Les dirigeants de l'UE ont adopté lors du Conseil européen du 4 février 2011 un plan d'action pour assurer à leurs populations du gaz et de l'électricité "à des prix abordables". La France et la République tchèque ont fait admettre le nucléaire dans les énergies à faibles émissions de CO2. En effet, les dirigeants européens insistent dans leur déclaration sur la nécessité de "promouvoir l’investissement dans les énergies renouvelables et les technologies à faibles émissions de CO2", ou, comme on le lit dans la terminologie anglaise de ces mêmes conclusions du sommet, "les énergies faiblement carbonées", une référence cryptique au nucléaire.
L'objectif global du sommet européen de vendredi était de
L'Union européenne dépense chaque année 270 milliards d'euros pour ses achats de pétrole et 40 milliards d'euros pour ses approvisionnements en gaz, soit 2,5 % de son PIB.
La part du gaz pour la production d'électricité dans l'UE a triplé en quinze ans et entre 73 % et 79 % du gaz naturel consommé d'ici à 2020 sera importé de Russie, d'Algérie et de Norvège. Or le prix du marché reste indexé sur celui du pétrole.
Ces objectifs vont nécessiter des investissements considérables. La Commission les a chiffrés à 1 000 milliards d'euros d'ici à 2020, dont 200 milliards pour des "autoroutes" de l'électricité, les corridors de gazoducs et les interconnexions entre pays à réaliser immédiatement.
L'électricité devra en outre être économisée. L'efficacité énergétique devient le maître mot et l'effort devra être mené en priorité dans les secteurs de la construction et des transports.
Partant du constat que "l'UE a besoin d'un marché intérieur de l'énergie intégré, interconnecté et pleinement opérationnel", les États membres "doivent donc mettre en œuvre rapidement et intégralement la législation relative au marché intérieur de l'énergie" d'ici 2014, de façon à permettre la libre circulation du gaz et de l'électricité.
En coopération avec l'Agence de coopération des régulateurs de l'énergie (ACER), les régulateurs nationaux et les gestionnaires de réseaux de transport devront intensifier leurs travaux dans le domaine du couplage de marchés et de la définition de lignes directrices ainsi que dans celui des codes de réseau applicables à l'ensemble des réseaux européens.
Des normes techniques pour les systèmes de charge pour véhicules électriques devraient être adoptées à la mi-2011 et des normes pour les réseaux et compteurs intelligents fin 2012.
Il faudra également "moderniser et développer les infrastructures énergétiques de l'Europe" et "interconnecter les réseaux au-delà des frontières".Cela est nécessaire pour que "d'autres voies d'acheminement ou de transit et d'autres sources d'énergie deviennent une réalité concrète et que des sources d'énergie renouvelables se développent et concurrencent les sources d'énergie traditionnelles". A partir de 2015, "aucun État membre de l'UE ne devrait rester à l'écart des réseaux européens du gaz et de l'électricité(..) ni voir sa sécurité énergétique mise en péril par le manque de connexions appropriées."
Chose importante, les conclusions disent que "les coûts élevés des investissements dans les infrastructures devront être pris en charge pour l'essentiel par le marché, ces coûts étant ensuite récupérés par la tarification." Cela veut dire que les 200 milliards d’euros d’investissements seront répercutés sur le consommateur final de l’énergie, même si les conclusions disent qu’il faudra tenir « compte des répercussions sur les consommateurs ». Malgré cette répercussion des coûts, la Commission a estimé que les consommateurs devraient épargner jusqu’à 1 000 euros par an.
Du côté des économies d’énergies, l'objectif européen d'une augmentation de 20 % de l'efficacité énergétique n’a pas été atteint, a-t-on constaté au Conseil européen. "Le potentiel considérable qu'offrent les bâtiments, les transports et les procédés de production en termes d'augmentation des économies d'énergie" devra être exploité. Concrètement, "à compter du 1er janvier 2012, tous les États membres devraient intégrer dans les procédures de marchés publics pour les services et bâtiments publics concernés, des normes en matière d'efficacité énergétique qui tiennent compte du grand objectif de l'UE".
En disant dans les conclusions que "l'UE et ses États membres encourageront les investissements dans les énergies renouvelables et les technologies à faibles émissions de CO2 (ou "faiblement carbonées", comme dans la version anglaise des conclusions, alinéa 10) à sûres et durables", l’UE semble accorde une nouvelle place à l’énergie nucléaire.
D’autre part, des nouvelles initiatives seront prises en matière de réseaux énergétiques intelligents, de développement de véhicules propres, de stockage de l'énergie et de biocarburants durables et d’économies d'énergie dans les villes.
En même temps, les dirigeants ont exprimé leur intention « de mieux coordonner les activités de l'UE et des États membres afin de garantir la cohérence des relations extérieures de l'UE avec les principaux pays producteurs, consommateurs et de transit. »
Les États membres sont ainsi "invités à informer la Commission, à compter du 1er janvier 2012, de tous les accords bilatéraux en matière d'énergie, nouveaux et existants, qu'ils ont conclus avec des pays tiers". La sécurité énergétique sera dorénavant un objet de la politique extérieure et de voisinage de l’Union dont la Haute Représentante, Catherine Ashton devra tenir compte.
Autre aspect : la diversification des voies et des sources d'approvisionnement de l’UE. La Commission est chargée de faciliter le développement de couloirs stratégiques pour le transport de volumes importants de gaz tels que le corridor gazier sud-européen.
D’autre part, les dirigeants européens voudraient que "le potentiel dont dispose l'Europe en matière d'extraction et d'utilisation durables de ressources en combustibles fossiles conventionnels et non conventionnels (gaz de schistes et schiste bitumineux)" soit évalué.
"Un partenariat avec la Russie fiable, transparent et fondé sur des règles, dans les domaines présentant un intérêt commun dans le secteur de l'énergie", la coopération avec les pays tiers en vue de s'attaquer à la volatilité des prix de l'énergie sont d’autres objectifs de l’Union.
L’eurodéputé vert luxembourgeois Claude Turmes et le président de son groupe parlementaire, Daniel Cohn-Bendit, qui ont tous les deux tirés des conclusions du sommet du 4 février 2011, sont d’accord sur une chose. Le premier a déclaré à la presse que les dirigeants européens "n’ont pas cassé la vaisselle", mais qu’ils n’ont pas non plus "pris des décisions importantes pour le futur", et le second a déclaré que "les conclusions de ce Sommet n'apportent aucune valeur ajoutée".
Claude Turmes ne perçoit plus de réelle volonté de la part de l’Union de vouloir lutter contre le changement climatique.
Au lieu d’ouvrir la porte aux investissements massifs en énergies renouvelables, les dirigeants auraient ouvert la porte au lobby nucléaire. Ce que ne pense pas son collègue Daniel Cohn-Bendit qui déclare : "Heureusement, les tentatives de promotion de l'énergie nucléaire par l'industrie nucléaire et ses préposés au sein des gouvernements français et tchèque ont largement échoué. L'énergie nucléaire est une distraction coûteuse et chronophage, et les dirigeants de l'UE doivent continuer à en repousser les mirages."
Claude Turmes n’apprécie guère non plus l’idée d’envisager le recours à des combustibles fossiles non conventionnels comme les gaz de schistes et le schiste bitumineux. Il estime que cette idée est dangereuse, ces ressources sont instables.