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Agriculture, Viticulture et Développement rural - Énergie - Environnement
Lors de sa visite au Luxembourg, l’eurodéputé vert José Bové s’en est pris aux lobbies de l’agro-alimentaire, aux OGM et à l’exploitation de gaz schisteux, tout en prônant une Europe qui amplifie les luttes qu’il mène
16-03-2011


José Bové à Luxmebourg le 16 mars 2011L’eurodéputé vert José Bové, qui est aussi une figure du mouvement altermondialiste, a effectué le 16 mars 2011 une visite au Luxembourg avec passage à Vianden, d’où sa grand-mère est originaire, déjeuner-presse et conférence le soir dans la capitale.

José Bové, qui a été condamné à des peines de prison ferme pour avoir participé à la destruction en 1999 d’un restaurant McDonald's  en construction et pour avoir fauché illégalement des champs d’OGM au début des années 2000, et qui a été candidat aux élections présidentielles françaises en 2007, est aujourd’hui vice-président de la commission Agriculture et Développement rural au Parlement européen.

Contre les OGM et pour une Europe qui amplifie ce combat

Dans un entretien qu’il a accordé au journaliste du "Quotidien", Romain Van Dyck, José Bové s’explique le fait que le Luxembourg  est "un des pays qui dit non aux OGM" est "lié à la forme d'agriculture au Luxembourg", une agriculture variée et de petites parcelles.

L’eurodéputé est en faveur de l’arrêt de toutes les autorisations d'OGM. Il faut selon lui transformer les critères d'évaluation et retravailler "sur l'indépendance vis-à-vis des lobbies et des groupes de pression." Optimiste, il pense que "l'Europe est en train de prendre conscience de ce souci d'indépendance".

Optimiste, il l’est aussi en ce qui concerne le débat prévu le jeudi 17 mars 2011 avec le commissaire John Dalli, qui est en charge de la question des OGM à la Commission européenne. "Fin 2010, ce même commissaire n'avait pas tenu compte de la pétition européenne demandant le gel des autorisations d'OGM, au motif - justifié- que celle-ci n'était pas légale...", a-t-il en effet rappelé, avant de poursuivre : "maintenant que la pétition rentre dans le cadre de la proposition législative votée il y a à peu près un mois, elle est à nouveau lancée, et on attend des suites. Mais c'est clair, il y a un décalage avec l'opinion, alors que tous les groupes politiques européens insistent sur le fait qu'on ne peut pas faire comme si cette contestation n'existait pas."

Optimiste, José Bové l’est de même sur l’Europe qui est pour lui un amplificateur du combat contre les OGM, parce qu’elle permet de fédérer beaucoup plus "d'associations, de mouvements d'écoles, d'ONG, et même de pays comme le Luxembourg." Les surfaces cultivées avec des produits OGM ont reculé de 35 %, "les débats s'accélèrent sur la question de l'évaluation des OGM". Preuve en est aussi selon José Bové que le 31 mars 2011 par exemple, l'EFSA, l’autorité européenne de sécurité des aliments, dont la présidente a été obligée suite à des révélations de José Bové de démissionner de certains organismes liés à l’industrie alimentaire, organise un débat à Bruxelles sur le thème de la base juridique des OGM. "Donc, tout cela montre qu'aujourd'hui, ils sont très mal à l'aise, car on a grosso modo deux tiers des Européens qui sont vent debout contre les OGM."

Reste que si les OGM reculent en Europe, ils augmentent par contre dans le monde, notamment "au niveau de l'agriculture, pour nourrir les animaux." Mais en Europe, un marché stratégique, car solvable, "les firmes ont compris qu'elles se sont plantées (...) et qu'elles n'arriveront à rien faire avant dix ou quinze ans".

Quand les grandes institutions mondiales s’invitent dans la vie quotidienne des agriculteurs qui résistent

Lors de sa conférence devant une salle comble, José Bové a expliqué comment, dans les années 80, le GATT, et donc l’OMC, a fait intrusion dans la vie quotidienne des agriculteurs. En Europe, on venait de rejeter l’introduction des hormones dans l’élevage des bœufs. Mais il n'y avait alors, à cause des règles de l’OMC, aucune possibilité de refuser l’entrée de ce genre de bœuf venant par exemple des Etats-Unis sur le territoire de la Communauté économique européenne de l’époque. Finalement, la CEE a pu refuser ces importations, mais suite à des luttes.

La réaction des Etats-Unis fut de surtaxer en 1989 60 produits européens, dont le fromage Roquefort, produit précisément dans la région où José Bové a aussi son exploitation agricole. Un accord intervenu en 1999 revenait sur la sur-taxation de 59 produits, mais le Roquefort allait être touché pour 3 ans supplémentaires. Ce qui a le plus révolté à l’époque José Bové, c’est que des règles comme celles de l’OMC étaient décidées à un niveau européen, mais que les producteurs directement concernés n’avaient pas droit à la parole, ni avant ni après les accords. S’il s’en est pris en 1999 à un restaurant McDonald's à l’époque, explique le militant, c’était pour s’attaquer à "la bouffe OMC-compatible".

