Le président de la Commission, José Manuel Barroso, a présenté le 12 janvier 2011 le premier examen annuel de la croissance dans l’UE.
Ce premier examen annuel de la croissance marque l’avènement d’un nouveau cycle de gouvernance économique dans l’Union européenne. Il identifie les différentes actions qui sont essentielles pour renforcer la reprise à court terme, et préparer l’UE à progresser vers les objectifs fixés dans la stratégie Europe 2020.
Il se propose de "donner à l’Europe un cap précis pour l’année 2011" et propose dix actions urgentes qui s’articulent autour de la stabilité macroéconomique et de l’assainissement budgétaire, des réformes structurelles et du renforcement de la croissance.
Il marque aussi le démarrage du premier "semestre européen", qui va changer la manière dont les gouvernements élaborent leurs politiques économiques et budgétaires.
Une fois approuvé par le Conseil européen, les États membres traduiront les recommandations de cet examen à la fois dans leurs politiques et dans leurs budgets nationaux.
Pour la toute première fois, les États membres et la Commission travailleront ensemble et dans un cadre global sur la stabilité macroéconomique, les réformes structurelles et les mesures susceptibles de stimuler la croissance.
Conformément à ce qui avait été annoncé dans la stratégie Europe 2020, dans le cadre du "semestre européen", la Commission recensera chaque année, à compter de 2011, les grands défis économiques auxquels est confrontée l’UE et définit les actions prioritaires en vue de les relever.
Elle les présentera sous la forme d’un "examen annuel de la croissance" qui alimentera les travaux du Conseil européen de printemps, qui se tiendra en 2011 les 24 et 25 mars.
Le tout premier examen annuel de la croissance se compose des éléments suivants:
1. une communication de la Commission: "Examen annuel de la croissance: vers une réponse globale à la crise"
Le document principal de l'examen contient des messages clefs prioritaires concernant les domaines budgétaires et macroéconomiques et certains aspects «thématiques». Il s’agit d’une sélection de problématiques que les chefs d’État ou de gouvernement devraient aborder en priorité lors de la réunion du Conseil européen en mars 2011.
2. un rapport sur l’état d’avancement de la stratégie Europe 2020
Ce rapport présente les progrès réalisés concernant les grands objectifs de l’UE, les projets de PNR et les programmes de réforme envisagés par les États membres;
3. un rapport macroéconomique
Ce rapport offre une perspective macroéconomique et met en évidence les mesures qui sont les plus susceptibles d’avoir des effets macroéconomiques positifs;
4. un projet de rapport conjoint sur l’emploi
Ce rapport s’intéresse à la situation de l’emploi et aux politiques relatives aux marchés du travail. C’est sur la base de ce document que se fondera le "rapport conjoint sur l’emploi" adopté par la Commission et le Conseil conformément à l’article 148, paragraphe 5, du TFUE.
L’examen annuel de la croissance est accompagné du document suivant :
5. une proposition de décision du Conseil sur les lignes directrices pour l’emploi
Il s’agit d’une extension technique des lignes directrices pour l’emploi adoptées il y a quelques mois, qui découle d’une obligation légale d’adopter chaque année de telles lignes directrices.
Dans sa communication principale, "Examen annuel de la croissance : vers une réponse globale à la crise", la Commission dresse d’abord un constat.
Pour faire face à la crise, l’UE a adopté des mesures décisives qui ont eu pour effet d’atténuer la détérioration des finances publiques et la hausse du chômage par rapport à d’autres parties du monde. L’Union offre selon la Commission "un niveau de protection sociale élevé qui a permis de modérer les effets de la crise, mais la reprise y est plus lente qu’ailleurs en raison d’une faible croissance de la productivité".
Les toutes dernières prévisions montrent selon elle des signes de reprise économique, quoiqu’encore inégaux.
Les marchés financiers restent volatils.
L’économie réelle a connu une évolution positive dans certains secteurs grâce à l’augmentation des exportations tirées par la reprise des échanges mondiaux. Des incertitudes subsistent néanmoins.
Les périodes de regain de confiance dans un retour à la croissance alternent avec des moments de déconvenue, notamment en raison des risques associés au marché de la dette souveraine.
Le secteur financier n’est pas encore revenu à des conditions normales et présente une vulnérabilité aux pressions et une dépendance à l’égard des aides publiques. Les conditions de crédit ne se sont pas encore normalisées et, dans certains États membres, l’endettement des ménages et des entreprises reste excessif.
Les conséquences de la crise se font toujours durement ressentir: l’activité économique a subi d’importants revers, le chômage a grimpé en flèche, la productivité a fortement baissé et les finances publiques se sont considérablement affaiblies.
D’ici la fin de 2012, les niveaux de production de onze États membres devraient toujours être inférieurs aux niveaux antérieurs à la crise.
