L’Autorité bancaire européenne (European Banking Authority, EBA) a publié le 15 juillet 2011 les résultats des tests de résistance auxquels ont été soumises 90 banques européennes de 21 pays qui représentent 65 % des actifs consolidés du secteur bancaire européen. Ces tests ont été menés en coopération avec les autorités de surveillance prudentielle nationales, le Comité européen du risque systémique (CERS), la Banque centrale européenne (BCE) et la Commission européenne.
L’exercice, qui avait été réalisé pour la première fois en 2010, fait désormais partie des instruments mis en œuvre par le Système européen de surveillance financière pour évaluer la résistance du secteur financier. Il vise à accroître la transparence, identifier des vulnérabilités, informer les décideurs politiques et assurer que des mesures appropriées, y compris un éventuel renforcement des fonds propres, sont prises afin de remédier aux déficiences constatées.
Le test mesure si le capital des banques testées reste adéquat par rapport à la norme de 5 % en fonds propres au sens étroit ("Core Tier 1") dans l’hypothèse d’un scénario macro-économique défavorable développé par la BCE et approuvé par les autorités impliquées dans l’exercice. Ce scénario défavorable prévoit une forte détérioration d’un nombre de paramètres macro-économiques par rapport aux prévisions d’automne 2010 de la Commission européenne.
Pour l’exercice 2011, l’EBA avait décidé de considérer dans les résultats des augmentations de capital spécifiques qui auraient été faites dans les quatre premiers mois de 2011, une façon d’encourager les banques à renforcer leurs positions en amont du test de résistance.
Résultat, si fin 2010, vingt banques auraient été en dessous de ce seuil de 5 % de fonds propres, elles ne sont finalement que huit à se situer en deçà de ce seuil fin avril 2011.
Cinq banques espagnoles (Caja de Ahorros del Mediterranéo, Banco Pastor, Goupo Caja3, Caixa d'Estalvis Unio des Caixes de Manlleu, Sabadell i Terrassa et Caixa d'Estalvis de Catalunya, Tarragona i Manresa), deux banques grecques (Eurobank et Atebank) et une banque autrichienne (Österreichische Volksbanken, ÖVAG) ont échoué. Elles ont besoin à elles toutes d'au moins 2,5 milliards d'euros pour renforcer leur capital. Une neuvième banque, l'établissement allemand Helaba, a refusé que ses résultats soient pris en compte après avoir contesté in extremis la méthodologie de l'exercice, tout en reconnaissant avoir échoué aux tests selon les critères de cette autorité.
L’EBA note cependant que seize banques n’ont réussi les tests que de justesse, puisqu’elles ne disposent que de 5 à 6 % de fonds propres. La moitié d’entre elles sont des banques espagnoles (Espírito Santo Financial Group (ESFG), Caixa de Aforros de Galicia, Vigo, Ourense e Pontevedra, Banco Popular Español, Bankinter, BFA-Bankia, Banco de Sabadell, Grupo Banca Civica, Et Caja de Ahorros y M.P. de Ontinyent), mais ce groupe compte aussi deux banques grecques (Piraeus Bank Group et TT Hellenic Postbank), deux banques allemandes (HSH Nordbank et Norddeutsche Landesbank), une banque chypriote (Marfin Popular Bank Public), une banque slovène (Nova Ljubljanska Banka), une banque portugaise (Banco Comercial Português, BCP) et enfin une banque italienne (Banco Popolare).
L’autorité bancaire recommande donc non seulement aux banques qui ont échoué de remédier rapidement à leur déficit de fonds propres, mais aussi aux institutions qui ont échappé de peu à cet échec - et notamment à celles d’entre elles qui sont les plus exposées à la dette souveraine de pays actuellement sous pression -, de renforcer leur position en termes de capital. L’EBA suggère ainsi des restrictions sur les dividendes, du désendettement, l’émission de capitaux frais ou la conversion d’instruments de qualité moindre en fonds propres de type Core Tier 1.
Les membres de la Commission européenne Michel Barnier et Olli Rehn ont salué ces résultats dès leur publication, y voyant "un pas de plus dans le processus de rétablissement du secteur bancaire européen". A leurs yeux, ces résultats montrent qu’une grande majorité des banques européennes sont maintenant plus fortes et plus capables de résister à des chocs.
Les deux commissaires ont souligné que ces tests avaient été "plus rigoureux" que ceux menés précédemment, notamment en se fondant sur une définition plus stricte du capital, mais aussi en se basant sur des scénarios plus graves. Les tests de 2010 avaient fait l’objet de vives critiques et l’EBA assure qu’en 2011, les tests livrent "un niveau de transparence sans précédent sur l’exposition des banques et la composition de leur capital". Une transparence dont se félicitent Michel Barnier et Olli Rehn qui soulignent notamment que tout un chacun a par exemple accès à l’exposition à la dette souveraine de l’ensemble des banques soumises aux tests.