De l’utilité de l’Europe et de son Parlement qui est "une formidable caisse de résonance"

"Si l’on ne se bat pas au niveau de l’UE, ce genre de pratiques peut continuer", a enchaîné José Bové, qui a rappelé différents succès européens obtenus depuis 2009 par le Parlement européen : le rejet de l’importation de poulets chlorés, le rejet de l’emploi de la trombine, un additif sanguin qui permet d’agglutiner des pièces de viande séparées, ou bien le rejet de l’importation de viandes clonées. Actuellement, il y a des poussées pour légiférer sur les animaux clonés transgéniques. Ces exemples montrent que le Parlement européen s’établit progressivement sous le traité de Lisbonne comme un contrepouvoir.

Preuve en est dans un autre domaine, selon José Bové, le vote en faveur d’une taxe sur les transactions financières, sujet que le Conseil est maintenant obligé de traiter et qui pourrait rapporter 200 milliards d’euros par an, alors que l’actuel budget de l’UE est de 160 milliards, et qui pourrait donc doubler le budget de l’UE sans toucher à la bourse des citoyens européens et permettre à l’UE d’exister vraiment, de la sortir de la logique des Etats. Bref, pour José Bové, "le Parlement européen peut changer la règle du jeu".

Dans le domaine agro-alimentaire, il est pour le député européen important qu’il ait jonction entre les agriculteurs, les consommateurs, les associations et les forces politiques. Et le Parlement européen est "une formidable caisse de résonance" où les Verts ont placé leurs élus, qui ont selon José Bové tous une légitimité sur le terrain dans leur domaine, dans les commissions de travail où ils pourraient donner le meilleur d’eux-mêmes. Ils ont contraint selon lui le commissaire John Dalli à entamer un dialogue et l’EFSA à tenir compte de ce qui se passe en dehors des milieux de l’industrie agro-alimentaire. Pour José Bové, la façon dont la Commission prépare ses propositions dans le domaine agro-alimentaire en s’en remettant avant tout aux lobbies et à l’industrie est une manière subtile de "construire l’acceptation sociale de nombreux sujets".           

Une nouvelle préoccupation : la prospection et l’exploitation les gaz schisteux

Un des points forts de la conférence de José Bové a été consacré, en tandem avec Claude Turmes, l’eurodéputé vert luxembourgeois, à la question des gaz de schistes. Il s’agit de récupérer les gaz contenus dans les couches José Bové et Claude Turmes à Luxembourg le 16 mars 2011géologiques schisteuses situées entre 2 000 et 4 000 m de profondeur. Après le forage, ces couches géologiques doivent être fracturées par de l’eau injectée à très haute pression pour dégager les gaz retenus vers la surface. Cette eau injectée par millions de litres est fluidifiée par des additifs chimiques pour qu’elle ne s’attache pas aux parois des forages qui traversent les nappes phréatiques. Elle doit être amenée en surface par des camions-réservoirs vers les puits. L’exploitation du gaz schisteux a donc un impact sur l’environnement, nécessite de grandes infrastructures routières dans des régions non bâties, génère des rebuts et comporte des risques pour les nappes phréatiques. D’autre part, un puits rend bien pendant 1 an et demi, et puis peu pendant 3 à 4 ans. Au Canada, 20 puits sur 30 relèvent de la contamination, avec un bilan énergétique plutôt négatif. Pour José Bové il s’agit d’une "industrie migrante qui détruit des territoires pour un gain modeste et des risques majeurs".

En France, des permis de prospérer ont été délivrés selon José Bové en 2007 pour 12 000 km2 de territoire dans le bassin du Rhône et l’Ardèche, sans que les communes aient été consultées. GDF-Suez et Total travaillent avec des brevets américains dans un vide juridique, mais les résistances locales se constituent.         

Dans ce contexte, l’UE a aussi pris des initiatives. Claude Turmes a expliqué comment au dernier moment, la Pologne, avec le soutien de la France et de l’Allemagne, a placé un paragraphe sur les gaz schisteux dans les conclusions du Conseil européen consacré à l’énergie le 4 février 2011, dont voici la teneur : "Afin de renforcer la sécurité de l'approvisionnement de l'UE, il conviendrait d'évaluer le potentiel dont dispose l'Europe en matière d'extraction et d'utilisation durables de ressources en combustibles fossiles conventionnels et non conventionnels (gaz de schistes et schiste bitumineux)." Les Verts européens, et avec eux Claude Turmes, avaient tout de suite dénoncé cette idée comme "dangereuse" et ces ressources comme "instables", mais sans grand effet médiatique, tous étant concentrés sur la crise économique et financière.

Ensuite, le Conseil TTE consacré à l’énergie du 28 février 2011 a néanmoins rappelé en guise de correctif dans ses conclusions qu’il fallait tenir compte de la législation sur l’environnement. On y lit au paragraphe 5.d. : "Afin de renforcer encore la sécurité de l'approvisionnement de l'UE, il conviendrait d'évaluer le potentiel dont dispose l'Europe en matière d'extraction et d'utilisation durables de ressources en combustibles fossiles conventionnels et non-conventionnels (gaz de schistes et schiste bitumineux), dans le respect de la législation existante relative à la protection de l'environnement. À cet égard, une attention particulière devrait être accordée aux problèmes auxquels est confronté le secteur du raffinage, qui pourraient conduire à une dépendance accrue vis-à-vis d'un petit nombre de fournisseurs."

Entretemps, un conflit existerait selon Claude Turmes entre la DG Energie de la Commission et la DG Environnement, qui est "not amused" pour ne pas avoir été consultée, et qui insiste sur le respect des directives eau et habitat.