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Traités et Affaires institutionnelles
Le rôle de la CJUE dans l’intégration européenne après le traité de Lisbonne
Un séminaire de la TEPSA et du CERE a exploré les questions de la CJUE comme "législateur de l’UE ", de son rôle en matière de JAI et de sa contribution au développement de la citoyenneté européenne
06-05-2011


TEPSALa TransEuropean Policy Studies Association (TEPSA) et le Centre d’études et de recherches européennes Robert Schuman (CERE) ont organisé le 6 mai 2011 un séminaire sur le rôle de la Cour de Justice de l'Union européenne (CJUE)dans l'intégration européenne après le traité de Lisbonne.

Les juges européens Franklin Dehousse, Lars Bay Larsen, Koen Lenaerts et Jean-Jacques Kasel, ont pris la parole, tout comme l’avocat général de la CJUE Yves Bot, ainsi que de grands experts en droit européen, comme Jaap de Zwaan, Marianne Dony, Dominik Hanf et Herwig Hofmann.

Tous ont abordé des cas concrets, indiqué les nouvelles orientations et tendances de l’évolution du droit européen sur nombre de questions aussi cruciales que complexes.

Il a été ainsi été question dans une première session abordant le rôle de la Cour dans le processus législatif de la position du juge européen, qui est à la fois contrôleur, inspirateur et législateur malgré lui (Dehousse), mais aussi de la gestion des agences exécutives de l’UE qui se sont multipliées au fil des propositions législatives et qui témoignent d’un processus de "pluralisation de l’exécutif" (Hofmann).

Pour ce qui est du rôle de la CJUE en matière de Justice et d’Affaires intérieures, le sujet de la deuxième session, Jaap de Zwaan  a démontré qu’il ira croissant avec la mise en œuvre du traité de Lisbonne. Yves Bot s’est attaché à décrire la progression de la construction juridique de l’espace de justice, de liberté et de sécurité dans l’UE à travers la reconnaissance mutuelle des jugements entre justices nationales des Etats membres. Lars Bay Larsen a évoqué pour sa part la construction de règles qui succèdent à un "esprit cowboy" dans ce domaine.

Le séminaire s’est penché ensuite lors d'une troisième session sur la contribution de la CJUE au développement de la citoyenneté européenne. Marianne Dony a présenté les jugements de la CJUE sur les questions de libre circulation (des étudiants) et de non-discrimination (en matière de noms de famille) quand il s’agit de garantir les droits liés à la citoyenneté européenne qu’elle qualifie de "salomoniens". Koen Lenaerts s’est attaché à décrire comment la CJUE articule par ses arrêts sur des questions de noms de famille, de privation de nationalité, de non-discrimination d’étudiants étrangers, de droits de parents ayant la nationalité de pays tiers par rapport à leurs enfants mineurs citoyens d’un Etat membre de l’UE, les droits liés à la citoyenneté européenne qui est "un statut fondamental de tous les ressortissants de l’UE". Dominik Hanf est revenu dans ce contexte sur ce que peut ou doit faire un juge européen, et ce qu’il ne devrait pas faire.

Le séminaire s’est achevé sur une intervention du juge luxembourgeois Jean-Jacques Kasel, ancien représentant auprès de l’UE, qui a dit son inquiétude pour l’UE, car "l’on touche actuellement aux fondamentaux".

Jean-Marie Majerus (CERE) : D’une cour de justice que l’on craignait à une cour qui a fait avancer la construction européenne 

CEREComme l’a expliqué Jean-Marie Majerus, du CERE lors de l’ouverture du séminaire, l’importance du rôle de la CJUE n’est plus à démontrer. Et les enquêtes Eurobaromètre les plus récentes montrent d’ailleurs la grande confiance que les citoyens accordent  cette institution. Cette confiance, selon Jean-Marie Majerus, elle s’est construite au fil des ans depuis la fondation des communautés.

Ainsi que cet historien l’a rappelé, Luxembourg a accueilli tout d’abord le siège de la Cour à titre provisoire, dans la Villa Vauban, tandis que les premiers jugements étaient rendus au Cercle municipal. Puis, petit à petit, des bâtiments plus appropriés ont été mis à disposition en ville avant qu’elle ne s’installe au Kirchberg et connaisse « le développement spectaculaire » dont témoigne le Palais qui l’abrite aujourd’hui. Ce développement s’est fait au fil de l’élargissement des compétences relevant des Communautés, mais aussi au fur et à mesure des élargissements qu’elles ont connus. Au cours de ce processus, certains arrêts ont conduit à une forme de constitutionnalisation des traités.

A l’origine, la déclaration Schuman n’évoquait pas clairement la création d’une Cour de Justice, tandis que Jean Monnet était connu pour craindre "un gouvernement des juges" qui aurait pu entraver les travaux de la Haute Autorité de la CECA et de la Communauté économique européenne avant l’avènement de la Commission européenne en 1967. Une appréhension que ne partageaient pas les pays du Benelux. Certains d’ailleurs ne s’y sont pas trompés et ont, dès l’origine, prédit le rôle d’une Cour de Justice pour la construction européenne. Finalement Jean Monnet a lui-même salué, à l’arrivée en 1954 des premiers magistrats, "la perspective d’une cour fédérale européenne"…

Quant au traité de Lisbonne, Jean-Marie Majerus souligne qu’il a été ratifié, contrairement aux grandes discussions qui ont eu cours pour le traité constitutionnel, sans grand débat et sans grande émotion. Pourtant, il n’est pas sans conséquence et le besoin d’information est évident pour tous ceux qui sont impliqués, de près ou de loin, dans son application.

Pour Jean-Paul Jacqué, secrétaire général de TEPSA, la CJUE est un des piliers de la construction européenne

CJUEParmi les thèmes de la journée les organisateurs ont choisi d’aborder la question de la Cour de Justice en tant que législateur. Si Jean-Paul Jacqué n’a jamais partagé leur argumentation en raison de la nature même de l’UE, il a pu constater les nombreuses critiques de la part des Etats membres soulevés par ce rôle de la CJUE, le spectre d’un "gouvernement des juges" semblant les hanter.

En effet, les traités, qui ne contiennent pas tous les détails de l’action de l’UE, offrent un cadre à remplir en se référant aux objectifs qu’il contient. Il est ainsi assez naturel que la Cour ait eu à remplir les "silences des traités". Ces "silences" sont le fruit bien souvent de difficultés rencontrées par les Etats membres au moment de la rédaction des traités : quand une difficulté se fait particulièrement coriace, on peut entendre "laissons cela à la Cour"… Comment lui reprocher de prendre la place que lui ont laissée les législateurs eux-mêmes ? Parfois encore, le Parlement européen et les Etats membres n’arrivent pas au bout de leurs procédure et laissent eux aussi des vides dans la réglementation européenne. La Cour comble alors les carences de la législation, comment s’en indigner quand elle est saisie sur de tels points ? Car, enfin, la Cour ne choisit pas les affaires qui lui sont soumises et elle doit les régler, trouver des solutions, et par conséquent combler les carences qui apparaissent. Et la Cour, par ce rôle de "colégislateur", a apporté une contribution éminente au développement de l’intégration européenne.