Le Ministère des Affaires étrangères vient de transmettre son rapport annuel sur la transposition des directives à la Chambre des députés. Le rapport 2011 livre une analyse quantitative des données liées à la transposition des directives, un dossier qui continue à donner du fil à retordre au gouvernement et à son administration.
Le tableau d’affichage de la Commission européenne n° 21, publié le 23 septembre 2010, avait constaté un déficit de transposition moyen des Etats membres de 0,9 %, ce qui constituait une détérioration de 0,2 % par rapport au tableau précédent, dans lequel les Etats membres avaient affiché un déficit de transposition moyen historique de 0,7 %. Cela étant, ce résultat respectait l’objectif intérimaire de 1 % fixé par le Conseil européen de mars 2007.
Le Luxembourg occupait alors la 23e place dans le classement des 27 Etats membres, avec un déficit de transposition de 1,5 %, ce qui équivalait à 23 directives non transposées dans les délais requis et à une augmentation de son déficit de 0,l % par rapport au tableau d’affichage antérieur. Toutefois, le Luxembourg avait amélioré son classement de deux positions par rapport à ce dernier tableau.
En ce qui concerne l’objectif "tolérance zéro" envers les retards dans la transposition des directives dont le délai de transposition est échu depuis au moins deux ans, le Luxembourg se situait en 24e position, avec 4 directives (par rapport à 5 directives lors du tableau précédent).
Le tableau d’affichage n° 22, publié le 21 mars 2011, a dressé un état des lieux de la transposition des directives marché intérieur ayant un délai de transposition antérieur au 1er novembre 2010.
Dans ce tableau, le Luxembourg a réalisé sa meilleure performance avec un déficit de transposition historique de 1 %, ce qui correspond à 15 directives non-transposées dans les délais, et a atteint pour la première fois, depuis l’introduction du tableau d’affichage, l’objectif fixé par le Conseil européen de mars 2007.
Toutefois, avec ce score, le Luxembourg a terminé en 18e position du classement des 27 Etats membres (ex-æquo avec la Grèce et l’Allemagne) par rapport au déficit européen moyen de 0,9 %. Il apparaît donc que, même si la performance luxembourgeoise s’est considérablement améliorée par rapport aux tableaux d’affichage précédents, le Luxembourg se range toujours dans la deuxième moitié de la "classe" européenne.
Le Luxembourg a également réduit de 50 % le nombre de directives en retard depuis au moins deux ans, en passant de 4 à 2 directives. Il n’en reste pas moins qu’il occupe l’avant-dernière place dans cette catégorie parmi les 27 Etats membres.
Le déficit de transposition du Luxembourg au 10 mai 2011, qui sera pris en compte pour le prochain - le 23e - tableau d’affichage (publié en juillet ou en septembre 2011), se situera à 1,1 %, ce qui constitue de nouveau une légère détérioration par rapport à la performance précédente.
Le rapport souligne dans ce contexte, que la Commission européenne, dans son "Acte pour le marché unique" du 13 avril 2011, a proposé de réduire l’objectif européen en matière de déficit de transposition de 1 % à 0,5 %. Si cette réduction devait être approuvée par le Conseil européen, le Luxembourg, qui vient seulement de réaliser l’objectif européen de 1 % de déficit pour la première fois depuis l’introduction du tableau d’affichage, devrait faire face à un défi de taille.
L’état des lieux dressé par le présent rapport, qui correspond à la situation telle qu’elle se présentait au 10 mai 2011, est le suivant :
A la même date, le Luxembourg est également en retard de transposition d’une directive dont le délai a expiré depuis plus de deux ans.
Le rapport de l’année précédente avait rendu attentif au fait que le Traité de Lisbonne renforçait les pouvoirs de la Commission européenne en lui conférant le droit de demander à la Cour de Justice de l’Union européenne de condamner l’Etat membre à des sanctions financières pour non-communication des mesures de transposition, dès sa première saisine de la Cour de Justice de l’UE.
En effet, le nouvel article 260 (3) du Traité sur le fonctionnement de l'UE (TFUE) dispose que "lorsque la Commission saisit la Cour d'un recours en vertu de l'article 258 TFUE, estimant que l'Etat membre concerné a manqué à son obligation de communiquer des mesures de transposition d'une directive adoptée conformément à une procédure législative, elle peut, lorsqu'elle le considère approprié, indiquer le montant d’une somme forfaitaire ou d’une astreinte à payer par cet Etat membre, qu'elle estime adapté aux circonstances".
La Commission européenne a adopté le 11 novembre 2010 une communication sur la mise en œuvre de l’article 260 (3) TFUE, afin d’exposer la manière dont elle compte appliquer, en pratique, la nouvelle disposition instaurée par le Traité de Lisbonne.
Les principales dispositions de cette Communications peuvent être résumées comme suit :
1. La Commission peut recourir à l’article 260 (3) TFUE en demandant à la Cour de prononcer des sanctions financières dès son premier arrêt, par principe, dans tous les recours en manquement pour non-communication des mesures de transposition d’une directive par un Etat membre (sauf dans quelques cas particuliers, décidés au cas par cas).
2. La nouvelle mesure s’applique à toute non-communication totale ou partielle des mesures nationales de transposition.
3. S’il y a un différend sur le caractère suffisant ou non des mesures nationales de transposition communiquées, la Commission ne recourra pas à l’article 260 (3) TFUE. En effet, dès lors qu’il s’agira d’une transposition incorrecte, l’article 260 (2) TFUE s’appliquera.