En 2010, la dette publique brute agrégée de l’UE a augmenté pour atteindre quelque 85 % du PIB dans la zone euro et 80 % du PIB dans l’Union.
Conjuguée aux effets de l’évolution démographique, l’incidence budgétaire de la crise s’établira, à long terme, à quelque 4,5 % du PIB. Les faiblesses structurelles auxquelles il n’a pas été remédié avant la crise sont selon la Commission devenues plus visibles et plus urgentes.
« La crise a eu des conséquences désastreuses sur les sociétés européennes, même si les systèmes de protection sociale en ont atténué les effets », constate la Commission. La hausse du chômage est un problème fondamental. Globalement, 9,6 % de la population active est sans emploi. Dans certains pays, le chômage des jeunes atteint parfois 40 %. On estime qu’environ 80 millions de personnes vivent sous le seuil de pauvreté en Europe.
La crise économique a été mondiale, mais son incidence varie considérablement d’une région à l’autre de la planète. Si l’augmentation du chômage et des déficits publics a été plus marquée aux États-Unis qu’au sein de l’UE, la crise a encore creusé selon la Commission « l’écart existant entre ces derniers en matière de productivité de la main-d’œuvre ».
Pour la Commission, « la compétitivité des prix et des coûts reste problématique ».
Les économies émergentes renouent plus rapidement avec la croissance, même si certaines d’entre elles sont également confrontées à d’importantes difficultés économiques.
L’UE doit, dès lors, selon la Commission, « se servir de cette crise pour s’attaquer avec résolution à la question de sa compétitivité à l’échelle mondiale ».
La crise pourrait avoir un effet durable sur la croissance potentielle. En Europe, la croissance potentielle à moyen terme devrait rester faible ; elle est estimée à environ 1,5 % jusqu’en 2020, si aucune mesure structurelle n’est prise pour combler l’écart existant par rapport aux principaux concurrents de l’UE en matière de productivité de la main-d’œuvre.
Vue sa nature cyclique, la reprise ne peut, selon la Commission, insuffler à elle seule à l’Europe la dynamique nécessaire pour revenir à la situation économique d’avant crise ni absorber le déficit accumulé.
D’où les dix actions mises en avant par la Commission Barroso II en guise de "réponse globale".Celles-ci se répartissent dans trois domaines majeurs :
Mais cette réponse globale devra comporter d’autres éléments tels que la révision du Fonds européen de stabilité financière (EFSF). La Commission estime qu’il convient de renforcer la capacité de financement effective de ce fonds et d’élargir son champ d’action.
Il faut par ailleurs progresser dans l’établissement d’un mécanisme permanent de résolution des crises de la dette souveraine afin de garantir la sécurité et la stabilité des marchés.
Le mécanisme européen de stabilité, créé récemment, devrait compléter, en 2013, le nouveau cadre pour le renforcement de la gouvernance économique, le but étant de mettre en place une surveillance économique efficace et rigoureuse, et notamment d’examiner l’efficacité des actuels dispositifs financiers.
1. Mettre en œuvre un assainissement budgétaire rigoureux
Restaurer la viabilité des dépenses publiques est pour la Commission une condition sine qua non de croissance future.
Des ajustements annuels du solde budgétaire structurel de l’ordre de 0,5 % du PIB ne suffiront selon elle pas pour rapprocher le taux d’endettement des 60 % requis.
Il conviendrait donc selon la Commission de fournir un effort d’assainissement plus important fondé sur des règles budgétaires renforcées comme :
2. Corriger les déséquilibres macroéconomiques
Les déséquilibres macroéconomiques profonds et persistants sont selon la Commission "une source majeure de vulnérabilité, notamment au sein de la zone euro". Ce qui explique l’appel à ce que de nombreux États membres s’attaquent de toute urgence à leur manque de compétitivité.
La Commission distingue entre les Etats dont les déficits de la balance courante sont importants et les niveaux d’endettement élevés et ceux qui présentent d’importants excédents de leur balance courante.
Les États membres dont les déficits de la balance courante sont importants et les niveaux d’endettement élevés devraient présenter des mesures correctives concrètes dans leurs programmes nationaux de réforme (parmi lesquelles pourrait figurer une modération salariale stricte et soutenue passant notamment par la révision des clauses d’indexation inscrites dans les systèmes de négociation des salaires).
