La proposition de budget de l’UE pour 2014-2020 présentée le 29 juin 2011 par la Commission européenne, qui doit servir de base aux négociations sur ce futur cadre financier pluriannuel, a fait l’objet de vives réactions dès sa publication.
Deux grands enjeux se dessinent : le montant même du budget et l’introduction de ressources propres provenant notamment d’une taxe sur les transactions financières.
Les positions sur ces sujets sensibles s’opposent très nettement, ce qui laisse présager des négociations pour le moins ardues, l’objectif de la Commission étant cependant de parvenir à un accord sur ce cadre financier dès 2012, afin de laisser le temps nécessaire pour trouver un accord sur les bases légales des programmes pluriannuels qui seront financés par ce budget et dont le démarrage est en principe prévu pour 2014.
La proposition de la Commission prévoit une hausse du budget de l’UE de l’ordre de 5 % pour la période 2014-2020. Une hausse qui avait commencé à diviser avant même qu’elle ne soit proposée par la Commission.
Le Parlement européen avait en effet annoncé la couleur dès le 8 juin 2011, réagissant pour le moins vertement à la demande faite par plusieurs Etats membres en décembre 2010 de geler le budget de l’UE.
L’eurodéputé luxembourgeois Frank Engel (PPE) a rappelé le 29 juin 2011 que la proposition faite alors par le Parlement, qui exigeait une augmentation du budget d’au moins 5 %, était une proposition a minima et il s’est donc montré déçu par la proposition de la Commission qu’il juge peu ambitieuse, ainsi que le rapporte le Luxemburger Wort daté du 30 juin 2011. "La Commission manque de volonté politique", estime l’eurodéputé, rejoint sur ce point par son collègue socialiste Robert Goebbels. Pour le libéral Charles Goerens, une augmentation du budget de l’UE permettrait notamment de voir plus de cohérence et de synergies dans la mise en œuvre de la politique de coopération de l’UE.
L’eurodéputé Georges Bach (PPE) a réagi par voie de communiqué, insistant sur le fait que "le budget de l'UE doit répondre aux vrais enjeux de la stratégie Europe 2020". A ses yeux, "en l’absence de ressources supplémentaires suffisantes, l'Union ne sera en mesure ni de mettre en œuvre les orientations prioritaires actuelles, ni de s'acquitter des nouvelles missions que lui assigne le traité de Lisbonne". L’eurodéputé souligne la nécessité d’un nouveau fonds d'infrastructure appelé à financer des réseaux transfrontaliers, mais aussi le besoin d’assurer les fonds structurels, comme le fond social, sans oublier le budget pour la politique agricole commune.
Le président du Parlement européen, Jerzy Buzek, et le président de la commission des budgets, Alain Lamassoure, ont réagi de façon plus optimiste à la proposition de la Commission. Jerzy Buzek y voit "un excellent point de départ pour les négociations", tandis qu’Alain Lamassoure a souligné que ces propositions "ont le mérite de reprendre les principales priorités du Parlement : dépenser mieux là où l'Europe est nécessaire, économiser ailleurs".
Viviane Reding, membre luxembourgeoise de la Commission européenne, a défendu la proposition budgétaire de son institution auprès du Tageblatt. A ses yeux, ce n’est pas tant une forte hausse du budget en un temps d’austérité qui importe, mais plutôt l’idée que le budget de l’UE crée de la valeur ajoutée et soit réorganisé de façon à ce que les moyens soient investis efficacement. Pour la commissaire luxembourgeoise, la légère hausse du budget de l’UE pour 2014-2020 apparaît dans ce contexte comme un "gel de fait" du budget de l’UE. Comme elle le rappelle, l’UE dépensera avec ce budget 50 fois moins que les 27 Etats membres dont 24 entendent d’ailleurs augmenter leur budget 2012. "Nous nous concentrons sur les dépenses les plus importantes", souligne-t-elle, insistant sur le fait que 94 % des dépenses vont servir à financer différents programmes européens, les dépenses administratives ne représentant que 6 % de ce budget.
Mais les pays qui avaient opté pour un gel du budget ne l’entendent pas ainsi.
Le gouvernement britannique, figure de proue du mouvement, a jugé les propositions de la Commission "complètement irréalistes" en une période de récession.
Le ministre néerlandais des Finances, Jan Kees de Jager, a estimé "trop élevée" la hausse du budget proposée, soulignant lui aussi que l'Union européenne doit faire des économies, comme les Etats membres. "Ensemble, avec d'autres pays économes, nous allons travailler dur pour conserver un budget limité", a-t-il annoncé.
Quant au ministre allemand Guido Westerwelle, il a fait part de sa "première impression" à l’égard d’un cadre financier dont le volume global est "nettement au-dessus" de ce que son gouvernement juge acceptable. Il plaide pour une limitation stricte des dépenses dans l’UE à hauteur de 1 % du RNB, ce qui correspond au volume prévu par la Commission pour les crédits de paiement. Le ministre allemand s’est cependant montré satisfait du fait que la Commission se prépare à mettre à disposition des moyens pour rendre l’Europe plus compétitive.
