Principaux portails publics  |     | 

Agriculture, Viticulture et Développement rural - Emploi et politique sociale
Conseil Agriculture – Après un premier débat sur la PAC après 2013 qui laisse présager des négociations difficiles, le Conseil n’a pas pu sortir de l’impasse sur la question du PEAD
20-10-2011


Le Conseil de l’Union européenne des ministres de l’Agriculture et de la Pêche s’est réuni à Luxembourg les 20 et 21 octobre 2011. Romain Schneider, ministre de l’Agriculture, de la Viticulture et du Développement rural, y représentait le Luxembourg dans des discussions qui ont notamment porté sur la réforme de la PAC après 2013 et sur le programme européen d’aides aux plus démunis.

Les propositions de la Commission pour la PAC après 2013 ont fait l’objet d’un premier débat public

Les propositions faites par la Commission européenne le 12 octobre dernier sur l’avenir de la PAC dans le cadre de la prochaine période de programmation budgétaire, 2014-2020, ont fait l’objet d’un premier débat public. Les critiques ont fusé sur un nombre d’éléments clefs de cette réforme. En ligne de mire par exemple, la mise en jachère écologique de 7% des surfaces agricoles ou l'idée de conditionner 30 % des aides directes au respect de mesures environnementales.PAC après 2013

 "Mettre au repos des surfaces entières n'est pas compatible avec l'objectif de produire plus de nourriture dans le contexte d'une population mondiale en hausse, et de produire en même temps des énergies renouvelables", a jugé  par exemple la ministre allemande Ilse Aigner qui s’est dite aussi opposée à l’idée de plafonner les aides à 300.000 euros maximum par ferme. Son homologue britannique Caroline Spelman a estimé que le plafonnement des aides se traduirait par une fragmentation des exploitations.

Le ministre français Bruno Le Maire a de son côté critiqué les modalités du verdissement des aides, tout en y disant "oui sur le principe". "Les premières propositions comme le taux de 30 % me paraissent excessives et inappropriées", a-t-il précisé.

Du côté espagnol, c’est l’ensemble des propositions qui suscite la déception, et notamment  le nouveau système de répartition en fonction du nombre d'hectares, censé favoriser les exploitations extensives au détriment des exploitations intensives dont la production plus importante leur donnait jusqu'ici droit à plus d'argent. Pour Eskil Erlandsson, ministre suédois, le projet "complique encore les choses davantage".

Une position luxembourgeoise nuancée

Romain Schneider a lui indiqué le soutien du Luxembourg pour ce qui est du maintien des principales mesures de soutien des marchés, comme l’intervention ou le stockage privé comme filet de sécurité. Il a par ailleurs assuré que le Luxembourg analyserait avec intérêt les propositions faites en matière de mesures d’urgence. "Les récents événements sur les marchés nous ont démontré que nous avons besoin de mécanismes réactifs et flexibles couvrant une large gamme de situations et de produits", a-t-il déclaré.

Romain Schneider a cependant fait part de son vif regret quant au fait que la Commission n’a pas fait de proposition allant dans le sens d’un atterrissage en douceur dans tous les Etats membres en vue de la suppression des quotas laitiers en 2015. Un sujet sur lequel le gouvernement luxembourgeois défend les revendications faites régulièrement par les producteurs de lait qui, dépassant cette année encore les quotas qui leur sont dévolus, s’inquiètent de ne pas pouvoir se préparer progressivement à cette suppression des quotas.

"La question difficile de l’alignement de la législation agricole sur le traité de Lisbonne reste ouverte", a noté encore le ministre luxembourgeois qui entend aborder le sujet plus en détail dans le cadre de l’analyse technique du dossier.

Romain Schneider salue l’idée qu’il n’y ait plus qu’un seul règlement financier horizontal applicable pour les deux piliers en termes de conditionnalité. Pourtant, il juge cette simplification "assez timide", notamment en raison de l’introduction du paiement écologique qui risque à ses yeux de contrecarrer tous les efforts pour diminuer la charge administrative.

Romain Schneider a insisté enfin sur la nécessité d’introduire de la proportionnalité, notamment en ce qui concerne la fréquence des contrôles.

