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Institutions européennes
La Cour de Justice annule les dispositions du règlement du Conseil concernant l’adaptation des rémunérations des fonctionnaires européens à partir de juillet 2009
24-11-2010


En fixant, dans le règlement du 23 décembre 2009, une adaptation des rémunérations divergente de celle proposée par la Commission, sans avoir recours à la procédure spécifique prévue par le statut des fonctionnaires pour le cas d’une détérioration grave et soudaine de la situation économique, le Conseil excède les compétences qui lui sont conférées par le statut des fonctionnaires. C’est la conclusion de l’arrêt rendu par la Cour du Justice de l’Union européenne le 24 novembre 2010 dans l’affaire C-40/10 qui opposait la Commission au Conseil.

Le statut des fonctionnaires prévoit que le Conseil décide avant la fin de chaque année de l’adaptation des rémunérations des fonctionnaires de l’Union, avec effet au 1er juillet de l’année en cours.CJUE

En novembre 2009, la Commission a proposé une augmentation des rémunérations de 3,7 %.

Le 23 décembre 2009, le Conseil a considéré que la proposition d’adaptation des rémunérations de la Commission devrait être modifiée pour tenir compte de la crise économique et financière. Il a fixé dans un règlement les nouveaux montants des rémunérations sur la base d’un taux d’adaptation de 1,85 %.

La Commission a introduit un recours en annulation contre les dispositions du règlement indiquant ces montants. En effet, elle estimait que le statut des fonctionnaires instaure une méthode d’adaptation des rémunérations automatique qui ne laisse pas de marge d’appréciation au Conseil lui permettant d’écarter la proposition de la Commission.

Au contraire, le Conseil a fait valoir qu’il disposait toujours d’une marge d’appréciation en ce qui concerne les adaptations annuelles des rémunérations même s’il ne contestait pas que le calcul de l’adaptation présenté par la Commission a été correctement effectué en application des dispositions du statut des fonctionnaires.

La Cour relève dans son arrêt que l’article 65 du statut des fonctionnaires édicte la règle de base relative à l’examen annuel et à l’adaptation éventuelle des rémunérations des fonctionnaires de l’Union et que cette disposition confère un pouvoir d’appréciation au Conseil. Toutefois, le statut des fonctionnaires comporte, pour une durée de huit ans, une annexe XI qui définit les modalités d’application dudit article 65 et dont l’article 3 édicte de manière exhaustive les critères régissant l’adaptation annuelle du niveau des rémunérations. Ces critères reposent essentiellement sur l’idée d’aligner, certes avec un certain décalage, l’évolution salariale au niveau de l’Union sur celle qui s’est produite entre le mois de juillet de l’année précédente et le mois de juillet de l’année en cours dans les huit États membres de référence.

En examinant la fonction de l’annexe XI du statut des fonctionnaires, sa valeur juridique et sa genèse, la Cour conclut que, par l’adoption de cette annexe, le Conseil a pris la décision autonome de se lier, pour la durée de la validité de ladite annexe, dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation découlant de l’article 65 du statut des fonctionnaires, à respecter les critères déterminés de manière exhaustive à l’article 3 de ladite annexe. Cette décision se justifie notamment au regard des objectifs consistant à assurer une certaine stabilité à moyen terme et à éviter des discussions et des difficultés récurrentes, notamment entre les organisations représentatives du personnel et les institutions intéressées, sur la question de savoir dans quelle mesure une adaptation des rémunérations serait justifiée ou nécessaire.

En ce qui concerne la possibilité de tenir compte d’une crise économique grave, la Cour rappelle que l’annexe XI du statut des fonctionnaires comporte à l’article 10 une clause d’exception prévoyant une procédure spécifique d’adaptation des rémunérations en cas de détérioration grave et soudaine de la situation économique et sociale. Cette disposition constitue la seule possibilité prévue par le statut des fonctionnaires permettant au Conseil de tenir compte d’une crise économique dans le cadre de l’adaptation annuelle des rémunérations et d’écarter les critères fixés à l’article 3 de ladite annexe.

Bien que l’application de ladite procédure spécifique dépende d’une proposition de la Commission, la présentation de propositions appropriées en cas de détérioration grave et soudaine de la situation économique et sociale ne constitue toutefois pas une simple faculté pour cette institution, qui doit, en outre, respecter le devoir de coopération loyale entre les institutions.

Ainsi, la Cour conclut que le Conseil ne dispose pas d’une marge d’appréciation lui permettant, sans avoir recours à la procédure spécifique prévue à l’article 10 de l’annexe XI du statut des fonctionnaires, de fixer, en raison d’une crise économique, une adaptation des rémunérations divergente de celle proposée par la Commission sur le fondement des seuls critères définis à l’article 3 de ladite annexe.

Par conséquent, les articles du règlement fixant les nouveaux montants des rémunérations sont annulés. Toutefois, les effets de ces articles sont maintenus jusqu’à l’entrée en vigueur d’un nouveau règlement arrêté par le Conseil, afin d’éviter une discontinuité dans le régime des rémunérations.

Pour rappel, le recours en annulation vise à faire annuler des actes des institutions de l’Union contraires au droit de l’Union. Sous certaines conditions, les États membres, les institutions européennes et les particuliers peuvent saisir la Cour de justice ou le Tribunal d'un recours en annulation. Si le recours est fondé, l'acte est annulé. L'institution concernée doit remédier à un éventuel vide juridique créé par l'annulation de l'acte.