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Jeannot Krecké : "L’écho de la stratégie Europe 2020 est faible auprès du grand public et des décideurs politiques, même si ses objectifs sont bons."
08-12-2010


Europe 2020 : Une stratégie pour une croissance intelligente, durable et inclusiveLe ministre de l’Economie, Jeannot Krecké est intervenu le 8 décembre 2010 au colloque "Luxembourg 2020", le 4e colloque luxembourgeois consacré à l'économie de la connaissance dans une perspective européenne, en sa qualité de coordinateur du programme national de réformes dans le cadre de la stratégie Europe 2020.  

De la stratégie de Lisbonne à Europe 2020, alors que tout change

"L’écho de la stratégie Europe 2020 est faible auprès du grand public et des décideurs politiques." Par ces mots, le ministre annonçait d’emblée la tonalité de ses propos. Pourtant, l’idée de la stratégie de Lisbonne depuis 2000 et maintenant sa continuation par Europe 2020 est "une idée et une démarche cohérente". Mais déjà en 2000, les citoyens n’ont selon Jeannot Krecké pas compris la stratégie de Lisbonne, qui n’était accompagnée d’aucun pacte au niveau national. La Présidence luxembourgeoise du Conseil de 2005 a relancé, après le rapport Wim Kok, l’idée avec l’intention que les Etats membres s’en approprient. Le Luxembourg s’est ainsi efforcé selon le ministre "de trouver une dynamique avec les partenaires sociaux du temps où ceux-ci se parlaient encore". Le développement durable et l’idée d’inclusion, qui faisaient souvent défaut, ont fait leur entrée dans les programmes luxembourgeois. Régulièrement, la stratégie de Lisbonne a fait l’objet d’auditions et d’un débat à la Chambre. "Mais je ne suis pas sûr que nous ayons réussi à enthousiasmer les gens."

Les objectifs que l’Europe et les Etats membres s’étaient fixés, notamment de devenir la plus forte économie basée sur la connaissance du globe, ne seront pas atteints en 2010, a constaté Jeannot Krecké. "Pourtant, ils étaient bons. Mais l’on croyait en 2005 encore que les pays émergents ne s’occuperaient que de produits à faible valeur ajoutée. Cela a changé du tout au tout en cinq ans."

Pour Jeannot Krecké, la politique doit actuellement affronter le paradoxe que la crise économique a bloqué les réformes, alors qu’une crise devrait normalement faire admettre la nécessité de réformes. Certains pays n’ont pas attendu, comme l’Estonie ou la Lettonie. D’autres attendent la sortie de crise. La situation n’est pas claire. Mais deux choses sont en train de changer : la politique monétaire de l’UE et une politique économique et budgétaire plus coordonnée. "Il faut des éléments dirigés par l’Eurogroupe et le Conseil Ecofin qui aillent au-delà de l’examen de politiques nationales par leurs pairs." Reste que les parlements nationaux peuvent toujours dire non à telle ou telle orientation.

"La stratégie Europe 2020 est lancée à un moment où tout change", a souligné le ministre. "Au Luxembourg, la situation financière est difficile et le dialogue social est arrivé au point zéro."  Pour lui, il faut le relancer et arriver à ce que les objectifs européens soient transformés en objectifs luxembourgeois et acceptés par les partenaires sociaux.

Les objectifs luxembourgeois commentés par Jeannot Krecké

Jeannot Krecké a ensuite passé en revue les objectifs de la stratégie Europe 2020.

L’innovation et la recherche sont pour lui la chose la plus importante. 3 % du PIB de l'UE devraient être investis dans la R&D. Ce but doit être poursuivi, car il n’a pas été atteint entre 2000 et 2010. Les progrès ont même été très faibles en moyenne. Au Luxembourg, les groupes privés étaient jusque là les plus engagés dans la recherche. Il faut de l’autre côté relancer les centres de recherche publics et l’Université. Les contrats de performance sont déjà opérants, mais il faut surtout selon Jeannot Krecké de la coordination dans les investissements dans la recherche. Au-delà des grands groupes économiques, il faut attirer les PME vers la recherche et utiliser les instruments existants, comme le soutien à l’embauche de chercheurs dans les PME. 

Il faut ensuite arriver au Luxembourg à maintenir le décrochage scolaire en dessous de 10 %, alors qu’il est encore trop élevé. La forte immigration crée selon Jeannot Krecké des problèmes dans le système éducatif. Il faudra se demander si le bilinguisme, voire le quadrilinguisme dans loes lycées est un avantage à une époque où l’anglais prime.