Blocage et crispations sur la question du PEAD

La question du Programme européen d’aide aux plus démunis (PEAD) a fait l’objet d’une très grande crispation.

 Depuis septembre 2010, la proposition de la Commission visant à maintenir le régime d'aide alimentaire aux plus démunis, dont l'enveloppe financière est de 500 millions d’euros, au même niveau en 2012 et 2013 est en attente d'une décision des États membres.

Les ministres de l'Agriculture suédois, Eskil Erlandsson, et tchèque, Petr Bendl, en discussion au Conseil Agriculture du 20 octobre 2011 (c) Conseil de l'UE tr-bendlLa minorité de blocage constituée par six pays qui avait empêché de trouver un accord le 20 septembre dernier a conduit la Commission à mettre sur la table une nouvelle proposition de compromis le 3 octobre 2011, jour où les ministres en charge des Affaires sociales évoquaient le sujet en Conseil EPSCO.

Une des modifications proposées consiste à supprimer l'ajout d'une disposition prévoyant à l'avenir un cofinancement du régime.

Mais surtout, pour sortir de l’impasse liée au problème de base juridique du programme, la Commission propose de doter le régime d'une double base juridique, à savoir l’agriculture, mais aussi la cohésion sociale, pour rendre compte de la dimension sociale importante qu'il revêt et marquer l’orientation future du programme.

Dans son arrêt rendu le 13 avril 2011, le Tribunal estime en effet que la base juridique actuelle ne permet pas d'acheter sur le marché libre des produits destinés au régime d'aide. En raison de l'arrêt du Tribunal, la Commission est légalement tenue de limiter le financement octroyé au programme 2012 aux stocks d'intervention disponibles, soit l'équivalent de 113,5 millions d’euros, même si le budget prévu est de 500 millions d’euros.

Compte tenu de la situation du marché, il ne devrait pas y avoir de stock d'intervention l'année prochaine. L’enjeu est donc de pouvoir financer le programme en 2012 et 2013. "Sans accord, il n’y aura que 100 millions d’euros environ pour 2012, et il risque de ne rien y avoir du tout en 2013", a mis en garde le commissaire Dacian Ciolos en ouvrant la discussion.

La Commission s’engage par ailleurs à ce que la prolongation du programme au-delà de 2013 se fera en dehors de la PAC, sur la base juridique de la cohésion sociale. A compter de 2014, le régime serait donc intégré dans les instruments de la politique sociale de l'UE et il serait doté d'une enveloppe de 2,5 milliards d’euros pour la période de sept ans.

Malgré les appels à la responsabilité politique et européenne lancés avec gravité par le commissaire, qui estime avoir "les arguments politiques, moraux, administratifs et techniques pour assurer la continuité transitionnelle de ce programme", l'Allemagne, la Suède, le Royaume-Uni, le Danemark, la République tchèque et les Pays-Bas campent sur leur position et continuent d’opposer leur refus à l’utilisation de fonds tirés du budget agricole à des fins de politique sociale.

"Nous ne voulons pas de politique sociale à l'échelle européenne", a asséné avec fermenté la ministre allemande, Ilse Aigner. Eskil Erlandsson, a abondé dans son sens, évoquant "un problème national qui doit être résolu à l'échelle nationale". Le programme a fonctionné "à l'époque où nous avions des surplus de matières premières dont nous devions nous débarrasser, mais ce n'est plus le cas aujourd'hui", a argué le ministre suédois.

"C'est une preuve d'égoïsme, dans une Union européenne où on a besoin de solidarité", a déploré Dacian Ciolos, en estimant qu'on ne pouvait "pas laisser tomber" ce programme "du jour au lendemain" et couper des fonds dont profitent chaque année 18 millions de bénéficiaires. "Si on est solidaires avec les banques, il faut être solidaires avec les plus démunis", s’est exclamé le ministre polonais Marek Sawicki qui a promis de ne "pas fermer pour autant le dossier".

Le ton n’était pas moins désolé chez la plupart des ministres des Etats membres qui utilisent ce régime. "C'est la première fois que je suis aussi mal à l'aise, aussi gênée" de participer à une réunion des ministres européens, a même confié la ministre belge Sabine Laruelle, tandis que son homologue espagnole Rosa Aguilar a jugé que l'échec des négociations était "un lamentable désastre".