L’évolution de la situation sur le site japonais de Fukushima est à la une de l’actualité depuis plusieurs jours.
Au niveau européen, l’inquiétude est grande et, après une première réunion le 15 mars 2011, des tests de résistance des centrales nucléaires européennes sont en cours de discussion. Les ministres de l’Environnement vont se réunir à ce sujet à l’occasion d’un Conseil extraordinaire le 21 mars prochain.
Au Luxembourg, le ministre Jeannot Krecké, qui est en charge de l’énergie, a déclaré le 16 mars 2011 que le gouvernement maintenait "son attitude critique sur l’énergie nucléaire". Il a ainsi proposé de redéployer, au niveau européen, les moyens financiers engagés pour le développement d’un réacteur à fusion nucléaire vers des recherches dans le domaine des énergies renouvelables.
Au lendemain de ses déclarations, déi gréng ont réagi devant la presse, faisant part à leur tour de leur préoccupation au vu de la situation au Japon, mais aussi de leur colère à l’égard du gouvernement luxembourgeois. Ils appellent ce dernier à signifier par écrit au Conseil des ministres de l’UE dès le 21 mars 2011 son intention de se retirer du projet ITER et à soutenir le développement des énergies renouvelables et l’efficacité énergétique.
Claude Turmes et Henri Kox attendent du Premier ministre qu’il prenne position sur ces questions lors de son discours sur l’état de la Nation. Pour eux, c’est à lui désormais de montrer la voie à suivre concrètement, pas à pas, pour sortir du nucléaire.
La Commission a invité les représentants des gouvernements des Etats membres de l’UE à se réunir à Bruxelles le 15 mars 2011 pour décider notamment d'effectuer des tests de résistance de leurs centrales nucléaires aux tremblements de terre, raz-de-marée et attaques terroristes, à la suite de la succession d'accidents survenue au Japon.
Ces tests de résistance seront "réalisés par des experts indépendants dans le courant de l'année", a expliqué à l’issue de cette réunion le commissaire en charge de l’Energie, Günther Öttinger qui a annoncé que la Commission préparerait dans les prochaines semaines des propositions au sujet du contenu des tests qui auront des critères communs.
La participation aux tests "se fera sur une base volontaire, pas obligatoire", a toutefois souligné le commissaire qui a annoncé que l'UE voudrait en outre offrir à plusieurs pays partenaires, comme la Suisse, la Turquie et la Russie, la possibilité d'y participer.
Le 21 mars 2011, les ministres européens de l'Energie devraient tenir une réunion extraordinaire pour "discuter des conséquences à tirer pour le secteur de l'énergie et des marchés de l'énergie et de la réponse à donner", comme l’a annoncé Herman Van Rompuy le 16 mars 2011.
Au Luxembourg, l’inquiétude est partagée et ouvre grand la question du nucléaire.
Le ministre de l’Economie et du Commerce extérieur, qui est en charge de l’Energie, Jeannot Krecké, a ainsi déclaré par voie de communiqué le 16 mars 2011 que le gouvernement luxembourgeois "maintient son attitude critique sur l’énergie nucléaire". Le gouvernement n’a jamais été en faveur du développement du nucléaire sur le territoire luxembourgeois et ne le sera pas à l’avenir, a-t-il déclaré, ajoutant que "la renaissance du nucléaire et la prolongation de l’autorisation d’exploitation de réacteurs dans nos pays voisins ne peuvent pas être considérées comme une alternative à une politique énergétique durable ni de réduction des émissions de gaz à effet de serre".
Jeannot Krecké plaide dans son communiqué "pour que les tests de résistance des centrales nucléaires européennes annoncés par la Commission européenne soient réalisés dans les meilleurs délais". Et il salue la décision prise par le gouvernement allemand de retirer les centrales identifiées comme "critiques" du réseau.
"Une autre piste de réflexion au niveau européen pourrait être un redéploiement des importants moyens financiers européens engagés actuellement pour le développement d’un réacteur à fusion nucléaire vers une recherche plus poussée dans le domaine du développement des énergies renouvelables", poursuit le ministre qui appelle la Commission à résoudre, avec les Etats membres le problème des infrastructures de réseaux énergétiques afin de permettre un développement conséquent des énergies renouvelables au niveau européen.
Selon Jeannot Krecké, un revirement brutal vers les énergies renouvelables va augmenter le prix de l’énergie à moyen terme. Pour autant, le ministre juge qu’un tel développement sera "à long terme bénéfique pour la sécurité humaine et l’environnement ainsi que pour la sécurité d’approvisionnement, car il permettra de diminuer la dépendance énergétique de l’Union européenne envers des pays tiers".
Le ministre rappelle ensuite dans son communiqué les initiatives prises par le gouvernement pour "donner une nouvelle dynamique au développement des sources d’énergie renouvelables". Il cite notamment le plan d’action national en matière d’efficacité énergétique approuvé en 2007, qui prévoit un objectif de 9 % pour l’augmentation de l’efficacité énergétique jusqu’en 2016, ainsi que le plan d’action national en matière d'énergie renouvelable approuvé en 2010, qui trace le chemin du développement des énergies renouvelables et inclut un objectif contraignant de 11 % d’énergies renouvelables en 2020. Des objectifs qui s’inscrivent, faut-il le rappeler, dans le cadre de ceux que s’est fixés l’UE pour l’horizon 2020.
