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Compétitivité - Marché intérieur
Conseil "Compétitivité" : Pas encore d’accord sur la mise en œuvre du brevet unitaire européen dans le cadre d’une coopération renforcée entre 25 Etats membres
Une session extraordinaire est convoquée pour le 27 juin 2011
30-05-2011


Lors d'une session publique, le Conseil Compétitivité a eu le 30 mai 2011 un échange de vues sur la création d'une protection par brevet unitaire. L'objectif de la présidence était de dégager une orientation politique pour la mise en œuvre de la coopération renforcée entre 25 États membres de l'UE qui ouvrirait la voie aux travaux ultérieurs en vue de la création d'une protection par brevet unitaire dès que possible.

Le débat était fondé sur deux propositions présentées par la Commission le 13 avril, après que, le 10 mars, le Conseil avait autorisé le lancement d'une coopération renforcée dans le domaine de la création d'une protection par brevet unitaire. Le 15 février 2011, le Parlement européen avait de son côté approuvé l'utilisation de cette procédure.

Les propositions de la Commission contiennent les dispositions visant à mettre en œuvre la coopération renforcée dans le domaine de la création d'une protection par brevet unitaire. La première proposition prévoit comment les détenteurs de brevet peuvent obtenir des brevets européens à effet unitaire qui assurent une protection uniforme pour leur invention (doc. 9224/11) et la seconde contient les modalités applicables en matière de traduction (doc. 9226/11).

Le Conseil a également abordé les principaux éléments pour la création d'un système unifié de résolution des litiges. Le 8 mars, la Cour de justice de l'UE avait en effet rendu son avis sur la compatibilité du système envisagé avec le droit de l'UE, un avis qui avait été fort critique.

Le recours à une coopération renforcée a été demandé par 25 des 27 États membres de l'UE afin de créer un brevet unitaire qui sera valable sur le territoire des États membres participants. Tous les États membres de l'UE, à l'exception de l'Italie et de l'Espagne, ont été favorables au recours à la coopération renforcée.

Le principal obstacle à l'unanimité en ce qui concerne la création d'un brevet unitaire est resté la question du nombre de langues dans lesquelles le futur brevet unitaire serait valable, d'où le recours à une coopération renforcée.

Le régime linguistique du futur brevet unitaire serait fondé sur celui qui est en vigueur au sein de l'Office européen des brevets (OEB), où les langues officielles sont l'anglais, le français et l'allemand. Le système du brevet européen, actuellement en vigueur, prévoit qu'un brevet, une fois délivré, doit être validé séparément dans chacun des États membres de l'OEB et être intégralement traduit dans leurs langues officielles. Le futur brevet unitaire serait automatiquement valable sur le territoire des États membres de l'UE participant à la coopération renforcée, dans la langue (de l'OEB) dans laquelle il a été délivré.

La coopération renforcée sera ouverte aux pays non participants et les entreprises des États membres non participants pourront également avoir accès au brevet unitaire sur le territoire des États membres participants.

La position du Luxembourg

Le Luxembourg a soutenu le brevet à effet unitaire et le régime linguistique proposés. Mais sa représentante permanente adjointe, Michèle Eisenbarth, a exigé qu‘il soit doté d’une juridiction robuste et efficace, tant d’un point de vue juridique que institutionnel, et qu’il soit aussi respectueux de l’avis de la CJUE. Celle-ci avait entre autres constaté le 8 mars 2011 que la création d’une juridiction particulière priverait les juridictions nationales de la faculté voire, le cas échéant, de l'obligation de saisir la Cour de renvois préjudiciels dans le domaine des brevets, étant donné que le projet d'accord prévoit un mécanisme préjudiciel qui réserve la faculté de renvoi préjudiciel à la Juridiction du brevet européen et du brevet communautaire tout en soustrayant cette faculté aux juridictions nationales.

Le Luxembourg avait toujours eu des doutes sur la compatibilité avec les traités de la juridiction du brevet européen ou du brevet communautaire, a souligné Michèle Eisenbarth.

Par ailleurs, l’option de la Commission, qui propose toujours une juridiction particulière, d’ailleurs basée sur le modèle de la Cour de Justice du Benelux, mais qui respecterait le droit de l’Union et qui pourrait poser des questions préjudicielles à la CJUE, ne semble pas, selon elle, répondre au problème de fond posé par la CJUE : la compétence des juridictions nationales dans l’interprétation et l’application du droit de l’Union. Elle a regretté que la Commission ait mise de côté des deux autres options : l’une étant d’attribuer à la CJUE la résolution des litiges liés aux brevets à effet unitaire, l’autre étant d’envisager un modèle juridictionnel comme celui qui vaut pour les marques dans le cadre de l'OHMI. Pour le Luxembourg, il faudrait que les trois options restent tablées et qu’elles soient pensées jusqu’au bout à la lumière de l’avis de la CJUE.

L’Italie introduit un recours devant la CJUE contre la coopération renforcée

Comme aucun accord n’a pu être conclu, une session extraordinaire du Conseil "Compétitivité" se réunira à Luxembourg le 27 juin 2011 pour qu’un accord politique soit trouvé.

Entretemps, l'Italie a attaqué le 31 mai 2011 la décision de 25 Etats membres de l'Union européenne de créer un brevet européen, sans son accord ni celui de l'Espagne, en déposant un recours à la CJUE. "Avec ce recours, l'Italie entend agir pour défendre les valeurs et les objectifs de l'Union contre la tentative de définir une hiérarchie des pouvoirs et des valeurs en violation des principes d'égale dignité et de respect des diversités linguistiques et culturelles des Etats membres", lit-on dans un communiqué du Ministère des Affaires étrangères italien. Selon Rome, le choix de passer par la "coopération renforcée" pour lancer ce brevet "est contraire à l'esprit du marché unique" et portera "préjudice" aux entreprises italiennes.