Pour l’eurodéputé vert Claude Turmes, il y a peu de transparence dans les relations entre les affaires et la politique dans les institutions européennes, tant du côté des députés européens que des lobbies très actifs dans les couloirs de Bruxelles et Strasbourg. Le scandale qui a récemment touché le Parlement européen en témoigne largement selon lui, comme il l’a indiqué lors d’une conférence de presse le 6 juin 2011 sur la transparence, au cours de laquelle la présidente du parti déi gréng, Sam Tanson, a illustré le volet national..
Pour rappel : en 2010, des journalistes du quotidien britannique "Sunday Times" avaient approché, en prétendant travailler pour un lobby financier, 60 eurodéputés, et leur ont proposé une coquette somme en échange d’amendements à telle ou telle directive. 14 eurodéputés avaient rencontré les soi-disant lobbyistes, et trois anciens ministres de trois Etats membres (Autriche, Roumanie, Slovénie) s’étaient révélés corruptibles.
Le constat de Claude Turmes : le Parlement européen, devenu avec le traité de Lisbonne un acteur législatif essentiel dans le processus de codécision, est facilement accessible aux 15 000 lobbyistes actifs dans les institutions européennes. Or, face à cette pression, le Parlement européen n’est pas assez régulé : peu de transparence sur les revenus du député européen et sur les activités des lobbyistes.
Pour les députés, il n’y a pas de code déontologique et pas de règles contre la corruption et les conflits d’intérêts. Le député européen doit uniquement indiquer dans une déclaration annuelle quelles sont ses occupations professionnelles, quelles occupations lui rapportent un revenu et de quels soutiens financiers, matériels ou personnels il bénéficie dans le cadre de son travail politique. Mais rien ne doit être indiqué sur d’éventuels revenus supplémentaires. Il n’y ni contrôle, ni sanction.
Or, un rapport publié le 31 mai 2011 par le groupe CEO (Corporate Europe Observatory) en coopération avec LobbyControl, montre que 35 % des eurodéputés de 13 Etats membres ont des occupations secondaires ou des intérêts financiers venant d’un tiers. Le même rapport dit que toutes ces occupations ne causent pas de du point de vue du conflit d’intérêts, mais constate que 14 % des eurodéputés dont le cas a été analysé ont des occupations secondaires dont la nature pourrait conduire à un conflit d’intérêts.
Pour les lobbyistes, un registre commun de la Commission et du Parlement européen a été ouvert depuis le 1er juin 2011.
Sur le site de ce registre, on peut lire "qu’en ouvrant ce registre facultatif dans le contexte de l’initiative européenne en matière de transparence, la Commission entend permettre aux citoyens de savoir quels sont les intérêts, généraux ou spécifiques, qui influencent le processus décisionnel des institutions européennes, et quelles sont les ressources mobilisées à cette fin."
Et pour le registre du Parlement européen, on lit que "les représentants d'organisations souhaitant accéder régulièrement au Parlement à des fins de lobbying doivent introduire une demande d'accréditation et souscrire au code de conduite du Parlement dans ce domaine. La liste des lobbyistes et groupes d'intérêts accrédités est publiée en ligne."
Claude Turmes n’est pas satisfait du fait que ce registre ne soit que facultatif et que les indications qui doivent être livrées par les lobbies sur leurs commanditaires, revenus, groupes-cibles et activités soient très sommaires. Et cela favorise des événements où les apparences s’avèrent trompeuses. L’eurodéputé a cité l’exemple d’une campagne dans le cadre des discussions sur une directive sur les softwares, où il s’agissait de savoir si les droits des inventeurs devaient être réglés par droit d’auteur ou par brevet. Les PME avaient une préférence pour le droit d’auteur, moins cher, et les grandes firmes pour le brevet. Survient une campagne de PME pour exprimer sa préférence pour le brevet qui étonne d’abord, mais fait effet. Or, un an plus tard, l’on découvre que cette campagne a été financée par Microsoft et SAP qui avaient mis leurs petits fournisseurs sous pression pour faire publiquement campagne en faveur du brevet. Or, c’est précisément ce genre d’apparences trompeuses qui doivent être évitées par le biais de règles de transparence.
Après le scandale au Parlement européen, un groupe de travail sur les codes de conduite pour les députés et les lobbyistes a été créé au Parlement européen sous la conduite de son président, Jerzy Buzek. Claude Turmes y siège pour les Verts européens. Ce groupe devrait achever ses travaux le 22 juin 2011.
Au sein de ce groupe, Claude Turmes exige que les députés européens doivent garantir la transparence financière, en indiquant toutes leurs occupations secondaires et les revenus qu’ils en tirent, et ils doivent également indiquer leur participation aux conseils d’administration ou aux capitaux d’entreprises. Leurs indications devraient être régulièrement contrôlées et mises à jour par une équipe de collaborateurs spécialement choisis à cet égard, et ce sous la responsabilité du président du Parlement européen. Les députés européens devraient se voir interdire tout travail de lobbying rémunéré. Leur incorruptibilité devrait être garantie et ils devraient eux-mêmes veiller à éviter tout conflit d’intérêts. Ainsi, le rapporteur et le rapporteur fictif d’un projet de rapport ou de résolution ne devraient pas s’occuper d’un dossier qui est lié à des intérêts financiers directs. Et, faisant allusion à Albert Dess, rapporteur pour la réforme de la PAC, Claude Turmes a estimé qu’il n’est pas sain qu’un grand céréalier remplisse une fonction aussi importante sur un dossier où ses intérêts économiques sont aussi directement concernés.
Pour les lobbyistes, Claude Turmes réclame à court terme que les groupes d’intérêts qui veulent recevoir une accréditation annuelle pour la Commission et le Parlement s’inscrivent sur le nouveau registre. Leurs données devraient être contrôlées et accessibles par Internet. A long terme, le registre commun doit devenir obligatoire et contenir plus de détails sur les activités des lobbies.