Les 5 et 6 mars 2010, les ministres des Affaires étrangères de l’UE se sont rencontrés à Cordoue à l’occasion d’un Gymnich, traditionnelle réunion informelle qui se tient tous les six mois. Jean Asselborn, ministre des Affaires étrangères, y représentait le Luxembourg.
Les ministres se sont dans un premier temps penchés sur l’approfondissement de la politique de l’UE à l’égard des pays émergents, dont notamment le Brésil, l’Inde et la Chine. Cette réunion informelle fut aussi l’occasion d’aborder les enjeux qui se posent à l’Union européenne en matière de politique étrangère au lendemain de l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne.
Les discussions ont par conséquent porté sur la mise en place du Service européen pour l’action extérieure (SEAE). Les ministres ont donc eu un échange de vues sur des éléments clefs du futur service diplomatique européen introduit par le traité de Lisbonne. Programmation multi-annuelle, implication du service dans la mise en œuvre des instruments financiers, répartition des domaines de compétences entre la Commission européenne et le SEAE ont ainsi fait l’objet de discussions qui ont aussi porté sur la question du personnel et du statut juridique du service.
Catherine Ashton, qui présentera d’ici fin avril sa copie concernant ce service qui devrait être composé de 5000 à 7000 fonctionnaires, selon la présidence espagnole, a indiqué qu'elle privilégierait une sélection "fondée sur les qualifications plutôt que sur des quotas" géographiques pour la répartition des postes. Elle a ajouté que "tous les Etats européens y seraient représentés" et que "le processus de sélection serait fondé sur la transparence". Les ministres de plusieurs petits pays s’étaient en effet inquiétés, dans un courrier adressé à la haute représentante, et avaient demandé que chaque pays soit "représenté de manière adéquate au sein du service diplomatique".
Selon des sources diplomatiques évoquées par Ady Richard dans le Wort daté du 8 mars 2010, les ministres ont cependant accordé leur soutien au projet de Catherine Ashton, l’enjeu étant pour les gouvernements de limiter une trop grande prise d’influence de la Commission européenne.
Les agences de presse internationales se sont faites l’écho de rivalités entre Etats membres et entre institutions européennes. Ainsi, si Carl Bildt a reconnu que "nous avons ici beaucoup d'intérêts en concurrence", Jean Asselborn a pour sa part prévenu que "nous ne devons pas avoir un combat interinstitutionnel entre le Conseil, la Commission et le Parlement". "Cela risque de déraper", a en effet mis en garde le chef de la diplomatie luxembourgeoise.
Ainsi qu’il l’a expliqué au journaliste du Wort, Jean Asselborn estime qu’il faut maintenant "nous occuper plus de substance politique que de batailles de compétences". Et sa proposition d’organiser des réunions thématiques tous les deux mois semblent avoir rencontré l’assentiment de ses homologues.
Les ministres ont ensuite abordé la situation au Proche-Orient et ils ont notamment discuté des derniers développements dans la région et du rôle que l’UE y peut jouer. Les ministres ont ainsi salué le soutien annoncé par la Ligue arabe en faveur de négociations indirectes entre Israéliens et Palestiniens en vue d’une relance du processus de paix. "Il faut remercier la Ligue arabe qui a fait un travail formidable" avait annoncé Jean Asselborn avant la réunion. "Accepter que les négociations indirectes commencent est un signal, surtout à l'intention d'Israël", avait-il déclaré.
A l’issue de la réunion, le ministre espagnol Miguel Angel Moratinos a déclaré, au sujet de l’offre de dialogue indirect américaine, que l'UE soutenait "les efforts américains" et qu’elle ferait "tout ce qui est possible pour que la solution des deux Etats, israélien et palestinien, devienne une réalité". "L'UE doit devenir un acteur" dans la région, a-t-il ajouté.
Comme il l’a déclaré au journaliste du Wort, Jean Asselborn voit dans les quatre prochains mois une période d’espoir du fait du dialogue indirect qui va être conduit par George Mitchell, "avec le plein soutien de l’UE", comme il n’a pas manqué de le souligner.
Pour le ministre luxembourgeois, il faut "aborder tous les problèmes et non pas seulement les problèmes en Cisjordanie". Il s’agit à ses yeux de ne pas exclure des discussions "la situation explosive dans la bande de Gaza ou encore Jérusalem-Est". S’appuyant sur le jugement de la Cour de Justice européenne qui a rendu, le 25 février dernier, un arrêt selon lequel des marchandises originaires des colonies israéliennes en Cisjordanie ne peuvent pas bénéficier du régime douanier préférentiel accordé par l'UE à Israël, Jean Asselborn a appelé à un arrêt de la colonisation. "En tant qu’Européens, nous devons faire comprendre à Israël, avec les Américains, qu’un arrêt de la colonisation est une condition sine qua non pour la paix au Proche Orient !", a-t-il déclaré. Pour lui, "les Palestiniens sont revenus sur toutes leurs conditions préalables" et c’est maintenant au tour d’Israël de "bouger".
Catherine Ashton prévoit une tournée qui doit la conduire en Israël, en Egypte et en Jordanie. Attendue en Israël le 17 mars, elle a indiqué qu'elle souhaitait se rendre aussi dans la bande de Gaza et a adressé une demande en ce sens aux autorités israéliennes. "J'ai besoin de me faire une idée par moi-même du problème et des questions que nous devons résoudre", a-t-elle dit. Un geste hautement symbolique de la part de la haute représentante qui a assuré que l’UE allait amplifier son engagement pour aider l'Autorité palestinienne à bâtir ce qui pourrait être les bases institutionnelles d'un futur Etat palestinien.
A l’occasion d’un déjeuner avec leurs homologues de Croatie, de Turquie et de l’ancienne République yougoslave de Macédoine, qui sont tous trois des pays candidats à l’UE, les ministres ont enfin discuté de la situation dans les Balkans occidentaux.
Ils ont notamment abordé la préparation d’une réunion ministérielle qui aura lieu fin mai à Sarajevo. Celle-ci fera le point sur les progrès réalisés depuis le Sommet de Zagreb en 2000 dans le rapprochement des pays des Balkans occidentaux avec l’UE et visera à insuffler une nouvelle dynamique au processus d’élargissement vers les Balkans occidentaux.
En outre, les ministres se sont entretenus sur la situation en Bosnie-Herzégovine et, dans la perspective d’une réforme constitutionnelle, ils ont appelé à la tenue en avril d’une rencontre réunissant les représentants des groupes ethniques croate, serbe et musulman.
"Les Balkans ont besoin d’une perspective européenne claire", a déclaré Jean Asselborn qui estime que "nous n’avons pas le droit de les négliger une fois de plus".