Pour les banques qui ont échoué et pour celles, passées de justesse, qui font état de faiblesses substantielles, les commissaires ont lancé un appel à renforcer leurs positions. Mais ils ont aussi rappelé que les Etats membres prévoyaient des mesures de soutien en cas de nécessité, ainsi qu’il en a été discuté lors du Conseil Ecofin du 12 juillet : "priorité doit être donnée à des solutions apportées par le secteur privé, mais un cadre solide est prévu pour l’apport d’une aide d’Etat en cas de besoin".
Au Luxembourg, seule la Banque et Caisse d’Epargne de l’Etat (BCEE), participait directement au test de résistance européen. La CSSF l’avait incluse en se fondant sur les critères établis par l’EBA pour établir l’échantillon.
Sur base de la méthodologie commune, qui comprend diverses hypothèses restrictives, le ratio de solvabilité "Core Tier 1" estimé pour la BCEE augmenterait sous l’effet du scénario défavorable à 13,3 % en 2012 contre 12 % en fin d’année 2010. Il s’ensuit que le ratio de solvabilité "Core Tier 1" de la BCEE demeurerait, même dans le scénario défavorable, largement supérieur à la valeur de référence de 5 %. Le ratio de 13,3 % serait atteint sans devoir tenir compte d’éventuelles mesures d’atténuation décidées par la direction de la banque, notamment par l’extourne de provisions anticycliques (provisions forfaitaires).
L’amélioration de la solvabilité estimée de la BCEE de 2010 à 2012 s’explique largement par la capacité de la banque à générer au cours des années 2011 et 2012 des profits qui excèdent les dépréciations présumées d’actifs et la marge d’intérêt réduite sous le scénario défavorable prévu dans le test. En conséquence, la CSSF estime qu’aucune mesure correctrice d’ordre prudentiel ne s’impose dans ce contexte.
D’autres banques de la place luxembourgeoise étaient indirectement couvertes par le biais de leurs maisons mères incluses dans l’échantillon sur base de leurs comptes consolidés qui comprennent en particulier leurs entités luxembourgeoises. Ce sont donc près de 80 % des actifs de la place bancaire luxembourgeoise qui étaient couverts par l’exercice, ainsi que le souligne la CSSF.
Les résultats du test de résistance européen 2011 montrent que les groupes bancaires européens BNP Paribas, Dexia, ING, BPCE et Caixa Geral De Depósitos, dont les entités luxembourgeoises détiennent des parts significatives du marché domestique du crédit et des dépôts de détail, sont également à même de résister au scénario défavorable prévu dans l'exercice de l’EBA. Les entités luxembourgeoises de ces groupes bancaires sont BGL BNP Paribas, Dexia Banque Internationale à Luxembourg, ING LUXEMBOURG S.A., Banque BCP S.A. ainsi que Caixa Geral de Depósitos SA, Lisboa (Portugal), succursale de Luxembourg. Les actifs de ces institutions sont compris dans le total des actifs consolidés de leur maison mère.
Pour Luc Frieden, qui ne s’était pas montré inquiet sur les performances de la BCEE quelques jours avant la publication des résultats de ces tests, ces résultats viennent confirmer "la solidité des banques luxembourgeoises". Le Luxemburger Wort rapporte dans son édition datée du 16 juillet 2011 l’importance que revêtent aux yeux du ministre luxembourgeois des Finances ces tests de résistance qui permettent selon lui de pouvoir anticiper des difficultés aux conséquences de taille.
Le directeur général de la BCEE, Jean-Claude Finck, était interrogé au lendemain de la publication des résultats de ces tests par Ronny Wolff, journaliste du Luxemburger Wort. "Nous avons mené ce test très soigneusement dans chacune de ces différentes phases qui ont ponctué ces trois derniers mois", explique-t-il, assurant que les résultats sont conformes à ses attentes et "donnent un reflet fidèle de la stabilité financière" de sa banque.
Quant à l’exposition de la BCEE à la dette italienne, Jean-Claude Finck l’explique du fait que "l’Italie est et reste traditionnellement une importante puissance économique européenne". Il est donc "normal" à ses yeux que des institutions financières aient investi dans des obligations italiennes. La banque qu’il dirige observe avec attention l’actuelle dégradation de la situation financière de l’Italie, et ce depuis ses premiers signes, et Jean-Claude Finck précise par ailleurs avoir agi de façon à réduire ces créances considérablement, sans pertes importantes, au cours des six derniers mois. La BCEE détient donc à cette date nettement moins de dette souveraine italienne, mais aussi de créances émises par les banques italiennes, qu’au 31 décembre 2010, date des valeurs prises en compte par les tests de résistance.
"L’engagement de la BCEE à l’égard de l’Italie, mais aussi des autres pays européens qui sont actuellement en difficulté, est donc très restreint par comparaison à de nombreux groupes bancaires européens", indique Jean-Claude Finck qui rappelle que les agences de notation, qui tiennent compte des créances d’une banque, octroient depuis plusieurs années la meilleure note à la BCEE.