"Le niveau global des dépenses tel que proposé par la Commission est beaucoup trop élevé" juge par ailleurs le ministre danois des Finances Claus Hjort Frederiksen qui estime lui aussi qu’à "une époque où presque tous les pays d'Europe tentent de restaurer leurs finances publiques, le budget de l'UE doit aussi faire preuve de modération".
Un avis partagé par la ministre suédoise des Affaires européennes, Birgitta Ohlsson, qui juge que cette proposition "trop élevée" est "fondée sur les besoins des années 1950".
C’est sans compter qui plus est sur les négociations ardues qui s’annoncent autour de la réforme du système des rabais et autres mécanismes de correction. Les Etats membres concernés ont en effet commencé leurs comptes compliqués dès le lendemain de cette proposition.
Du côté du Parlement européen, sans surprise, le président Jerzy Buzek se dit partisan d’un système fondé sur des ressources propres véritables qui serait à ses yeux "plus juste, plus transparent, plus simple et équitable". De même Alain Lamassoure salue-t-il la proposition de la Commission qui s’efforce de "trouver des ressources financières nouvelles, modernes, européennes, pour soulager les contribuables nationaux".
Georges Bach demande lui aussi de nouvelles ressources propres qui permettraient de réduire les contributions nationales. "Parmi les pistes avancées ces derniers mois figurent le transfert à l'union d'une partie des taxes que vont devoir payer les entreprises les plus consommatrices d'énergies á partir de 2013 sur leurs émissions de CO2 ou une taxe sur les transactions bancaires, a noté Georges Bach.
Certains gouvernements s’opposent en revanche au principe de ces ressources propres, l’Allemagne et la Grande-Bretagne s’opposant par exemple formellement à tout impôt européen. Pour Guido Westerwelle, l’UE n’a pas de problème de financement et la levée d’impôts européens n’est donc pas nécessaire. Quant à Jan Kees de Jager, il a indiqué ne pas être "un partisan" de la création de nouvelles ressources propres, en insistant sur le fait que "la levée de l'impôt est une compétence nationale".
Au Luxembourg, l’ADR a réagi par voie de communiqué pour dire "non à des impôts européens". Le parti met en avant le principe selon lequel les impôts et taxes prélevés au Luxembourg doivent revenir au budget du Grand-Duché, et seule la Chambre des députés peut décider de la hauteur de ces impôts. L’ADR souligne par ailleurs que, sur les questions de fiscalité, l’unanimité est requise au Conseil, ce qui fait que chaque Etat membre dispose d’un droit de veto.
Les deux propositions émises par la Commission font par ailleurs débat.
Pour Viviane Reding, qui se montre soucieuse que l’UE trouve des moyens de financer son budget sans avoir à faire peser sur les contribuables de nouveaux impôts, l’introduction d’une taxe sur les transactions financières permettrait au secteur financier d’apporter sa contribution à la crise.
Le socialiste Martin Schulz évalue à 40 milliards d’euros le revenu que l’UE pourrait tirer d’une taxe sur les transactions financières qu’il appelle de ses vœux.
Mais le président de la Banque centrale européenne (BCE), Jean-Claude Trichet, a fait part au Parlement européen le 30 juin de son opposition à l’introduction d’une "taxe imposée en Europe et pas ailleurs" qui se traduirait selon lui par "une perte d'activité importante pour l'Europe". On ne doit pas oublier que "l'industrie financière qui doit être régulée, contrôlée, reste une industrie importante pour toutes les régions" du monde, a-t-il ajouté.
La République tchèque, qui s’oppose elle aussi de façon générale à l’idée d’impôts européens, se réserve quant à elle la possibilité de ne pas participer à une taxe sur les transactions financières qui serait "forcée par la Commission européenne".
Au Luxembourg, le directeur de l’ABBL, Jean-Jacques Rommes, s’est montré critique à l’égard d’une initiative dont il n’apprécie pas notamment qu’elle limite l’introduction d’une taxe sur les transactions financières à l’Europe. Le Luxemburger Wort rapporte que la meilleure solution, ou en tous cas celle qui causerait le moins de dégâts aux yeux du représentant de l’ABBL, serait d’introduire une telle taxe au niveau mondial. Jean-Jacques Rommes met en garde contre le risque que l’UE s’expose avec une telle taxe à "un retour de manivelle", dans la mesure où elle risquerait de devoir renoncer aux recettes escomptées. Son impression est que les politiques agissent là pour des raisons populistes, parce qu’ils ont promis au peuple de faire payer les banques pour avoir contribué à l’éclatement de la crise.
L’ADR, qui n’exclut pas l’introduction d’une transaction financière, plaide pour qu’elle soit mise en place au niveau mondial – afin que ni l’Europe ni le Luxembourg n’aient à souffrir de délocalisations de l’industrie financière -, mais aussi pour que les revenus tirés de cette taxe profitent aux budgets nationaux. "De telles recettes ne doivent pas abonder les budgets d’institutions supranationales dont les organes de décision n’ont pas la légitimité directe des électeurs", estime l’ADR.
Quant à la proposition d’une TVA modifiée, elle ne rencontre pas non plus l’assentiment de l’ADR dans la mesure où elle toucherait tous les citoyens de façon directe en influant notamment sur leur pouvoir d’achat.