l’échange de l'expertise judiciaire entre les échelons nationaux et européen pour contribuer à mettre en place une culture européenne des droits fondamentaux. Elle demandera à l’Agence des droits fondamentaux basée à Vienne d’apporter son aide à la Commission dans ce domaine. Il s’agira, grâce à l’approche horizontale qu’elle est chargée de mettre en œuvre, de veiller à l’application des droits fondamentaux au niveau de la création du droit communautaire, et au niveau de sa mise en œuvre dans tous les Etats membres. Dans son équipe, la commissaire désignée entend nommer une personne qui aura la responsabilité de ces questions de droits fondamentaux et de protection des minorités, et cette personne sera aussi un interlocuteur pour les membres du Parlement européen.

En termes de lutte contre les discriminations, Viviane Reding entend s’engager en vue de l’adoption des propositions présentées par la Commission en 2008. Par ailleurs, en ce qui concerne les Roms, dont une étude de l’Agence européenne des Droits fondamentaux souligne qu’un Rom souffre d’une discrimination au moins une fois par an, Viviane Reding entend utiliser, de façon durable, les fonds structurels en se basant sur des exemples de bonnes pratiques. Des nombreuses mesures prévues, allant de la création d’une plateforme sur l’intégration des Roms à l’organisation d’un Sommet à Cordoue, la commissaire désignée insiste sur le fait qu’elle veut des résultats concrets.

Abordant les questions de l’accord Swift et des scanners corporels, elle a déclaré qu’elle avait l’intention de rester ferme dans sa volonté de défendre les droits fondamentaux et de protéger les données personnelles des citoyens. Face à l’instrumentalisation de la peur dans le contexte de la lutte contre le terrorisme, Viviane Reding veut remettre en question les scanners corporels. "Il faudra d’abord voir s’ils sont efficaces, et quels effets ils ont sur la santé, sur la vie privée et sur la protection des données", a-t-elle expliqué en soulignant que le principe de proportionnalité entre les mesures prises et les objectifs visés doit être respecté dans la lutte contre le terrorisme. Elle pense d’ailleurs aussi que les scanners doivent remplir trois conditions : une base volontaire, la destruction des images et le contrôle des conséquences sanitaires. Et de conclure qu’il ne faut pas se laisser guider par la peur mais par les valeurs européennes, comme les droits fondamentaux, et se mettre à la recherche de mesures de contrôle moins intrusives

La commissaire désignée a finalement rappelé avec fermeté que le droit à la protection des données personnelles figurait désormais explicitement dans le traité de Lisbonne et qu’elle entendait veiller à son respect.

Le droit civil et pénal

Viviane Reding lors de son audition au Parlement européenSur la question de l’équilibre entre la protection de la propriété intellectuelle et les libertés des citoyens, Viviane Reding, qui avait soutenu le Parlement européen lors des débats sur la liberté d’accès à Internet, a estimé qu’il ne fallait pas penser en termes de répression mais bien en termes d’offres de solution.

La commissaire désignée a assuré aux parlementaires qu’ils pourraient "compter sur elle" pour de nouvelles initiatives en matière de droit civil et de droit commercial. "Il nous faudra être ambitieux" pour aider les entreprises et les citoyens dans le marché intérieur. En renforçant le marché unique, ce qu’elle entend faire en créant un espace de justice unique, Viviane Reding pense pouvoir aider à sortir de la crise.

Et dans ce contexte, Viviane Reding entend bien respecter les équilibres entre les droits et les intérêts de chacun, et notamment des entreprises et des consommateurs. Quand un député lui a demandé si elle entendait mener une harmonisation minimale ou maximale en matière de protection des consommateurs, la commissaire désignée a été on ne peut plus claire : elle vise une harmonisation complète qui, à son sens, sera aussi dans l’intérêt des entreprises ayant des activités transfrontalières.

En matière de droit contractuel, un sujet sur lequel la commissaire désignée s’est beaucoup engagée, elle entend mettre en place un groupe d’experts qui va livrer pour l’été 2010 une analyse qui servira de base de travail pour une communication de la Commission. Le but, c’est d’aboutir à un instrument juridique d’ici 2011. Il s’agira d’un instrument facultatif pour améliorer la cohérence en matière de droit européen des contrats en proposant un 28e régime facultatif en matière contractuelle, une sorte de "code civil du marché intérieur".

Viviane Reding a par ailleurs déclaré qu’elle entendait renforcer la confiance des citoyens européens par rapport aux lois et au droit pénal de leurs pays voisins, notamment par l’amélioration de la formation judiciaire. Elle a insisté aussi sur la nécessité de mieux informer les citoyens de leurs droits et elle a déjà pris contact avec l’Office des Publications en vue de mettre en place un portail Internet rassemblant tous les droits nationaux et la jurisprudence européenne, ainsi que des compendia accessibles aux citoyens. Et Viviane Reding n’a pas manqué d’appeler les eurodéputés à participer en informant leurs électeurs. Pour développer une culture juridique européenne auprès des juristes nationaux, elle envisage de mettre en place un nouveau programme "Erasmus pour les juges".

