Les propos de Viviane Reding sur les OGM que le Luxemburger Wort avait rapportés dans son édition du 22 mars 2010 continuent de provoquer de vives réactions. Après le communiqué du LSAP du 24 mars, c’est le député vert Henri Kox qui adresse une lettre ouverte, datée du 26 mars 2010, à la commissaire européenne.
Pour Henri Kox, la réponse "arrogante, polémique et provocante" de Viviane Reding aux réactions du ministre de la Santé Mars Di Bartolomeo qui ont suivi l’autorisation par la Commission européenne de la mise en culture de la pomme de terre génétiquement modifiée Amflora, fait office de "coming out" de la commissaire en tant que "partisane des OGM ne faisant preuve d’aucun sens critique". Le respect de la position officielle du Luxembourg au sujet du génie génétique y brille par ailleurs par son absence selon le député vert.
Dans sa lettre, Henri Kox entend revenir sur les faits, reprenant le fil depuis les élections européennes. Il demande ainsi à Viviane Reding, qui était tête de la liste européenne du CSV, si elle se souvient que le programme de son parti affichait son scepticisme à l’égard des OGM et se prononçait pour la création de zones sans OGM.
Henri Kox souligne ensuite le consensus qui existe au Luxembourg, tant dans la population que dans la classe politique, contre la culture de plantes génétiquement modifiées. Et le député ne manque pas d’apporter au dossier les deux motions adoptées par la Chambre des députés le 16 mars 2010.
Le député explique par ailleurs le fait que la Commission n’ait pu jusqu’ici imposer une levée des interdictions de mise en culture nationale de plantes génétiquement modifiées, comme celle qui est en vigueur au Luxembourg pour le maïs MON810, par la réticence éprouvée à l’égard de la mise en culture d’OGM par la majorité tant de la population que des Etats membres de l’UE.
Henri Kox poursuit en accusant la Commission, dont Viviane Reding est membre depuis 1999, "d’ignorer, depuis des années, toute objection et tout scrupule dans le cadre de la procédure d’autorisation et de toujours privilégier de facto les intérêts commerciaux". Il précise les faits en expliquant que des objections formulées par des associations de consommateurs, par des scientifiques indépendants ou encore par des instituts nationaux et des gouvernements sont "bloquées de manière systématique et sans examen sérieux".
Par ailleurs, le député estime qu’un certain nombre de questions scientifiques concernant la pomme de terre Amflora mais aussi les trois espèces de maïs autorisées par la Commission le 2 mars, et beaucoup d’autres, restent sans réponse. Henri Kox n’a pas manqué de souligner que les risques et les effets secondaires des OGM sur l’environnement, la santé et l’agriculture sont si difficiles à évaluer, tant sur le plan scientifique qu’économique, qu’aucune compagnie d’assurances n’est prête à assurer les éventuels dommages que la culture d’OGM pourrait occasionner.
Henri Kox interpelle la vice-présidente de la Commission et s’étonne qu’elle ne sache pas que "même les expertises scientifiques de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) sont lacunaires, que leur indépendance n’est pas garantie et que les procédures de cette agence sont jugées aussi peu transparentes qu’inadaptées". L’EFSA elle-même, comme l’ajoute le député, a d’ailleurs déjà reconnu qu’elle ne pouvait livrer une évaluation indépendante et complète.
Il reproche donc à la commissaire et à ses collègues de continuer à se baser sur des expertises fondées seulement sur des études d’une durée de 90 jours, mais aussi d’ignorer les effets croisés ou encore de se contenter d’informations qui proviennent des entreprises elles-mêmes. Le député évoque d’ailleurs des études indépendantes qui démontrent tant les effets des OGM sur la santé du vivant que leur impact négatif sur l’environnement.
Henri Kox appelle par conséquent la Commission à veiller à ce que les positions scientifiques de l’EFSA soient vraiment indépendantes, tiennent compte d’effets à long termes et d’autres facteurs importants, y compris socio-économiques. Et ce tant pour ce qui est de la mise en culture que pour l’utilisation d’OGM dans la nourriture ou dans les aliments pour animaux.
Henri Kox rappelle par ailleurs à Viviane Reding qu’en tant que membre de la Commission, elle contribue, du fait du fonctionnement collégial de cette institution, à toutes les décisions qui sont prises, sans compter qu’elle peut aussi influer tout au long des discussions et des procédures. Il relève qu’un des membres de cabinet de la commissaire est responsable du génie génétique, ce qui implique qu’elle est informée suffisamment tôt des discussions en cours pour pouvoir négocier. Et le député reproche à Viviane Reding de ne pas avoir tenté de convaincre les membres de la Commission de faire de l’autorisation de mise en culture d’Amflora un sujet de discussion au sein du collège plutôt que de valider cette autorisation par la procédure écrite, comme s’il s’agissait d’un sujet indisputable.
Quant à la procédure d’autorisation, Henri Kox rappelle la décision unanime des ministres de l’Environnement qui ont demandé à la Commission en 2008 d’améliorer l’évaluation des risques et la procédure. La proposition qu’entend faire la Commission d’ici à l’été 2010, qui devrait laisser à chaque Etat membre le choix d’autoriser ou non la culture d’OGM, est, selon le député Henri Kox, une idée qui vient du gouvernement néerlandais qui est résolument favorable aux OGM. Pour lui, la question devrait se poser autrement : les OGM sont-ils dangereux pour l’homme et/ou la nature, ou non ?
Cette renationalisation risque, aux yeux d’Henri Kox, de conduire à une confusion complète, à une autorisation plus rapide au niveau européen et à une mise en culture renforcée d’un grand nombre de nouveaux OGM dans les pays qui y sont favorables. La contamination transfrontalière qui en résulterait pour un petit pays comme le Luxembourg inquiète particulièrement le député.