En ce qui concerne le changement climatique, le Luxembourg vise par ailleurs un objectif de 11 % d’énergie renouvelable de sa consommation finale d’énergie en 2020. Il y réussira selon Jeannot Krecké avec ses efforts propres à raison de 4 %. La mobilité électrique ne sera pas possible n’ici 10 ans. Un objectif de 10 % de carburants renouvelables dans sa consommation finale d’énergie dans le secteur des transports en 2020 sera possible. Le Luxembourg participera aussi à des projets de production d’énergie éolienne en Mer du Nord. Le Luxembourg, où 38 % des carburants liquides sont achetés par des non-résidents, pourrait améliorer son bilan d’émissions de CO2 en augmentant ses accises, déroutant ainsi le commerce de l’essence et du fuel vers les pays voisins. "Mais cela ne changerait en rien l’émission de CO2, sauf sur le papier", a conclu le ministre

Du côté emploi, le Luxembourg a fait de grands progrès en ce qui concerne le taux d’emploi féminin. Il a aussi élevé son taux d’emploi hommes/femmes à 70 %. Pour 2020, un taux d’emploi de 73 % est visé. 

En ce qui concerne l’inclusion sociale, l’objectif luxembourgeois est qu’une personne sur 24 cesse d’être confrontée au risque de pauvreté et d’exclusion sociale d’ici à la révision à mi-terme de la stratégie Europe 2020. La protection sociale, a souligné le ministre, a un niveau particulièrement élevé, avec les allocations de famille, le système de santé, l’assurance dépendance. Il s’agit d’aller vers des prestations égales pour tous à un niveau élevé. Mais les personnes sans emploi sont "dans une situation difficile" et la pauvreté peut menacer. Mais Jeannot Krecké n’arrive pas, de son propre aveu, à accepter que le risque de pauvreté existe à partir d’un revenu équivalent à 60 % du revenu médian. "A chaque fois qu’une tranche indiciaire tombe, la médiane est décalée, et la pauvreté augmente."

Un nouveau chantier entamé par le ministre est le PIBien-être, car selon lui, "le simple PIB ne reflète pas complètement les acquis de Lisbonne et d’Europe 2020." Les paramètres pour constituer cette norme sont là. "Mais il faut que nous nous mettions d’accord avec les partenaires sociaux."

La conclusion de Jeannot Krecké : "En ces temps difficiles, les électeurs attendent des politiques du courage et une clairvoyance qui aille au-delà des échéances électorales, mais je ne suis pas sûr que leurs réactions réelles comme électeurs seront les mêmes, quand les politiques feront preuve de courage."

Le contexte :

La stratégie Europe 2020

Pour rappel : La Commission européenne a lancé le 3 mars 2010 la stratégie "Europe 2020" pour sortir de la crise et préparer l'économie de l'Union européenne pour la décennie à venir. La Commission distingue trois grands moteurs de croissance, à mettre en œuvre aux niveaux européen et nationaux au moyen d'actions concrètes:

  • une croissance intelligente (promouvoir la connaissance, l'innovation, l'éducation et la société numérique)
  • une croissance durable (rendre notre production plus économe en ressources tout en dopant notre compétitivité)
  • et une croissance inclusive (renforcer la participation au marché du travail, l'acquisition de compétences et la lutte contre la pauvreté).

Les progrès accomplis dans la réalisation de ces objectifs seront mesurés à l'aune des cinq grands objectifs représentatifs de l'UE, que les États membres seront invités à convertir en objectifs nationaux en partant des postulats suivants:

  • 75 % de la population âgée de 20 à 64 ans devrait avoir un emploi;
  • 3 % du PIB de l'UE devrait être investi dans la R&D;
  • les objectifs dits "20/20/20" en matière de climat et d'énergie doivent être atteints;
  • le taux d'abandon scolaire devrait être ramené au-dessous de la barre des 10 % et
  • au moins 40 % des jeunes générations devraient obtenir un titre ou un diplôme;
  • il conviendrait de réduire de 20 millions le nombre de personnes menacées par la pauvreté

Les objectifs luxembourgeois

Dans un document qui constitue une version provisoire du programme national de réforme qui sera soumis sous sa forme définitive à la Commission européenne en avril 2011, le Luxembourg se fixe un certain nombre d’objectifs en vue de 2020 :

  • un taux d’emploi de 73 %;
  • un taux d’intensité de R&D de l’ordre de 2,6 % du PIB;
  • le maintien du décrochage scolaire en dessous de 10 % ou encore 40 % de personnes âgées de 30 à 34 ans résidant au Luxembourg ayant obtenu un diplôme de l’enseignement supérieur ou atteint un niveau d’études équivalent ;
  • une personne sur 24 cessera d’être confrontée au risque de pauvreté et d’exclusion sociale d’ici à la révision à mi-terme de la stratégie Europe 2020 ;
  • le Luxembourg réduira ses émissions de 20 % par rapport à 2005 d’ici à 2020 dans les secteurs non couverts par le système d’échange de quotas d’émissions de gaz à effet de serre.
  • le Luxembourg vise par ailleurs un objectif de 11 % d’énergie renouvelable de sa consommation finale d’énergie en 2020 ainsi qu’un objectif de 10 % de carburants renouvelables de sa consommation finale d’énergie dans le secteur des transports en 2020 ;
  • en matière d’efficacité énergétique, le Luxembourg s’est fixé déjà un objectif national indicatif en matière d’efficacité énergétique dans les utilisations finales d’énergie de 10,38 % à l’horizon 2016 ; la faisabilité d'un objectif global de 13 % à l’horizon 2020 doit être étudiée.