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Economie, finances et monnaie - Emploi et politique sociale - Énergie
La croissance, l’emploi et l’énergie sont les grandes préoccupations des patrons européens selon Jürgen Thumann, président de BusinessEurope, en visite au Luxembourg
05-05-2011


Jürgen Thumann, président de BusinessEurope, 5 mai 2011Jürgen T. Thumann, le président de l’organisation patronale européenne BusinessEurope, dont la FEDIL est membre, a rencontré lors de sa visite à Luxembourg le 5 mai 2011 le Premier ministre Jean-Claude Juncker et le ministre de l’Economie, Jeannot Krecké.

BusinessEurope a été créé en 1958 sous le sigle de UNICE par les fédérations d’industriels de 8 pays européens. Elle compte aujourd’hui 34 pays membres et 40 fédérations. "La Turquie est membre depuis 50 ans", a souligné non sans malice le président Thumann. Elle représente 20 millions d’entreprises. 99 % des entreprises que ses fédérations regroupent sont des PME. Seulement 1 % sont de grandes entreprises.

Les sujets discutés avec le gouvernement

Avec Jeannot Krecké, Jürgen Thumann a abordé quatre sujets :

  • l’énergie à partir d’angles divers : énergies renouvelables, mix énergétique, import-export de l’énergie, production propre, énergie nucléaire ;
  • le changement climatique, où la fédération patronale européenne est d’accord avec les objectifs 20-20-20 et a par ailleurs évoqué les moyens que l’Europe pourrait mobiliser pour réduire de manière plus rapide d’ici à 2050 de 80 % ses émissions de CO2 ;
  • la compétitivité européenne qui doit s’améliorer ;
  • le parachèvement du marché intérieur, vital pour dynamiser l’économie européenne.

Avec Jean-Claude Juncker, le président Thumann voulait aborder la crise dans la zone euro et la question du gouvernement économique. A ce sujet, il a remarqué qu’il préférait parler, puisque les Européens partagent une monnaie commune, d’une "politique économique et financière coordonnée". Une manière de dire les choses qui effraie selon lui un peu moins ceux qu’il faut convaincre de soutenir cette option qui devrait conduire à ce que tout le monde "se retrouve de la meilleure façon possible dans l’UE sous un toit commun".

Avec le traité de Lisbonne, les patrons européens ont du restructurer leurs relations avec les institutions européennes

Le chef des patrons européens a reconnu lors d’une conférence de presse que les employeurs n’ont pas suffisamment communiqué sur un certain nombre de sujets. Reste que pour lui, "sans l’économie, la politique ne peut pas grand chose". Ce qui importe maintenant en Europe, c’est de créer des emplois et de laisser derrière soi le développement inégal entre un Nord où croissance de l’économie et de l’emploi ont repris, et un Sud qui est empêtré dans une foule de problèmes. Pour cela, la direction de BusinessEurope doit se battre pour obtenir le soutien de ses fédérations nationales et être efficace auprès des institutions européennes, qui ne sont plus seulement la Commission, mais aussi le Président du Conseil européen et le Parlement européen, dotés de nouveaux pouvoirs.

La fédération patronale européenne, qui est d’accord avec les objectifs 20-20-20 a par ailleurs évoqué les moyens que l’Europe pourrait mobiliser pour réduire de manière plus rapide d’ici à 2050 de 80 % ses émissions de CO2.     

La reprise de la croissance

Le premier souci des patrons européens est la reprise de la croissance économique en Europe, qui doit être de 2 à 3 %, si l’Europe veut pérenniser son niveau de vie et ses systèmes sociaux,

Mais pour 2011, elle ne sera que de 1,8 %l, peut-être 2 % en moyenne, avec des pays qui font exception vers le haut, comme l’Allemagne ou le Luxembourg, ou vers le bas, comme le Portugal, la Grèce ou l’Espagne, qui compte un million de chômeurs supplémentaires. L’autre souci est la création d’emplois, car la destruction d’emplois par la crise n’a pas encore pu être compensée. Pour le baromètre des réformes de BusinessEurope, la situation du Luxembourg ne suscite pas d’inquiétudes, mais il devrait aussi réformer son marché du travail, ses systèmes de pension, son système de négociations et de fixation des salaires.

Les relations avec les partenaires sociaux

Le président Thumann a également insisté sur le fait que les relations que la fédération patronale entretient avec la Confédération européenne des syndicats (CES) se déroulent dans « une très bonne atmosphère » et que le dialogue avec son président, John Monks, est "permanent, "dialogue permanent" ne voulant pas dire "accord permanent". Le chef des patrons européens a admis que la question des emplois à bas salaires continuait à poser problème, ce qui a suscité en Allemagne la revendication d’un salaire minimum par heure de 8,5 euros. Mais, a relevé celui qui est aussi le vice-président du BDI, la plupart des secteurs économiques sont couverts par des accords salariaux où le salaire conventionné par heure est nettement plus élevé. Une évolution dans ce sens se dessine aussi pour le travail intérimaire, qui constitue pour Jürgen Thumann malgré les critiques des syndicats le premier pas vers un contrat à durée déterminée puis indéfinie.

Rendre l’Europe plus attrayante pour l’immigration qualifiée

Jürgen Thumann a mis en exergue les grands problèmes liés à la baisse démographique. Dans certaines régions d’Allemagne, le nombre des élèves débutants dans les écoles primaires a baissé de 50 %. La population allemande va baisser jusqu’à 10 % d’ici 2025. L’Europe ne pourra pas se passer de main-d’œuvre hautement qualifiée venant de pays tiers. "Mais cela est plus vite dit que fait !", s’est-il exclamé. Les pays européens sont handicapés par la barrière linguistique, à l’instar du Japon. Les personnes qualifiées tant soit peu anglophones prennent le chemin des USA. Et ce qui vaut pour les personnes originaires des pays tiers vaut aussi pour les Européens. 120 000 des 15 000 diplômés d’université allemands les mieux cotés, donc 80 %, ont également décidé d’émigrer aux Etats-Unis. Bref, l’Europe doit faire des efforts pour devenir plus attrayante pour l’immigration qualifiée dont elle a un besoin vital.

Le casse-tête énergétique après Fukushima

La question de l’énergie et de son prix est une préoccupation de l’industriel allemand et européen. Dans son pays, "une discussion objective, basée sur des faits, sur l’énergie est actuellement impossible". Un tremblement de terre, un tsunami sont des catastrophes naturelles inimaginables en Allemagne.

Par ailleurs, Jürgen Thumann a signalé que les quatre grands producteurs d’énergie savent parfaitement que le temps du nucléaire est révolu et qu’il faut sortir du recours à cette énergie "de la manière la plus rapide, ordonnée et responsable possible". En même temps, le débranchement des 7 centrales les plus anciennes a immédiatement obligé les fournisseurs à recourir à des importations en provenance de France et de la République tchèque, et cette énergie est de source nucléaire. Il faut donc arriver à un changement de paradigme en passant à un mix énergétique capable d’assurer une fourniture suffisante d’énergie notamment aux industries à consommation énergétique élevée. 2,5 d’emplois dépendent directement en Europe de cette fourniture en énergie continue qui doit être à la fois disponible et payable par rapport à l’évolution des prix mondiaux.

Actuellement, l’énergie nucléaire constitue selon Jürgen Thumann encore 45 % du backup énergétique en Allemagne, et 24 % de sa consommation. Si une sortie du nucléaire est chiffrée par le secteur écologique de la société à 10 euros par mois pour les consommateurs individuels, une sortie désordonnée pourrait selon le patron des patrons européens se chiffrer par 200 euros par mois.