En ce qui concerne la reconnaissance réciproque de tous les actes judiciaires, Viviane Reding a reconnu qu’il s’agissait là d’un vrai problème pratique auquel il conviendrait de répondre si on veut une Europe des citoyens. Elle entend lancer dans un premier temps une consultation publique afin d’entendre l’avis des citoyens, des praticiens et des responsables politiques avant de définir des mesures concrètes.

Viviane Reding a rappelé qu’en matière de droit pénal, le principe de subsidiarité s’applique et que dans ce domaine les Etats membres et les Parlements nationaux ont un rôle essentiel à jouer. Il faudra faire preuve de prudence dans ces questions, et elle estime qu’il faut faire un choix de points sur lesquels avancer.

Pour ce qui est de la création d’un parquet européen, évolution que devrait suivre Eurojust, la commissaire désignée a précisé que le procureur européen pourrait intervenir pour les crimes transfrontaliers. Il s’agit de tenir compte des droits fondamentaux des suspects tout en mettant en place un régime tenant compte du droit des victimes.

Viviane Reding veut aussi renforcer la stratégie de l’UE pour les enfants, adapter le droit pénal des enfants, et réexaminer les dispositions en matière d’alerte transfrontalière en cas d’enlèvement d’enfants par un de leurs parents.

Tout en insistant sur le fait que l’UE n’intervient pas sur le doit matrimonial, Viviane Reding souhaite réaliser des progrès rapides en ce qui concerne la proposition pendante concernant le droit applicable en matière matrimoniale "parce que je suis convaincue que la dimension humaine de cette proposition - qui pourrait supprimer des incertitudes juridiques importantes pour les enfants et leurs parents dans des situations binationales souvent conflictuelles - ne nous autorise plus à attendre davantage". Tenant compte du fait notamment que 20 % des mariages transfrontaliers aboutissent à un divorce, elle veut soumettre une proposition de coopération renforcée sur cette proposition appelée "Rome III" au cours des premiers mois de son mandat. Certes, elle espère à termes faire en sorte que les 27 Etats membres travaillent ensemble sur cette question, mais il est à ses yeux important d’avancer en attendant avec les 10 Etats membres intéressés. Finalement, elle a rappelé aux députés qu’en matière de questions familiales, faciliter obtention de documents pour le mariage par exemple était très médiatique.

La commissaire désignée entend par ailleurs définir les conditions précises qui seront assorties à la mise en œuvre des initiatives citoyennes prévues par le traité de Lisbonne. Car "cette initiative inédite et importante peut devenir un instrument dangereux" - exemple cité: une initiative en faveur du rétablissement de la peine de mort, qui est contraire au droit européen - si l’on n’en précise pas le cadre d’application.

Finalement, Viviane Reding a plaidé pour des sanctions criminelles contre la contrefaçon, mais a aussi insisté sur la difficulté technique liée au partage des dossiers. Elle entend par ailleurs protéger la création artistique en ligne, "mais avec de nouvelles règles juridiques transfrontalières" pour lesquelles ses collègues Michel Barnier et Nelly Kroes devraient être responsables.

L’égalité des genres

Viviane Reding lors de son audition au Parlement européenDevant la Commission FEMM, qui s’occupe des droits de la femme et de l’égalité des genres, Viviane Reding a expliqué que ses deux priorités seraient la réduction de l’inégalité salariale entre hommes et femmes, qui est toujours de 17 % dans l'UE, et la lutte contre la violence faite aux femmes et aux enfants. Elle a ajouté que sa compétence horizontale en matière de communication sera particulièrement mise au service de l’égalité des genres.

Le cadre juridique de son action est renforcé par la Charte des droits fondamentaux, désormais contraignante et très axée sur la question de l’égalité entre hommes et femmes dans tous les domaines. Cette autre compétence horizontale qu’elle aura, Viviane Reding compte l’utiliser pleinement.

L’égalité salariale sera donc la priorité majeure de Viviane Reding, qui misera sur l’apport des Etats membres, mais aussi sur la coopération des partenaires sociaux et le recours à la stratégie pour l’emploi, qui est revue et reformulée chaque année.

Pour Viviane Reding, la violence faite aux femmes est une violation des droits fondamentaux. Pour faire front, il faut miser sur l’information, la coopération des polices et aussi, à travers le programme Daphne 3, renforcer le rôle des ONG. L’UE doit également envisager une action concrète contre l’excision, qui tombe en partie sous la responsabilité des commissaires responsables pour la politique étrangère.

Finalement, dans l’intérêt des familles, Viviane Reding appuiera le projet de directive qui devrait ancrer le congé de maternité, mais aussi le congé de paternité, ainsi que d’autres congés liés à la filiation, comme le congé parental ou le congé pour une adoption, dans la législation européenne. Ce qui importe à Viviane Reding, c’est que l’Europe fasse des choses concrètes.