A l’approche de la Journée internationale de la Femme, qui a lieu chaque année le 8 mars, l’attention accordée à l’égalité hommes femmes se fait plus grande. La Commission européenne s’est ainsi focalisée le 5 mars 2011 sur les écarts de salaire qui existent entre les genres à l’occasion de la première journée de l’égalité salariale à l’échelle de l’UE.
Dans l’Union européenne, les femmes gagnent en moyenne 17,5 % de moins que les hommes tout au long de leur vie. La Commission européenne s'est engagée à combler l'écart de salaire entre hommes et femmes et a publié en septembre 2010 une stratégie globale pour l'égalité entre les femmes et les hommes.
"97 millions de femmes en Europe travaillent depuis le 1er janvier, mais ne seront effectivement payées qu'à partir de cette semaine", s'est amusée à compter Viviane Reding, vice-présidente de la Commission européenne et commissaire en charge de la justice, pour bien marquer l'écart que cela représente.
L'égalité de rémunération pour un travail égal est l’un des principes fondateurs de l'Union européenne. Le traité de Rome le consacrait déjà en 1957. Or l'écart salarial entre hommes et femmes ne s'est réduit que progressivement. D'après les chiffres les plus récents, pour l'année 2008, cet écart varie de 5 % en Italie à 30 % en Estonie. Ces chiffres dénotent les inégalités complexes et persistantes qui caractérisent le marché du travail.
La question de l'écart entre les rémunérations des femmes et des hommes, à travail égal, avait fait l’objet en février 2010 d’un débat à la Chambre à la demande du groupe politique LSAP. La ministre de l’Egalité des Chances, Françoise Hetto, avait alors qualifié cet écart de rémunération "d’injustice fondamentale", tandis que le ministre du Travail, Nicolas Schmit, le jugeait "inacceptable". La ministre de l’Egalité des chances, qui plaidait pour un salaire égal à travail égal, rappelait que le principe de l’égalité de traitement était ancré dans la loi et se disait prête à réfléchir à des sanctions afin de faire appliquer la loi en la matière. "Le gouvernement a la possibilité d’une obligation de résultat", déclarait aussi la ministre avant de souligner qu’il fallait se laisser le temps d’aller plus dans le détail.
Un an plus tard, le groupe Déi Gréng a demandé, pour faire le point sur ce sujet, une heure d’actualité à l’occasion de la 100e Journée Internationale de la Femme. Comme elle leur a été refusée, la députée Viviane Loschetter a convoqué la presse, aux côtés du président du parti Déi Gréng, Christian Goebel, pour que ce sujet, qui n’est certes pas nouveau, devienne "une actualité". Le groupe politique veut appeler le gouvernement à l’action.
Car si le Luxembourg se situe en dessous de la moyenne européenne pour ce qui est de l’écart entre les rémunérations - l’écart salarial entre hommes et femmes y est de l’ordre de 12,4 % -, il ne faut pas perdre de vue que les femmes sont nettement moins nombreuses que les hommes sur le marché du travail luxembourgeois (les taux d’emploi sont respectivement de 55 et 71,5 %), et que celles qui travaillent le font bien souvent à temps partiel (c’est le cas pour 38,3 % des femmes contre 2,7 % des hommes).
Pour les Verts, la question de l’égalité des genres sur le marché du travail est très liée aux chances de croissance de l’économie. Ils se basent pour plaider en ce sens sur une étude réalisée sous présidence suédoise qui démontre que l’égalité des genres sur le marché du travail augmente de 15 à 45 % les performances économiques d’un pays…
Viviane Loschetter déplore au Luxembourg le manque d’une stratégie politique en matière d’égalité de rémunération, et elle plaide pour des sanctions contraignantes. Syndicats et partenaires sociaux, comme les organisations professionnelles, devraient avoir aussi leur rôle à jouer.
Christian Goebel a appelé quant à lui à une plus grande transparence du système salarial. Une des revendications des Verts est en effet de disposer de statistiques nationales approfondies sur les rémunérations et les carrières afin de pouvoir agir de façon ciblée, selon les branches, la taille des entreprises, ou encore les niveaux de carrières et de responsabilité.
