Principaux portails publics  |     | 

Budget de l'Union européenne
Perspectives financières 2014-2020 - Le Parlement européen ouvre le bal de négociations qui s’annoncent ardues en plaidant à une large majorité contre un gel du budget de l’UE
Alors que la Commission mettra d'ici quelques semaines une proposition sur la table, les eurodéputés appellent à augmenter d’au moins 5 % le budget de l’UE
08-06-2011


Le 8 juin 2011, le Parlement européen s’est prononcé à une large majorité – 468 voix pour, 164 contre et 54 abstentions – en faveur d’une résolution qui entend interpeller les Etats membres désireux de geler le prochain budget à long terme de l'UE pour 2014-2020. Pour atteindre les objectifs déjà fixés pour l'Union, le Parlement européen appelle en effet au contraire à une augmentation d'au moins 5 % du budget.

En votant cette résolution, le Parlement européen est ainsi la première institution de l'UE à faire connaître sa position sur le prochain cadre financier pluriannuel (CFP). Le 29 juin, la Commission devrait présenter deux propositions, l'une sur le prochain CFP et l'autre sur les ressources propres. Les négociations pourront alors commencer. Le cadre financier pluriannuel actuel prendra fin en 2013 et le prochain couvrira la période 2014-2020. Le commissaire en charge du budget, Januz Lewandowski, a salué la contribution du Parlement, mais il a aussi prédit des "négociations difficiles".

Pour les eurodéputés, le gel des prochains budgets au niveau de 2013 "n'est pas une option viable"

"Nous avons mis fin à cette mauvaise habitude de nous engager sans avoir les moyens financiers suffisants … Réduire le budget de l'UE n'est pas une option viable pour ceux d'entre nous qui croient en l'Europe compétitive" aLa résolution préparée par l'eurodéputé Salvador Garriga-Polledo sur le futur Cadre financier pluriannuel a été adoptée le 8 juin 2011 (c) Parlement européen 2011 déclaré l’eurodéputé espagnol Salvador Garriga Polledo (PPE) en charge du rapport sur le nouveau cadre financier pluriannuel.

"Le CFP doit refléter la stratégie Europe 2020 et prendre en compte les politiques convenues. Nous n'inventons pas lorsque nous demandons une augmentation, nous voulons simplement parvenir à un budget réaliste, susceptible d'être mis en œuvre" a ajouté Jutta Haug (S&D), présidente de la commission spéciale sur les défis politiques du Parlement européen qui travaille sur ce rapport depuis une année.

Selon les députés, le gel des prochains budgets au niveau de 2013 "n'est pas une option viable". Ils proposent une augmentation d'au moins 5 % par rapport au niveau de 2013, ce qui porterait la contribution à plus ou moins 1,11 % du RNB total de l'Union, contre 1,06 % prévu pour 2013.

Les députés demandent instamment aux Etats membres qui ne partagent pas cette approche, d'indiquer clairement quelles priorités ou projets politiques ils souhaitent abandonner pour permettre des compressions budgétaires. Les députés craignent que des restrictions budgétaires ne mettent en péril l'impulsion donnée à la recherche et à l'innovation (qui passerait de 1,9 à 3 % du PIB), ainsi que les investissements en infrastructures, la politique étrangère et l'élargissement.

Les dépenses de politique régionale et d'agriculture doivent être maintenues à leur niveau actuel, indique la résolution. Concernant les régions dont le PIB par habitant est compris entre 75 % et 90 % du PIB de l'Union, le Parlement invite la Commission à créer, pour la durée de la prochaine période de programmation, une catégorie intermédiaire afin de leur conférer un statut plus clair et de leur offrir davantage de sécurité dans leur développement. Par ailleurs, les investissements en infrastructures énergétiques devraient augmenter.

Un amendement, qui a cependant été rejeté au vote, indiquait que des économies pourraient probablement être réalisées au niveau de l'administration de l'Union si le Parlement européen ne disposait que d'un seul siège.

Nouvelles ressources et suppression des rabais

Les députés se montrent critiques à l'égard du système de financement actuel, qui repose quasi entièrement sur les contributions nationales et est devenu extrêmement complexe. Le traité de Lisbonne précise que le budget est "intégralement financé par des ressources propres". Le système de financement actuel confère une importance excessive au solde net entre les États membres, en contradiction avec le principe de solidarité communautaire, de sorte que l’intérêt européen commun se trouve amoindri et la valeur ajoutée européenne largement ignorée, affirment les députés.

Un système fondé sur des ressources propres véritables sera "plus juste, plus transparent, plus simple (et) plus équitable", indiquent les députés, tout en soulignant que la réforme ne doit pas affecter la taille du budget et qu'elle n'augmentera pas la charge fiscale globale supportée par les citoyens. Les élus se sont prononcés en faveur d'une taxe de l'UE sur les transactions financières et d'une taxe sur l'énergie.

Les parlementaires demandent "la suppression des rabais, des dérogations et des mécanismes de correction en vigueur" qui se sont multipliés dans le système actuel.

Les parlementaires luxembourgeois se sont prononcés en faveur de la résolution, non sans émettre quelques réserves

Tous les grands groupes politiques se sont prononcés en faveur de cette résolution, et seuls les élus eurosceptiques du groupe Conservateur et  réformateur (ECR) ont défendu le gel du budget. Les eurodéputés luxembourgeois n’ont pas échappé à la règle et se sont prononcés pour ce texte. Mais ils ont aussi exprimé quelques réserves.

