Eurostat, l'office statistique de l'Union européenne, a publié le 27 janvier 2011 une décision sur l'enregistrement des opérations de la Facilité Européenne de Stabilisation Financière (EFSF). Eurostat a en effet décidé que les fonds levés dans le cadre de la Facilité Européenne de Stabilisation Financière doivent être enregistrés dans la dette publique brute des Etats membres de la zone euro participant à une opération de soutien, en proportion de leur part dans la garantie accordée.
Cette décision est conforme à l'opinion exprimée à une large majorité par le Comité des statistiques monétaires, financières et de balance des paiements (CMFB).
La création d'une Facilité Européenne de Stabilisation Financière (EFSF) a été décidée lors de l'accord du 7 juin 2010 passé entre les 16 Etats qui étaient membres de la zone euro à cette date. Cette Facilité, créée pour trois ans et destinée aux pays de la zone euro, permet de lever jusqu'à 440 milliards d'euros pour prêter à un Etat membre les fonds qu'il ne serait plus en mesure d'emprunter sur les marchés ou à des conditions trop élevées. Cette levée de fonds par l'EFSF est assortie d’une garantie irrévocable et inconditionnelle apportée par les membres de la zone euro, au prorata de leur part dans le capital de la Banque centrale européenne ajustée pour chaque opération de soutien.
L'entité chargée de gérer la Facilité est une société anonyme localisée à Luxembourg. Cette société (dont le capital de départ est de 30 millions d’euros) n'est pas une institution de crédit soumise aux dispositions légales en vigueur au Luxembourg pour ce type d'institution.
En cas de demande d'un Etat membre de bénéficier de cette Facilité, la Commission, en liaison avec la Banque centrale européenne et le Fonds Monétaire International, fait une proposition sur une "facilité de prêt" aux pays membres de la zone euro qui en prennent ensuite la décision à l’unanimité. L’EFSF est chargée d'obtenir le financement sur les marchés, et d'octroyer les prêts, avec le concours technique d'autres institutions, notamment la Banque Européenne d'Investissement (BEI) et la Finanzagentur (agence de la dette publique allemande).
Pour Eurostat, la question principale est de déterminer, en cas d'activation de la Facilité, à qui doit être affectée la dette levée dans ce cadre. L'Etat membre bénéficiaire du prêt aura bien sûr une dette, mais à qui appartient la dette initialement souscrite par la Facilité pour effectuer le prêt ?
L’opinion d’Eurostat est que l’EFSF ne réunit pas toutes les caractéristiques habituelles d’une unité institutionnelle au sens du SEC95. En effet, elle ne dispose pas de capacité d’initiative et a une autonomie de décision limitée dans l'exercice de sa fonction principale, l’octroi de prêts aux Etats en difficulté et leur financement. Les décisions relatives à cette mission principale sont en effet soumises à l’approbation préalable des pays de l’Eurogroupe participant à une opération de soutien, le plus souvent à l’unanimité. Par ailleurs, Eurostat considère que l’EFSF ne peut être considérée comme une institution financière internationale dont elle ne présente aucune des caractéristiques habituelles. Elle ne pourrait également être consolidée avec une des institutions européennes établies par les Traités (comme la Commission européenne, le Conseil ou le Parlement). En effet, l’EFSF ne rend compte de son activité qu’à l’Eurogroupe (reconnu dans le Traité de Lisbonne comme un simple groupe de travail du Conseil) et n’est pas sous le contrôle des institutions européennes existantes.
Eurostat considère ainsi que l’EFSF est un outil comptable et de trésorerie destiné à permettre que les conditions d'accès à l'emprunt soient les mêmes pour les membres de la zone euro, agissant exclusivement pour le compte de ces derniers et sous leur total contrôle. N'étant pas une unité institutionnelle au sens des comptes nationaux, les opérations de l’EFSF doivent être partiellement consolidées, dans les tableaux de comptabilité nationale, avec les unités institutionnelles dont elle dépend, en l'occurrence, les gouvernements des Etats-Membres de la zone euro.
Sur la base de cette analyse, Eurostat considère ainsi que la dette émise par l’EFSF, à l’occasion de chaque opération de soutien à un membre de la zone euro doit être réallouée dans les comptes publics des Etats apportant leur garantie, au prorata de leur part en tant que garant dans chaque opération d’émission de dette. Elle sera ainsi comptabilisée dans la dette publique des Etats ayant apporté leur garantie.
Sur le plan de l'enregistrement comptable, l’EFSF sera classée en comptabilité nationale dans le secteur des sociétés financières du Luxembourg. Les emprunts qu’elle effectuera demeureront sous son propre nom mais, dans les comptes nationaux, cette dette donnera lieu, en sus, à l’enregistrement d’un prêt de l’EFSF aux Etat membres garants, sur la base de leur part dans la garantie dans l’opération d’emprunt. Ces Etats membres enregistreront dans leurs comptes nationaux, pour leur part et pour un montant égal au prêt de l’EFSF enregistré dans leurs comptes, un prêt en faveur de l’Etat membre de la zone euro qui aura sollicité l’activation du mécanisme de soutien mutuel via l’EFSF. Cela ne modifiera pas le montant de la dette publique de l’Etat emprunteur mais, simplement, la répartition géographique de celle-ci.
L'enregistrement de ces flux via les Etats membres apportant leur garantie aura donc un impact sur leur dette publique brute (au sens de Maastricht) mais cette opération sera neutre du point de vue de leur dette, nette des prêts qu’ils auront accordés dans le cadre d’opérations de soutien à d’autres Etats membres.
En outre, tous les flux de revenus (intérêts, marges et commissions de service), enregistrés sur la base des droits constatés, transiteront dans les comptes nationaux par les Etats ayant apporté leur garantie. Une partie de ces flux (marges et commissions de service) aura un impact positif sur le déficit/surplus de ces Etats.
Cette décision contribue à la comparabilité des données de finances publiques sur l’ensemble de l’UE puisqu’elle permet d'enregistrer de façon identique, notamment en ce qui concerne l’impact sur les dettes brutes et nettes, toutes les opérations de soutien, qu’elles soient effectuées sur une base bilatérale – comme dans le cas de la zone euro pour la Grèce au printemps 2010 ou de la part de certains Etats non membres de la zone euro dans le cas de l’Irlande – ou par l’intermédiaire d’une entité spécifique comme l'EFSF.
Eurostat publiera dorénavant, dans son communiqué de presse semestriel portant sur la notification des données de déficit et de dette publics des Etats membres de l'UE, les éléments qui permettront de calculer la dette des Etats membres, nette des prêts qu’ils auront accordés dans le cadre d’opérations de soutien à d’autres Etats membres.