Les États membres qui présentent d’importants excédents de leur balance courante, (en fait il s’agit surtout de l’Allemagne qui est visée par ce propos, et pas le Luxembourg et la Suède qui sont aussi classés dans le camp des pays excédentaires mais auxquels on n’atteste aucun déséquilibre macro-économique apparent et une marge de manœuvre budgétaire et macro-économique, voir pp. 10 et 27 du rapport macroéconomique, n.d.l.r.) devraient identifier les raisons pour lesquelles leur demande intérieure reste obstinément faible et prendre des mesures pour y remédier (notamment en intensifiant la libéralisation du secteur des services et l’amélioration des conditions d’investissement). Toutefois, ajoute la Commission, "lorsque cette demande intérieure reste atone du fait d’une défaillance politique ou des marchés, des mesures appropriées devraient être mises en place".
3. Garantir la stabilité du secteur financier
Au niveau de l’UE, la Commission voudrait que l’on continue à renforcer le cadre de régulation, tout en améliorant la qualité des actions de surveillance du Comité européen du risque systémique (CERS) et des autorités de surveillance européennes, qui sont opérationnels depuis le début de 2011.
Elle voudrait également que soit accélérée la restructuration du secteur bancaire pour préserver la stabilité financière et soutenir l’octroi de crédits à l’économie réelle.
Les subventions publiques accordées au secteur bancaire dans son ensemble devraient être progressivement supprimées, en tenant compte de la nécessité de préserver la stabilité financière.
Conformément à l’accord de Bâle III signé récemment, les banques seront invitées à consolider progressivement leurs fonds propres de manière à améliorer leur capacité de résistance aux chocs.
La Commission élabore aussi un cadre global de résolution des crises bancaires. Un nouveau test de résistance, plus ambitieux et rigoureux, sera, en outre, organisé au niveau de l’UE en 2011.
La Commission voudrait écarter le risque d’un retour de la croissance sans création d’emplois suffisamment dynamique.
L’un des cinq objectifs que poursuit la stratégie Europe 2020 est de porter le taux d’emploi à 75 % d’ici 2020. Selon les dernières données, l’UE se situera en deçà de cet objectif de 2-2,4 %.
Cet écart peut selon la Commission être comblé par l’adoption de mesures visant à créer des emplois et à augmenter la participation de la main-d’œuvre. Ces réformes devraient tenir compte du vieillissement de la population de l’UE, de l’utilisation relativement faible de la main-d’œuvre par rapport à ce qui se passe dans d’autres pays du monde, développer les compétences et créer des incitations au travail.
4. Rendre le travail plus attractif
Selon la Commission, les taux de chômage sont élevés dans l’UE, la participation au marché du travail y est faible et l’on y travaille "un nombre moins important d’heures (…) que dans d’autres pays du monde", ce qui "affaiblit les performances économiques de l’UE".
Pour la Commission, "le faible taux de participation des catégories à bas revenus, des jeunes et des secondes sources de revenus est inquiétant. Les personnes les plus vulnérables risquent de se voir exclues durablement du marché du travail. Pour remédier à cette situation, les prestations devraient être liées plus étroitement à la formation et à la recherche d’un emploi".
Concrètement, la Commission prône les mesures suivantes :
5. Réformer les systèmes de retraite
L’assainissement budgétaire devrait s’appuyer sur une réforme des systèmes de retraite visant à les rendre "plus pérennes".
Les mesures concrètes prônées par la Commission dans les Etats membres:
La Commission procédera elle-même au réexamen de la directive concernant les fonds de pension et elle présentera de nouvelles mesures dans le cadre du suivi du livre vert sur les retraites publié en 2010, qui a déjà suscité de fortes polémiques.
6. Réinsérer les chômeurs sur le marché du travail
Une fois la reprise en marche, la Commission pense que les Etats membres devront revoir les allocations de chômage "afin de veiller à ce qu’elles fournissent des incitations au travail, permettent d’éviter la dépendance à l’égard des prestations et soutiennent l’adaptabilité à la conjoncture économique".
Concrètement, les États membres devraient
7. Concilier sécurité et flexibilité
La Commission, à l’instar de sa démarche sur la modernisation du droit du travail en 2007, est d’avis que "dans certains États membres, la législation relative à la protection de l’emploi crée des rigidités sur le marché du travail et empêche une participation plus importante au marché du travail".
Elle prône des réformes de "ce type de législation pour réduire la surprotection des travailleurs bénéficiant de contrats à durée indéterminée et offrir une protection aux travailleurs exclus ou en marge du marché du travail".
Les États membres pourraient selon elle "instaurer davantage de contrats à durée indéterminée afin de remplacer les contrats actuels temporaires ou précaires et d’améliorer ainsi les perspectives d’emploi pour les nouveaux recrutés".
Mais plutôt que le CDI classique, qu’elle qualifie dans sa communication du 26 novembre 2010 de contrat permanent, elle prône "une piste prometteuse » qui consisterait à créer un contrat qui recourt à des dispositions contractuelles à durée indéterminée, mais qui prévoit aussi « une période d’essai suffisamment longue et une progressivité des droits en matière de protection" (sans que la durée d’une telle période d’essai ne soit précisée ni si la rupture du contrat au cours d’une telle période doit être motivée par une cause réelle et sérieuse et sans motiver la décision au salarié licencié, comme le recommande le BIT dans de telles situations. n.d.l.r. ).