Frank Engel a appelé à voter pour un rapport qu’il juge cependant "modeste"

L’eurodéputé Frank Engel (PPE), qui est intervenu en plénière dans les débats qui ont précédé ce vote, avait appelé à voter en faveur du rapport Garriga, un rapport certes « modeste » à ses yeux, mais cependant "ambitieux" au vu L'eurodéputé Frank Engel intervenant lors du débat sur les perspectives budgétaires 2014-2020 le 8 juin 2011 (c) Parlement européen 2011de la volonté de certains Etats membres de limiter encore le budget de l’UE. Comme l’a souligné Frank Engel, l’UE n’a en effet la charge que de 2,5 % des dépenses publiques qui sont effectuées en Europe, et elle doit avec ça mettre en œuvre la stratégie Europe 2020, ou encore mettre en œuvre le traité de Lisbonne… En bref, le budget n’est pas à la hauteur des défis que se pose l’UE.

La contribution des Etats membres au budget de l’UE ne représente ainsi qu’un quarantième des dépenses faites à l’échelle du continent, s’est offusqué Frank Engel qui trouve qu’il est "pure folie"de diviser en près de 30 souverainetés budgétaires les moyens dont disposent les 500 millions de citoyens européens. Ils ne représentent que 8 % de la population mondiale, et entretiennent cependant 2000 ambassades et 27 armées…Ce qui semble "ridicule à l’échelle mondiale" aux yeux de l’eurodéputé luxembourgeois.

Frank Engel plaide pour un changement de paradigme en matière de budget européen, mais il regrette que la plupart de ses collègues sur les bancs de l’hémicycle "soient incapables de faire passer le message à leurs électeurs".

Pour Robert Goebbels, "le Parlement européen a déjà cédé"

Pour Robert Goebbels, qui est cité par le Tageblatt dans son édition datée du 9 juin 2011, "le Parlement européen a déjà cédé". L’eurodéputé socialiste estime en effet que l’augmentation de 5 % du budget ne suffira pas. Mais, déplore-t-il, "le Parlement n’a tout simplement pas le courage de dire que nous avons besoin d’une augmentation du budget non pas de 5, mais de 10 ou même 20 %".

Les mêmes critiques valent à ses yeux pour les priorités politiques qu’il s’agit de fixer, ou encore pour la question des ressources propres de l’UE. "L’idéal serait que l’UE puisse s’autofinancer, mais nous n’avons pas le courage de dire comment cela devrait être fait". Certes, des pistes ont été listées. Et Robert Goebbels se dit "pour une TVA européenne qui pourrait être compensée sur le plan national". Il dit aussi "pouvoir imaginer une taxe sur les transactions financières, ou encore une taxe sur le CO2", qui serait selon toujours mieux que l’échange de certificats d’émission. Mais l’eurodéputé regrette cependant que le Parlement européen ne dise pas clairement d’où doit venir l’argent.

Comme il l’a confié à Joëlle Merges, du Luxemburger Wort, le rapport voté contenait à ses yeux trop de signes "d’obéissance empressée au Conseil". Et ce parce que les députés savent d’avance que les négociations seront difficiles.

Pour Astrid Lulling, il est "illusoire de vouloir transférer à l'Europe de nouvelles responsabilités sans accroître les moyens financiers qui sont à sa disposition", mais "le 'toujours plus' repris en refrain (…) est une réponse trop commode et trop générale"

Dans sa déclaration de vote, Astrid Lulling (PPE) explique avoir apporté son soutien au rapport de Salvador Garriga Polledo parce que ses orientations principales - notamment une augmentation annuelle de 5% du budget communautaire- lui apparaissent "justifiées au regard des enjeux et des défis que doit relever l'Union européenne dans les prochaines années". Selon Astrid Lulling, il est en effet "illusoire de vouloir transférer à l'Europe de nouvelles responsabilités sans accroître les moyens financiers qui sont à sa disposition".

Mais l’eurodéputée luxembourgeoise a elle aussi quelques griefs contre l’attitude du Parlement européen qu’elle appelle, "en ces temps de rigueur budgétaire", à "dépasser le stade des revendications certes justifiées pour fixer un certain nombre de priorités et pour opérer des choix politiques nécessaires". A ses yeux, "le 'toujours plus' repris en refrain" par nombre de ses collègues est "une réponse trop commode et trop générale".

L’eurodéputée insiste ainsi sur la nécessité de "mieux convaincre sur l'efficacité d'une dépense européenne par rapport à une dépense nationale", et elle souligne le fait que l'aspect qualitatif des dépenses est au moins aussi important que l'aspect quantitatif. Enfin, plaide-t-elle, le transfert au budget communautaire plutôt qu'un retour aux Etats membres des sommes non dépensées au niveau de l'Union européenne constitue une source "d'économies" considérables.

En ce qui concerne l'introduction d'un système de ressources propres, Astrid Lulling estime qu'il est temps de dépasser le financement de l'Union européenne très majoritairement par les contributions des Etats membres. Elle fait cependant part de ses réserves "quant à l'introduction unilatérale d'une taxe sur les transactions financières sans étude d'impact sérieuse". En soutenant une telle mesure sans connaître ses implications réelles, la majorité du Parlement européen fait, selon elle, fausse route.