Le 17 mars, l’eurodéputé Claude Turmes et le député Henri Kox convoquaient la presse pour faire part de leur préoccupation au vu des conséquences de la catastrophe de Fukushima, mais aussi de leur colère à l’égard du gouvernement. Déi gréng appellent le Premier ministre à prendre position sur ces questions lors de son discours sur l’état de la Nation. Pour eux, c’est à lui désormais de montrer la voie à suivre concrètement, pas à pas, pour sortir du nucléaire.
Les deux parlementaires du groupe déi gréng reprochent au ministre de la Recherche François Biltgen d’avoir joué un rôle de leader, pendant la présidence luxembourgeoise de l’UE de 2005 et au-delà, dans le développement du projet de recherche ITER. La construction de ce réacteur à fusion nucléaire qui risque, selon déi gréng, de devenir un gouffre financier, profite en effet selon les deux parlementaires au développement de l’énergie nucléaire au détriment du soutien qui pourrait être fait à la recherche en matière d’énergies renouvelables et d’efficacité énergétique. Et, il ne s’agit pas, comme l’a souligné Claude Turmes, de petites sommes, la rallonge budgétaire prévue pour les seules années 2010-2013 s’élevant en effet à près de 2,3 milliards d’euros.
Henri Kox et Claude Turmes n’ont donc pu que saluer les déclarations du ministre Jeannot Krecké de la veille. Ils appellent les ministres Biltgen et Krecké à faire part par écrit de la décision de se retirer du financement du projet ITER afin d’utiliser l’argent ainsi économisé pour développer les énergies durables au Luxembourg. Pour déi gréng, le ministre des Affaires étrangères Jean Asselborn pourrait présenter ce document à ses pairs dès le 21 mars 2011, date du Conseil Affaires générales et Affaires étrangères.
Un autre grief du groupe déi gréng, contre Jeannot Krecké cette fois, c’est l’impression que ce dernier a donnée dans ses déclarations de la veille sur RTL Tele Lëtzebuerg que la part d’énergie nucléaire dans l’électricité consommée au Luxembourg était une sorte de fatalité contre laquelle il ne pouvait rien faire. Pour Claude Turmes, le ministre rend ce faisant le citoyen-consommateur coupable en quelque sorte de l’échec la politique énergétique du gouvernement, ce qu’il juge inacceptable.
Selon l’eurodéputé, le ministre peut agir, ne serait-ce que par l’intermédiaire d’Enovos, dont l’Etat et la Ville de Luxembourg sont les plus gros actionnaires, dans le choix des sources d’électricité acquise à l’étranger. Déi gréng appellent donc tous les responsables politiques à agir, chacun à leur niveau, pour sortir peu à peu du nucléaire. Quant à la connexion entre la centrale nucléaire de Cattenom en France et le site d’Arcelor à Esch, elle devrait elle aussi être stoppée par le gouvernement, ce qui serait, selon les écologistes, un signal fort.
Sur la question de la sécurité de cette centrale située à proximité de la frontière franco-luxembourgeoise, Claude Turmes, qui s’est montré particulièrement irrité par "l’arrogance et le cynisme" du directeur de la centrale, reproche au gouvernement de ne pas s’être donné les moyens d’analyser en détail les problèmes que pourrait rencontrer ce site, en cas par exemple de crash aérien. Déi gréng appellent donc le gouvernement à réaliser une étude indépendante sur la sécurité sur le site de Cattenom.
Enfin, les deux parlementaires estiment que le gouvernement a sous-estimé le potentiel du Luxembourg en matière d’énergies renouvelables et d’efficacité énergétique. Et c’est là selon eux que le bât blesse dans la mesure où la meilleure façon de mener une politique anti-nucléaire est bien de soutenir de façon conséquente les technologies ne présentant pas de risque, et ce tant au Luxembourg qu’au niveau européen.
La veille, Jeannot Krecké déclarait à la journaliste Mariette Zenners que le Luxembourg pourrait atteindre au maximum 5 % d’énergies renouvelables, alors que selon les Verts, qui s’appuient sur l’étude LuxRes réalisée en 2007, ce taux pourrait atteindre plus de 8 %. Et les Verts insistent bien sur le fait que ce chiffre est de toute façon à mettre en corrélation avec la consommation qui elle aussi, peut beaucoup baisser au Luxembourg en faisant plus grand cas de l’efficacité énergétique.
Claude Turmes n’a d’ailleurs pas manqué de citer, pour étayer ses propos, une étude réalisée par Greenpeace selon laquelle faire des énergies renouvelables une priorité aurait pour conséquence de faire baisser considérablement le prix de ces technologies. Il serait selon cette analyse possible d’arriver d’ici 2030 à 65 % d’énergies renouvelables dans l’UE, le reste étant essentiellement du gaz naturel, tandis qu’il ne resterait plus que 2 ou 3 % de nucléaire et de charbon. L’UE ne pourrait qu’y gagner en indépendance, en limitation des risques liés au nucléaire et des conséquences liées au changement climatique, mais aussi en termes de création d’emplois.