D’autres aspects de l’approche de la Commission sont la promotion de la flexibilité interne et l'adaptation de l'organisation du travail, la réduction du décrochage scolaire et la simplification des systèmes de reconnaissance des qualifications professionnelles en vue de faciliter la libre circulation des citoyens, des travailleurs et des chercheurs.
L’Union européenne n’atteindra selon la Commission les objectifs ambitieux qu’elle s’est fixés dans la stratégie Europe 2020 en matière de croissance durable et inclusive que si elle procède à des réformes structurelles urgentes des marchés de services et de produits afin d’améliorer l’environnement dans lequel évoluent les entreprises. La Commission prône les mesures suivantes :
8. Exploiter le potentiel du marché unique
Progresser sur le chapitre de la fiscalité suppose pour la Commission "également d’alléger au maximum la fiscalité du travail et d’adapter le cadre européen de taxation des produits énergétiques conformément aux objectifs poursuivis par l’UE dans le domaine de l’énergie et du climat", donc moins d’impôts directs sur le revenu et plus d’impôts indirects.
9. Attirer les capitaux privés pour financer la croissance
La Commission veut mobiliser « sans plus tarder » une plus grande part de l’épargne privée dans l’UE et à l’étranger. Pour cela, il faut selon elle des "formules novatrices". En voilà quelques-unes :
10. Permettre l’accès à l’énergie à un coût abordable
L’énergie est un des leviers clefs de la croissance.
Pour les entreprises, son prix est un élément de coût essentiel.
Pour les ménages, les factures d’énergie sont un poste important du budget et une source de difficultés particulières pour les ménages à faible revenu.
Mais la Commission, qui se base sur les plans actuels des États membres, craint que l’objectif d’une augmentation de 20 % de l’efficacité énergétique figurant dans la stratégie Europe 2020 puisse être "très largement compromis", ce qui serait pour elle "synonyme de possibilités de croissance gâchées dans de nombreux secteurs et de nombreuses régions, mais également de perspectives de création d’emplois perdues".
Elle voudrait donc que les États membres mettent rapidement mettre en œuvre l’ensemble du troisième paquet de mesures relatif au marché intérieur de l’énergie et renforcent leurs mesures en matière d’efficacité énergétique.
La Commission proposera elle-même en 2011 des mesures afin de faire progresser les infrastructures en matière de transports, d’énergie ou de télécommunications nécessaires à la création d’un marché unique véritablement intégré.
Elle travaille à l’élaboration de normes européennes pour les produits économes en énergie afin de favoriser l’expansion des marchés de produits et de technologies innovants.
L’examen annuel de la croissance dans l’UE a conduit la Commission à définir pour la période 2011/2012, dix actions pour l’UE, qui s’inscrivent dans la stratégie Europe 2020.
Elle propose maintenant "que le Conseil européen adopte un accord reprenant ces actions, par lequel les États membres s’engageraient à les mettre en œuvre".
Elle pointe sur les interdépendances entre les États membres, en particulier dans la zone euro et mise sur la coordination en amont au niveau du Conseil qui "constitue la clef de voûte du semestre européen".
Sur la base des orientations définies par le Conseil européen, les États membres devraient présenter, d’ici à la mi-avril 2011, leurs engagements nationaux dans le cadre des stratégies budgétaires à moyen terme au titre des programmes de stabilité et de convergence et exposer, dans leurs programmes nationaux de réforme, les mesures nécessaires pour concrétiser la réponse globale à la crise inscrite dans la stratégie Europe 2020.
S’appuyant sur ses recommandations, la Commission attend que le Conseil formule, avant l’été 2011, des orientations politiques pour chaque pays, dont les États membres devront tenir compte lors de l’élaboration de leur budget pour 2012 et dans la mise en œuvre de leur politique en matière de croissance, c’est-à-dire dans les domaines budgétaire, fiscal, énergétique, financier, social et de l’emploi, entre autres.
Le Conseil évaluera conjointement les stratégies dans les domaines du budget et de la croissance, en s’intéressant à leur ambition, à leur cohérence et à leurs répercussions au niveau de l’Union, y compris en ce qui concerne les interdépendances dans la zone euro.
La Commission propose que, lors de ses prochaines réunions, le Conseil européen examine régulièrement la mise en œuvre de ces orientations politiques, afin de repérer les problèmes au niveau tant national qu’européen et de convenir rapidement de mesures correctives.
A signaler en dernier lieu que le Parlement européen et les parlements nationaux auront eux aussi leur mot à dire.