4. Dans un premier temps d’application des nouvelles mesures, la Commission ne demandera à la Cour de ne condamner l’Etat membre qu’à une astreinte journalière. Seul dans des cas appropriés si les circonstances le justifient, la Commission demandera également la condamnation de l’Etat membre à une somme forfaitaire.
5. La Commission maintient les formules actuelles de calcul des sanctions financières avec cependant une modification substantielle pour ce qui est de la date de départ prise en compte pour les calculs : elle prendra en compte comme date de départ pour ce calcul le lendemain de l’expiration du délai de transposition de la directive.
6. La coopération sincère de l’Etat membre avec la Commission (réponses dans les délais requis aux lettres de mise en demeure et aux avis motivés) ou encore la notification partielle des mesures seront prises en compte dans la fixation par la Commission du coefficient de gravité (pour le calcul du montant de l’astreinte et de la somme forfaitaire).
7. La Commission proposera à la Cour de fixer le jour du premier arrêt de la Cour comme date à laquelle l’obligation de payer les sommes requises prendra effet (de sorte que l’astreinte journalière courra à compter de ce jour).
8. Dans les affaires pendantes devant la Cour, dans lesquelles la Commission n’a proposé qu’une astreinte, la Commission se désistera de son recours lorsque l’Etat membre procède à la communication des mesures de transposition afin de mettre fin à l’infraction.
9. Il convient de noter que dans les procédures où un avis motivé sur le fondement de l’article 258 TFUE a déjà été émis, la Commission émettra d’abord un avis motivé « complémentaire » prévenant l’Etat qu’elle recourra à l’article 260(3) en demandant à la Cour de prononcer des sanctions financières contre l’Etat membre.
Enfin, il convient de noter qu’en vertu de l’article 260 (3) 2e alinéa TFUE, si la Cour constate un manquement de la part de l’Etat membre, le montant des sanctions financières ne pourra pas dépasser le montant proposé par la Commission dans sa saisine de la Cour.
Afin de sensibiliser les membres de gouvernement au risque accru de condamnation du Luxembourg à des sanctions financières, ce dossier a fait l’objet d’une réunion du gouvernement en Conseil le 17 décembre 2010. Au-delà, le gouvernement entend assurer un suivi rigoureux de l’ensemble des procédures d’infraction qui risquent de tomber dans le champ d’application de l’article 260 (3) TFUE. Les réunions du Conseil de gouvernement du 11 mars et du 20 mai 2011 ont ainsi dressé un état des lieux de l’ensemble de ces procédures.
Dans ce contexte, le rapport note qu’à la date du 10 mai 2011, le Luxembourg fait l’objet de 12 procédures d’infraction pour non-transposition de directives qui pourront tomber dans le champ d’application du nouvel article 260 (3) TFUE.
A défaut d’efforts soutenus visant à transposer les directives européennes dans les délais prescrits, les changements introduits par le Traité de Lisbonne pourront avoir un impact important sur le budget de l’Etat. Il s’ensuit que tous les acteurs impliqués dans le processus de transposition devront prendre d’urgence toutes les mesures qui s’imposent afin de transposer les directives endéans les délais requis afin d’éviter une condamnation du Luxembourg à des sanctions financières sur le fondement du nouvel article 260 (3) TFUE.
En 2010, le Luxembourg a fait l’objet d’une condamnation de la Cour de justice de l’UE pour non-transposition d’une directive dans les délais. Cette condamnation est intervenue lors d’une première saisine de la Cour, sous l’ancien régime, qui ne comportait pas encore la possibilité pour la Commission de demander la condamnation à des sanctions financières. Ceci constitue une amélioration considérable par rapport au nombre de condamnations du Luxembourg pour non-transposition dans les délais au cours des années précédentes (8 condamnations en 2007, 8 condamnations en 2008 et 4 condamnations en 2009), amélioration qui est en lien direct avec l’amélioration de la performance du Luxembourg en matière de transposition des directives au cours des dernières années.
Conscient des défis à relever, le gouvernement issu des élections législatives de juin 2009 a édicté la transposition des directives européennes en tant que priorité dans son programme pour la période législative de 2009-2014.
Le gouvernement procède depuis octobre 2009
Le Luxembourg est également en train d’analyser les différentes options pour la mise en place d’un outil de travail et de gestion informatique interministériel pour assurer un meilleur suivi de la transposition des directives européennes ainsi que des procédures d’infraction (pour non-transposition des directives et pour non-conformité de la législation nationale au droit communautaire).
Il y a également l’engagement pris par le gouvernement d’accélérer certains aspects de la procédure législative et réglementaire, en particulier en ce qui concerne la transposition de certains textes européens à caractère technique
Le gouvernement entend développer ensemble avec le Conseil d’État une nouvelle procédure de consultation pour les règlements grand-ducaux.
Un groupe de travail interinstitutionnel à haut niveau est appelé à trouver des réponses à ces questions, qui devraient aussi avoir des répercussions sur le système de transposition luxembourgeois au sens large.
Pour sa part, le Ministère des Affaires étrangères a établi un projet de questionnaire détaillé relatif à la gestion des dossiers de transposition par les ministères. Dans une prochaine étape, ce questionnaire sera distribué aux ministères afin de recueillir leurs réponses, commentaires et propositions.
Ces éléments permettront par la suite d’établir un état des lieux détaillé visant à identifier les raisons à l’origine des difficultés de transposition dans les délais requis, avant de proposer les solutions appropriées aux membres du gouvernement.