Les Verts dénoncent aussi le fait que les femmes sont sous-représentées dans les fonctions dirigeantes et ils plaident à ce titre pour l’introduction de quotas contraignants.
Le sujet est à l’ordre du jour tant dans l’UE qu’au Luxembourg.
Ainsi, Viviane Reding, qui a rencontré le 1er mars dernier les PDG et membres de conseils d'administration de plusieurs grandes entreprises européennes afin d'examiner les moyens d'accroître le nombre de femmes au sein des conseils d'administration, est prête, en dernier recours à faire usage de quotas.
Dans un entretien accordé à Nadia di Pillo publié dans le Luxemburger Wort du 7 mars 2011, Viviane Reding fait le récit de cette journée. "J'ai demandé aux entrepreneurs de m'expliquer pourquoi ils n'avaient pas accru la présence des femmes dans leurs conseils d'administration. Je les ai ensuite interrogés sur les initiatives qu'ils comptaient prendre pour améliorer la représentation féminine", relate-t-elle, soulignant que "l'heure n'est plus aux belles paroles". "Dans un premier temps, il appartiendra aux entreprises elles-mêmes de proposer des solutions au sein de leur conseil d'administration", a précisé la commissaire. Mais, en l'absence de progrès convaincants après analyse des grandes entreprises cotées en Bourse l'année prochaine,"l'Europe imposera des quotas juridiquement contraignants dès 2012", a-t-elle promis.
Comme elle, la ministre luxembourgeoise Françoise Hetto voit les quotas comme "arme ultime". C’est ce qu’elle a confié dans un entretien publié dans le Jeudi daté du 3 mars 2011. La ministre entend cependant "préparer le terrain". "Si on veut suivre la voie - dans un premier temps - des quotas volontaires, il faut donner aux entreprises la possibilité et le temps de s'adapter", estime la ministre de l'Egalité des chances. "Ensuite, quelle date nous choisirons comme épée de Damoclès si rien ne bouge... il faudra voir", répond-elle à la journaliste Laurence Harf. Françoise Hetto veut en effet "donner encore une chance aux entreprises", "sans fixer de date à ce jour". Elle ajoute cependant un peu plus loin : "si on voit que rien ne se passe, disons au bout de trois ans, il faut pouvoir dire: `Ça suffit, voilà la loi´." Mais elle espère d’ici là trouver un consensus "sans en arriver à l'obligation légale".
Grâce à la législation de l'UE et à la législation nationale en matière d'égalité des rémunérations, les cas de discrimination directe – différences de salaire entre hommes et femmes pour le même travail – ont diminué. Cependant, l'écart salarial a des incidences bien plus larges: il témoigne d'une discrimination et d'une inégalité persistantes sur le marché du travail dans son ensemble.
L'effet des inégalités salariales entre hommes et femmes sur les revenus gagnés tout au long de la vie signifie que les femmes percevront aussi une pension de retraite moins élevée. Ainsi, les femmes âgées sont davantage confrontées au risque de vivre dans la pauvreté: dans la classe d'âge des 65 ans et plus, 22 % des femmes sont menacées de pauvreté, contre 16 % des hommes.
Les activités de sensibilisation sont essentielles pour informer employeurs, travailleurs et parties prenantes des raisons de l'écart de rémunération persistant entre hommes et femmes et de la manière dont nous pouvons le réduire. Voilà pourquoi la Commission poursuit une campagne d'information à l'échelle de l'Union et mène des actions dans l'ensemble des 27 États membres de l'UE. Une calculatrice en ligne de l'écart salarial entre hommes et femmes permet aux employeurs et aux travailleurs de se rendre compte de cet écart.
Une enquête Eurobaromètre sur l'égalité hommes-femmes, qui a été publiée l'année dernière, a révélé que 62 % des Européens estiment que des inégalités entre les sexes subsistent dans de nombreux secteurs de la société. 82 % des personnes interrogées ont déclaré qu'il fallait remédier d'urgence à l'écart salarial entre hommes et femmes, et 61 % pensent que les décisions prises au niveau de l'UE ont un rôle important à jouer dans la promotion de l'égalité entre les sexes.