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Economie, finances et monnaie
L’arrangement bilatéral trouvé sur les garanties financières accordées à la Finlande en contrepartie de sa participation au second plan d’aide à la Grèce soulève des questions au Luxembourg
24-08-2011


Le 16 août 2011, la Finlande et la Grèce ont trouvé un accord bilatéral sur l’obtention par la Finlande de garanties financières en contrepartie de sa participation au second plan d’aide à la Grèce auxquels les chefs d’Etat et de gouvernement ont donné leur feu vert le 21 juillet 2011.

Une disposition prévue dans les conclusions de ce sommet de la zone euro qui semble cependant jeter quelques ombres dans la mise en œuvre des décisions prises lors de cette réunion. Les conclusions indiquaient en effet, sans plus de précision que, "le cas échéant, un contrat de garantie sera mis en place de façon à couvrir le risque résultant, pour les États membres de la zone euro, des garanties qu'ils auront fournies à l’EFSF".

L'accord conclu entre Athènes et Helsinki prévoirait que la Grèce dépose dans les caisses de l'Etat finlandais une somme qui, ajoutée aux intérêts qu'elle produira, couvrira au bout du compte le montant du prêt garanti par la Finlande. Un point sur lequel insistait le gouvernement finlandais issu des élections législatives d’avril dernier :  l'aide aux pays en difficulté en a été un des enjeux et la poussée des Vrais Finlandais, parti populiste et eurosceptique de droite nationaliste devenu la troisième force politique du pays, explique que le gouvernement finlandais exige la mise en place de telles garanties.

Or, depuis l’annonce de cet arrangement, les critiques à l’égard de l’octroi de telles garanties à la Finlande se sont multipliées. Plusieurs pays, eux aussi notés du fameux et précieux "triple A" par les agences de notation, appellent ainsi à être traités de la même façon. C’est le cas de l'Autriche, des Pays-Bas, de la Slovaquie et de la Slovénie. "S'il y a des garanties pour un pays, alors tous les autres doivent être traités de la même façon", a déclaré par exemple le 23 août 2011 la ministre autrichienne des Finances Maria Fekter.

Si la Commission européenne a indiqué le 23 août 2011 ne pas avoir eu connaissance d'une demande officielle émanant d'un autre Etat membre "à ce stade", son porte-parole n’a pas manqué de souligner aussi que l’accord bilatéral devait rencontrer l’aval des partenaires de la zone euro auxquels il appartiendra "de déterminer si cet arrangement est approprié ou non" dans la mesure où "toute décision d'introduire une garantie a un impact sur le schéma de financement du second plan d'aide à la Grèce".

Du côté allemand, le porte-parole de la chancelière a appelé le 24 août 2011 à "trouver d’autres moyens de rassurer la Finlande". "Quand un pays obtient ce genre de garanties, cela se fait aux dépens des autres", a-t-il déclaré, jugeant que l’accord trouvé  "ne mène nulle part". Il a appelé à trouver "une solution collégiale" tout en saluant les déclarations faites le jour même par le ministre finlandais des Affaires européennes, Alexander Stubb. "Nous devons nous en tenir au calendrier établi dans le plan d'aide", a en effet déclaré ce dernier, soulignant que la Finlande était prête à revoir les modalités des garanties accordées bilatéralement par Athènes à Helsinki, afin qu'elles soient acceptables par tous les pays de la zone euro. "Nous ne porterons atteinte ni à l'Union européenne, ni à l'euro, ni aux intérêts d'aucun des Etats membres", a renchéri le ministre finlandais, appelant à ne pas sous-estimer "le pragmatisme des Finlandais et la faculté de l'Union européenne à trouver des solutions créatives".

Alex Bodry s’inquiète dans une question parlementaire urgente d’un accord gréco-finlandais qui "compromet sérieusement la sérénité des discussions autour du soutien financier à accorder à certains Etats de la zone euro"

Au Luxembourg, l’inquiétude suscitée par les conséquences que pourraient avoir cet accord sur la mise en œuvre du plan d’aide à la Grèce s’est fait sentir et le président du LSAP, Alex Bodry, a adressé le 23 août 2011 une question parlementaire au ministre des Finances Luc Frieden. Le caractère urgent de la question a été reconnu aussitôt par la Chambre. Le député socialiste évoque dans sa question un accord gréco-finlandais qui "compromet sérieusement la sérénité des discussions autour du soutien financier à accorder à certains Etats de la zone euro".www.chd.lu

"Pour quelles raisons le Luxembourg a-t-il approuvé lors du dernier Conseil européen du 21 juillet 2011 le principe d’accords bilatéraux sur des garanties à côté des règles communes relatives aux aides accordés à la Grèce ?", demande le député. "Est-ce que le gouvernement estime que l’accord conclu récemment entre la Grèce et la Finlande nécessite l’approbation des autres Etats de la zone euro ?", interroge-il encore, avant de demander au ministre des Finances si "le fait de recourir à de telles garanties bilatérales n’affaiblit pas la position de notre pays en cas de défaillance éventuelle de la Grèce face à ses obligations financières".

Luc Frieden s’inquiète de l’influence négative que pourrait avoir cet arrangement sur l’ensemble de la zone euro

Interrogé par le journaliste Paul Konsbruck, le ministre des Finances luxembourgeois ne juge certes pas la solution idéale. "Je ne suis pas très chaud pour qu’on fasse une solution juste pour la Finlande", a-t-on pu l’entendre déclarer ainsi sur les ondes de RTL Radio Lëtzebuerg le 24 août 2011. S’il s’imagine qu’une telle garantie se ferait sur la rtlbase d’une hypothèque ou d’un bien, le ministre luxembourgeois souligne aussi la difficulté d’une telle garantie dans la mesure où la Grèce doit justement vendre nombre de ses biens dans le cadre d’un programme de privatisations qui vise à financer sa dette.

"Mais le choix politique a été fait par les chefs d’Etat et de gouvernement pour faire en sorte que la Finlande ne refuse pas de participer au plan d’aide", rappelle Luc Frieden. Comme il l’a expliqué au journaliste Paul Konsbruck,  la participation du gouvernement finlandais à un plan d’aide a été conditionnée à l’octroi d’une garantie, et il a donc fallu chercher une solution permettant une participation finlandaise au nouveau plan d’aide à la Grèce.

Pour le gouvernement luxembourgeois, une exception pourrait encore passer, rapporte le journaliste, mais Luc Frieden ne se réjouit pas pour autant de ce régime spécial et de ce potentiel flux de liquidités du Sud vers le Nord. Le ministre des Finances jugeraient nécessaires des discussions supplémentaires sur le sujet.

La veille, Luc Frieden avait expliqué aux auditeurs de la radio 100,7 que cette exception rendait "extrêmement compliquée la mise en œuvre des décisions du Conseil européen". "Comment un pays comme la Grèce, qui n’a déjà plus grand chose, doit-il maintenant donner encore une garantie supplémentaire ?", s’interrogeait-il alors au micro de Michel Delage. Luc Frieden, ne voyant pas "quelles formes elles pourraient prendre dans la pratique", estimait qu’il vaudrait mieux ne pas exiger de la Grèce des garanties supplémentaires.100komma7

Ainsi que le rapportait Michel Delage le 23 août 2011, Luc Frieden juge essentiel que les 17 membres de la zone euro aient à donner leur accord sur cet arrangement du fait que ce dernier pourrait avoir une influence négative sur l’ensemble de la zone euro. Car si la Finlande se voit accorder un tel traitement, il semble évident aux yeux du ministre luxembourgeois que d’autres pays puissent espérer se voir accorder des garanties équivalentes. Et si 4 ou 5 pays en viennent à exiger de telles garanties, tout le monde va en demander autant, estime le ministre qui se demande comment cela pourrait fonctionner… "Si beaucoup de pays demandent cela, je crains que le problème grec ne devienne encore plus grave et que la Grèce n’en arrive rapidement à la faillite", juge Luc Frieden qui rappelle justement que c’est bien là ce qu’il s’agit d’éviter.